Le 21e siècle, et particulièrement ces dernières années, ont marqué un tournant décisif au niveau des nations et de leurs structures socio-économiques. En effet, la mondialisation de l'économie, l'avènement de nouveaux concepts de développement ont généré des configurations inédites dans les approches citoyennes et dans leurs rapports à leurs environnements. Additionnés à l'abolition des distances géographiques rendue possible par l'accroissement des technologies de l'information et de la communication, ces facteurs soumettent les sociétés, dont la nôtre, à des influences extérieures. Ainsi, des valeurs universelles intègrent le champ des valeurs locales, en l'exposant à de vives interactions, voire mêmes à des transformations profondes. Dans ce contexte, la question du lien social s'érige en une question stratégique. Elle interpelle les centres de décision sur les gouvernances appropriées à mettre en œuvre. En effet, la défaillance des systèmes politiques et le déficit en projets de société cohérents accentuent la désaffection des citoyens, ainsi que leur méfiance à l'égard de leurs institutions. Ces agitations et ces contestations sociales redondantes et parfois violentes en sont la preuve. La vision d'une société fondée sur des bases démocratiques, modernes et solidaires s'enracine imparablement dans une ambition nationale. C'est une opération au cours de laquelle le pays, conscient de la nécessité d'une rénovation de ses règles de vie, mobilise ses instances pour y parvenir. Le dynamisme d'une société se mesure à sa capacité de rénover ses pratiques de gestion et sa gouvernance, à chaque fois qu'il est nécessaire de le faire. En effet, il n'est pas concevable d'envisager un cheminement serein, sans un ancrage dans des valeurs pérennes et partagées. Il est moins aisé d'y parvenir, sans une prédisposition au dialogue et à l'échange, dans un esprit d'ouverture et de respect des libertés. La problématique du lien social recouvre trois dimensions que sont le social, le politique et l'économique. Elle conditionne la perception que nous avons de nos institutions. La question des inégalités sociales constitue une dimension importante dans l'appréciation de la qualité du vivre ensemble et du niveau de cohésion sociale. En effet, si l'existence des inégalités est somme toute normale dans une économie de marché, leur exacerbation constitue un danger pour la cohésion sociale. La question des inégalités est fortement liée à celle de la pauvreté et à celle de l'injustice. Les inégalités dans l'accès aux services et aux équipements sociaux peuvent, en effet, se révéler aussi importantes que les inégalités de revenu. Cette persistance des inégalités, en dépit des niveaux de croissance économiques réalisés, interpelle sur le système de redistribution et les dispositifs de solidarité collective, dans leurs formes aussi bien traditionnelles qu'institutionnelles. Le vivre ensemble doit se renforcer par la lutte contre ces inégalités et par une répartition plus équitable des fruits de la croissance. Une plus grande cohérence dans l'action publique appuyée d'une culture de l'évaluation et de lutte contre la corruption est à raffermir pour y contribuer. Comme tout pays en transition, le Maroc devra agir pour le renforcement des mécanismes de sa cohésion et de sa solidarité sociales, que le creusement des inégalités met à mal. L'Etat, à travers ses politiques publiques, est amené à gérer et à accompagner, savamment, les mutations actuelles, afin de mieux consolider la cohésion sociale et le vivre ensemble. D'autre part, l'intérêt pour l'action politique semble s'amenuiser en faveur de l'action associative ou de mouvements qui enregistrent plus de taux d'adhésion. Ce constat engage la réflexion sur «le renoncement au politique» et sur sa re-crédibilisation, afin qu'il génère l'implication citoyenne en mesure d'accompagner l'évolution et le développement du Maroc. Un décalage se ressent, incontestablement, entre les citoyens et les partis politiques, censés les représenter dans la gestion de la chose politique. La désagrégation de l'engagement politique est en soi un «handicap majeur», qui doit être décortiqué, analysé, afin de faire émerger des plans d'action en mesure de rallier ou de réconcilier les Marocains avec «la pratique assumée de la politique». L'aboutissement des changements entrepris au sein du pays dépend de cette réconciliation. Il en va de même pour la dimension économique, qui devra accéder à davantage de conditions d'incitation à l'investissement, à un climat d'affaires et à des dispositifs favorisant un essor économique endogène, non tributaire uniquement de l'investissement extérieur et de ses aléas. Compte tenu des tensions, des mutations constantes qui caractérisent nos environnements, une société de liens où les transactions obéissent à un esprit de loyauté envers un Etat de droit s'impose. Ceci ne vas pas sans le maintien du cap des réformes, avec au centre celle de la justice, sans l'institutionnalisation de rapports transparents entre Etat et citoyens, sans la promotion du principe de démocratie participative, pour que toutes les forces vives participent à la construction de leur avenir et à la réhabilitation de l'action publique, en toute confiance.