Les Echos quotidien : Vous participez en ce moment à un projet théâtral en tournée au Maroc. En quoi consiste-t-il ? Ali Esmili : C'est un projet né en France et destiné aux jeunes lycéens. Quatre écrivains ont rédigé les textes, en l'occurrence les Marocains Fouad Laroui et Youssef Fadel et les Algériens Mustapha Benfoudil et Hajar Bali. Ces pièces de théâtre abordent les quatre thématiques de l'amour, la mort, la politique et le désir d'ailleurs. Sinon, et afin d'être plus proches de notre public, nous a avons opté pour l'utilisation du dialecte marocain et du français. Vous avez présenté ce projet à Casablanca, Tétouan et Agadir. Comment les lycéens ont-ils réagi face aux thèmes traités ? Les dernières représentations ont eu lieu hier et avant hier à Agadir. Je peux vous assurer que durant notre tournée, les élèves des lycées publics et français où nous nous sommes produits ont apprécié les spectacles. Le fait que la troupe investisse pendant une journée le lycée crée une ambiance tout à fait particulière. Bref, les lycéens ont été très sensibles aux thèmes traités. Le public vous a découvert cette année grâce au film «La cinquième corde» de Selma Bargach. Comment s'est passée la rencontre avec la réalisatrice ? Cela fait de nombreuses années que je vis en France où je suis comédien professionnel. L'idée de participer à une production nationale m'a toujours tentée. Lorsque j'ai appris que Selma Bargach était en train de chercher un acteur maîtrisant l'arabe et le français et jouant au luth, j'ai cherché à la rencontrer. C'est grâce à Abdallah Chakiri que cette rencontre a eu lieu. Les choses se sont très bien passées et Selma m'a désigné pour interpréter le rôle de Malek, le personnage principal du film. C'était un gros challenge, dans la mesure où elle a présenté un acteur peu connu du grand public. C'est vrai que je ne venais pas de rien, puisque j'ai à mon actif dix ans d'expérience en tant que comédien, mais c'était ma première expérience cinématographique. Justement, êtes-vous satisfait de cette expérience ? J'étais assez content du résultat final. Selma a fait un énorme travail sur le plan technique. Le jeu des comédiens était irréprochable. Personnellement, j'avais la pression du premier rôle. Sans oublier qu'il fallait que je m'entraîne pendant plusieurs mois sur le luth avant le début du tournage. Pour répondre à votre question, je suis satisfait de cette première expérience, parce qu'elle m'a permis d'apprendre beaucoup de choses. Après «La cinquième corde», un autre réalisateur Mohamed Nadif, vous a sollicité pour participer à son premier long métrage «Andalousie, mon amour». De quoi s'agit-il ? C'est une comédie qui traite le thème de l'immigration clandestine d'une manière ludique. J'y interprète l'un des rôles principaux, aux côtés notamment de Youssef Britel, Mohamed Chousbi, Asma Hadrami, Mehdi El Ouazzani et Mohamed Nadif. C'est un rôle très différent de Malek. Sinon, le tournage s'est passé dans une ambiance détendue et très professionnelle. Je pense que la sortie de ce film aura lieu en janvier prochain. Peut-on donc dire que «La cinquième corde» est votre point de départ au Maroc ? Sur le plan cinématographique, oui. Au niveau du théâtre, j'ai déjà participé à la caravane «Alif Lam». Comme vous le savez, le théâtre est très peu médiatisé au Maroc, ce qui explique le fait que les comédiens qui préfèrent les planches restent méconnus du grand public. Concrètement, quel regard portez-vous sur le théâtre au Maroc ? Je pense qu'il faut vraiment aider les compagnies nationales. L'Etat doit s'en mêler un peu plus, en créant les structures nécessaires pour le développement de cet art. Sans théâtre, il n'y aura pas de réflexion. Je pense qu'il est temps de cesser de penser que la culture ne sert à rien. Par contre, j'estime que le cinéma marocain est en train de vivre un véritable développement. Le nombre des productions réalisées chaque année, l'émergence des corps de métiers du cinéma... prouvent que les choses bougent. Toutefois, il y a beaucoup de films médiocres, mais il y a aussi des perles qui sortent du lot. Je pense que l'Etat, à travers le programme «Avances sur recettes», tente de tirer notre cinéma vers le haut. Sur quels critères vous basez-vous pour choisir vos rôles ? Au théâtre, mon choix se base sur le texte. Il faut que ce dernier appelle à un débat d'idées et à la réflexion. Au cinéma, mon critère est que le film défende un propos. C'était le cas de «La cinquième corde», où le personnage principal renonce à tout pour faire ce qu'il aime. Le film de Mohamed Nadif, lui, traite d'un sujet d'une actualité brûlante. Je pense que le cinéma ne doit pas être seulement un moyen de divertissement, mais aussi de réflexion. Le petit écran ne vous tente-t-il pas ? Si on me propose un rôle intéressant, j'accepterai volontiers. Mais, je préfère plutôt faire de bons films ou jouer dans des pièces de théâtre que de participer dans des téléfilms. Pourtant, la télévision assure une certaine popularité auprès du public... Je ne fais pas le cinéma ou le théâtre pour être populaire. Je le fais parce que j'aime mon métier. Voir les choses sous cet angle là me semble une mauvaise idée. De plus, la popularité est éphémère. Ce qui compte pour moi, c'est d'avoir de la continuité. Avez-vous pensé à passer derrière la caméra ? C'est faisable, mais ce sont des métiers qu'il faut apprendre. Il faut être bien formé pour pouvoir réaliser un film ou mettre en scène une pièce de théâtre. Décider sur un coup de tête de réaliser un court métrage par exemple me semble ridicule. Il faut savoir pourquoi on veut faire un film, sinon, ce n'est pas la peine de le faire.