Ali Esmili, qui arbore un look fantaisiste, cumule deux casquettes, le théâtre et le cinéma. À l'affiche d'Andalousie mon amour (bientôt sur nos écrans), le jeune homme s'impose comme un talent émergent au charme réservé, pétri d'une belle ambivalence. S'il est acteur confirmé sur les planches parisiennes, Ali Esmili est aussi le nouveau visage du cinéma marocain. En l'espace de deux ans, il a décroché deux rôles principaux sur le grand écran, La 5e corde de Salma Bargach, prix du jury au Festival du cinéma africain à Khouribga et Andalousie mon amour, de Mohamed Nadif, coup de cœur au Festival international du film de Marrakech. En prévision de la sortie en salle d'Andalousie mon amour prévue le 11 janvier, Ali Esmili nous parle de ses tournées, ses tournages, de sa vie sur les planches, et sous les projecteurs. Vous avez tourné avec Mohamed Nadif, acteur et metteur en scène de théâtre comme vous. Comment qualifiez-vous votre expérience sur le tournage d'Andalousie, mon amour ? C'était une très bonne expérience. Comme Nadif est un acteur à la base, il a su communiquer aux comédiens ce qu'il souhaitait, et pu focaliser sur les aspects techniques tout en ne mettant pas de côté les acteurs, chose qui est rare chez certains réalisateurs. De plus, venant tous deux du milieu du théâtre, nous nous sommes compris très vite. Comment faites-vous la part des choses entre le cinéma et le théâtre ? Ma préférence va au théâtre. J'aime beaucoup l'ambiance du spectacle vivant et des tournées. Bien que le spectacle se répète tous les soirs, le public et les vibrations restent différentes. On pourrait croire que ce sont deux métiers frères, pourtant le cinéma reste une industrie où l'acteur fait partie d'un tout. Au théâtre, c'est l'acteur qui est au centre, et a un rapport direct avec le public, et avec son texte, alors qu'au cinéma c'est un jeu de puzzles, et les scènes ne se suivent pas. L'énergie est tout simplement différente. « La communauté maghrébine en France va rarement au théâtre et l'audience se cantonne aux auteurs maghrébins ou aux spectacles qui la touchent. » Vous êtes intermittent du spectacle en France et vous multipliez les tournées à Paris. Est-il facile de vivre de ce métier ? En France, je travaille en fonction des projets, et je suis à la disposition des metteurs en scène. J'arrive à en vivre parce qu'il y a un système qui aide les acteurs, celui des intermittents de spectacle. Pour acquérir ce statut, il faut cumuler 507 heures par an, ce qui permet d'avoir un salaire calculé sur la base de ce quota, pendant 10 mois, et renouvelable d'année en année. Avez-vous des projets de pièces de théâtre au Maroc ? Le jour où j'ai fait du théâtre, j'ai compris qu'il était difficile d'en vivre ici au Maroc (sourire). Cependant, je réalise quelques projets ici. En octobre, j'ai joué à Tétouan, Tanger et Agadir, lors d'une tournée dans les lycées français et les lycées publics marocains, dans le cadre d'un projet franco-maroco-algérien, en collaboration avec l'Institut français. Le projet, co-écrit par quatre écrivains, deux marocains et deux algériens, était en français et en arabe, mis en scène par Philippe de Laigue. En 2004, j'ai participé à une caravane de sensibilisation avec la fondation Alif Lam, où j'ai mis en scène deux pièces de théâtre. En ce moment, je me penche sur la création d'un collectif maghrébin d'acteurs issus de l'immigration, en vue d'adapter des œuvres d'auteurs originaires du Maghreb ou du Moyen-Orient. Comment qualifiez-vous le public maghrébin qui va au théâtre en France aujourd'hui ? La communauté maghrébine en France va rarement au théâtre et l'audience se cantonne aux auteurs maghrébins ou aux spectacles qui la touchent, mais l'intérêt reste globalement limité. Dans la banlieue parisienne, beaucoup de centres nationaux dramatiques essayent de fédérer le public à travers des dramaturges maghrébins, souvent algériens (vu que la date de la célébration de l'année de l'Algérie en France approche), comme Aziz Chouaki et Kateb Yacine. S'il y a plus d'efforts pour fédérer ce public, il serait prêt à s'intéresser au théâtre. Avant de faire des études de théâtre, vous avez étudié l'économie. Pourquoi ? Jeune, j'ai toujours eu une passion pour la littérature, et je suivais de près les dramaturges de l'époque, comme Kateb Yacine qui a révolutionné la littérature algérienne, surtout avec Nedjma. C'est ce genre d'auteur et d'idéologie que j'aimerais défendre sur scène.