La transformation de nos sociétés, ainsi que la mondialisation reconfigurent, incessamment, les contours de la pratique politique. Elles contribuent non seulement à l'émergence «de dispositifs citoyens» de contrôle et de réaction, mais aussi à la diffusion d'aspirations quant à ce que doivent être les gouvernants et leurs responsabilités dans la promotion de la démocratie et du développement. D'autre part, grâce à l'amplification des technologies de l'information et de la communication, chaque citoyen vit une révolution permanente en temps réel. Ceci n'est pas sans apporter de nouvelles exigences que les partis doivent s'approprier et investiguer. En effet, dans n'importe quel gouvernement démocratique, aucun enjeu n'est plus important que celui de détenir et de préserver la confiance des citoyens. Les tensions sociales qui bouillonnent dans plusieurs pays, notamment ceux traversés par le printemps arabe, renferment plusieurs défaillances endémiques : la persistance d'un niveau de chômage élevé, notamment chez les plus jeunes, l'accroissement des disparités et des inégalités sociales, l'injustice apparente où l'on semble privilégier le financier au détriment de la vie digne... Autant de considérations qui ne font qu'attiser la crise de confiance et détourner des partis politiques figés dans leur incapacité d'être porteurs de solutions. Ces partis ont, pourtant, à maîtriser et à ne pas subir les évolutions de leur environnement. Ils éviteraient ainsi une instabilité plus importante et plus dangereuse pour l'équilibre de leur société. La persistance tenace de la pauvreté et des inégalités crée des conditions propices à l'expansion du populisme, de l'extrémisme et des conflits sociaux. Il importe donc de réfléchir aux causes et aux effets des situations de ce détournement des partis politiques. Quelles raisons imputer à ces processus de discrédit ? Comment traiter ce qui relèverait des causes internes (dépréciation idéologique, conflits, désaffiliation militante, peu de démocratie interne, échecs électoraux) et ce qui relève des causes externes (changements socioéconomiques, contextes institutionnels, perte d'influence dans la société) ? Incontestablement, les volets internes et externes se recoupent autour de la problématique de l'ancrage de ces partis dans la réalité de leurs bases, afin d'y forger des positionnements crédibles, authentiques et pérennes. Il leur revient d'opérer, bravement, une série de transformations englobant les lois sur leur financement, sur leur moralisation, sur l'introduction de nouveaux dispositifs de participation agissant au bénéfice de la modernisation de la vie politique. En effet, au-delà de toute agitation médiatique ou de jeux d'alliances, les partis ont besoin d'une orientation ferme avec des impacts stratégiques sur le développement socio-économique du Maroc. Force est de reconnaître que de nombreux facteurs incitent les partis, plus que jamais, à «régénérer» leur capital partisan pour «solder l'ancien», pour «dépasser le passé», s'ouvrir à de nouveaux talents, à de nouvelles élites, dans lesquelles s'identifie et se retrouve le peuple. Mettre en œuvre des réformes structurelles en leur sein s'impose, afin de «re-crédibiliser» et de rétablir les liens de confiance entre le citoyen et la politique au Maroc. Il est d'ailleurs difficile d'admettre que ces partis puissent défendre et faire valoir les principes démocratiques quand eux-mêmes ne les pratiquent aucunement dans leur propre gestion interne ? L'exigence de se réformer ne leur est pas fatalement un handicap. Bien au contraire, elle est un atout stratégique. Indubitablement, dans le contexte de mutations rapides que connaît notre monde, les instances et les organisations politiques qui ne se réforment pas ne peuvent que reculer. De toutes «les manières d'être en retard, la pire est celle qui consiste à se croire en avance», disait André Frossard. La gestion de la chose politique doit donc faire face à d'immenses défis, car les enjeux primordiaux de notre environnement ont, d'une certaine manière, changé d'aspect et même opéré une forte mutation. L'accès à des gouvernances efficientes et aux bonnes pratiques est un élément essentiel. Une culture de consultation et de débat public en est un autre, à développer consciencieusement pour confronter, avec audace et inventivité, des questions de fond, tributaires à l'accès à l'emploi, à la santé, à l'éducation et à la gestion des ressources. La manière dont nous ferons face à tous ces problèmes sera déterminante pour l'avenir du Maroc. Les stratégies pour relever ces défis doivent être de grande ampleur. Elles doivent aussi traiter les dimensions qualitatives et quantitatives de l'éducation, de l'emploi et du développement, dans le cadre d'un processus consultatif augurant d'un projet de société homogène, équilibré et propice à l'éclosion de toutes les énergies entreprenantes.