De comédien confirmé, Mohamed Nadif s'est récemment mû en réalisateur novice. Dans Andalousie mon amour, il a abordé d'une manière décalée le sujet de l'immigration clandestine, orchestrant une traversée agréable et un premier film mené à bon port. Mohamed Nadif vit entre Paris et Casablanca. Après un parcours prolifique de comédien et de metteur en scène de théâtre, et trois tentatives cinématographiques dont trois courts-métrages différents, il tente le virage de réalisateur de cinéma avec Andalousie mon amour A une différence près : il y joue ! Un rôle frais et clownesque où il crève joyeusement l'écran. Andalousie mon amour est un film drôle, léger, truffé de piques judicieuses et émaillé de folklore marocain. Une comédie cimentée par un traitement novateur de l'immigration clandestine, un sujet épineux récurrent dans le cinéma marocain. Le film a été sélectionné dans la section Coup de cœur au Festival international du film de Marrakech et est en compétition au Festival international du film arabe à Oran. Il sera en salles le 11 janvier. Rencontre. Pourquoi avoir choisi le comique pour aborder le sujet de l'immigration clandestine ? Quand j'ai rencontré Omar Saghi, le scénariste du film, le sujet m'a plu et nous avons décidé de le développer ensemble, en attendant le financement. Il est vrai que ce sujet, qui concerne tous les Marocains, a été traité auparavant d'une manière dramatique. Mais nous avons voulu présenter une comédie porteuse de messages, où tous les ingrédients d'une comédie à l'italienne sont réunis. Que représente pour vous ce fléau et quel message y a-t-il derrière votre film ? J'invite les gens à rêver dans leurs propres espaces et à arrêter de prendre des risques au point de mourir et d'être exploités. Il n'y a pas de solution politique à ce fléau tant qu'on ne crée pas de l'emploi et de l'espoir ici. Nos immigrés prennent le risque de mourir : il faut voir le nombre de corps et de tombeaux qui ne portent pas de noms, sans compter les maffias et les passeurs malhonnêtes qui brisent les destins des jeunes. Il faut dire que beaucoup de ceux qui passent les frontières restent clandestins, mais ceux qui réussissent donnent de l'espoir à d'autres, et rebelote. Le problème doit être traité à la source. « La majorité des gens, surtout ceux qui ne vont pas au théâtre, ne m'ont jamais vu dans des rôles comiques. » Pourquoi cette nostalgie poétique andalouse en toile de fond ? Au moment de l'écriture du scénario en 2009, on parlait beaucoup de la commémoration de l'expulsion des Morisques en Andalousie. La presse l'avait relayé à l'époque, et il y a même eu en espagne des députés espagnols qui ont proposé des décrets-loi pour reconnaître le droit aux descendants des Morisques en Andalousie. Certains ont même réclamé que le roi actuel demande pardon. C'est un film qui veut montrer les liens entre le Maroc et l'Espagne. L'immigration vers l'Espagne est un fait historique, et je fais référence à cette Andalousie où les gens cohabitaient, jadis, sans problèmes. Il y est question, par exemple, d'un discours sur les savants et les mathématiciens issus de l'Andalousie musulmane, dont Ibnou Khaldoun et Ibnou Fernass qu'on ne connaît pas ou peu. Pourtant, il est le premier homme à avoir essayé de voler, à l'âge de 64 ans, et qui a fini par se fracturer la jambe et en mourir. J'ai voulu tirer le public vers le haut à travers certaines références, à la différence des comédies marocaines qui descendent parfois très bas et plongent dans le burlesque. Vous êtes à la base acteur et metteur en scène de théâtre. Pourquoi ce saut vers la réalisation cinématographique ? J'ai une formation de comédien et j'ai un DEA en études théâtrales de l'université de Paris. Je joue et je réalise beaucoup de pièces de théâtre, que je fais tourner en France et ici, en français et en darija marocaine. Quand j'ai joué dans Les voisines d'Abou Moussa, un film d'époque de Abderahmane Tazi, j'étais assistant-réalisateur et ceci m'a donné envie d'envisager la réalisation. J'ai également réalisé des courts-métrages à Paris, qui ont voyagé dans plusieurs festivals avant d'en venir finalement au long-métrage. Vous jouez un rôle secondaire dans le film et vous êtes hilarant. Excellez-vous toujours dans les rôles comiques ? Non, j'ai joué des rôles « sérieux » dans plusieurs téléfilms, et surtout dans le long-métrage La chambre noire de Hassan Benjelloun. D'ailleurs la majorité des gens, surtout ceux qui ne vont pas au théâtre, ne m'ont jamais vu dans des rôles comiques. Y a- t-il un projet futur sur les rails ? Oui, après l'omniprésence masculine dans Andalousie mon amour, je co-écris avec ma femme, Asmaa el Hadrami, un film sur les femmes et en particulier sur la dépression féminine (rires). C'est un drame, mais très aéré, que je tournerais au Maroc.