Omar Lotfi : Comédien Acteur nature, presque inné, Omar Lotfi a cette capacité à incarner n'importe quel rôle de façon viscérale. Celui qui ne s'est jamais imaginé devenir un jour comédien se retrouve rattrapé par son destin et devient l'une des références du cinéma marocain. Dans l'intimité d'un comédien malgré lui, d'un acteur sincère et plein d'humanité. Aussi bien à la télévision qu'au cinéma, il jongle avec les rôles avec justesse et avec supplément d'âme. Il est de ceux qui vivent les rôles au lieu de se contenter de les jouer. Toujours habillé d'un sourire, Omar Lotfi fait partie de ces rares comédiens marocains qui ont réussi à tracer leur chemin d'une manière fulgurante, tellement son talent est grand. Pourtant, rien ne le prédisposait à devenir acteur. Au collège, il découvre les cours de théâtre de l'école et décide de s'inscrire pour sortir de sa timidité. «Issu d'une famille assez conservatrice, et comme la plupart des familles traditionnelles marocaines, nous n'avions pas pour habitude de communiquer entre nous», confie le comédien casablancais qui ne se doutait pas qu'il entamait le premier chapitre de son destin. «Je me suis inscrit pour m'aider à sortir de mon introspection, je me suis dis que cela ne pourrait que m'aider pour mes études supérieures et les exposés que j'aurai à présenter». Et pourtant ! Les premiers cours sont décisifs, son entourage ne cesse de le tarir d'éloge sur son jeu mais cela ne l'atteint pas. «J'étais loin de tout cela, je ne me suis jamais imaginé acteur !», continue Omar Lotfi. Et pourtant, il continue ses cours de théâtre au conservatoire tout en poursuivant des études de tourisme. Le comédien se prend peu à peu au jeu, il se retrouve piqué par l'épidémie du cinéma, il en devient même accro. «Plus les années passaient, plus le théâtre devenait une passion». Et c'est cette passion qui le pousse, un jour, à se rendre à un casting auquel un ami du conservatoire l'inscrit. «Arrivé, je vois cette file de comédiens tous beaux et grands, j'étais chétif et petit, je n'avais aucune chance», se souvient celui qui a fait des kilomètres à pied pour arriver au casting de sa vie, celui de «Casa Negra» de Nour-Eddine Lakhmari qui l'a révélé au public. «Quand je rencontre Nour-Eddine pour la première fois, il me provoque, je ne me laisse pas faire. Je me défends même et tente de claquer la porte. C'est là que je l'entends dire : c'est lui que je veux !», raconte l'acteur avec nostalgie. Il avouera que ses parents ne savaient pas qu'il tournait un film, un film tourné en pleine nuit. Quand le jeune Omar rentrait à 4h du matin chez lui, il mettait cela sur le dos des stages et des cours tardifs. «Un soir, mon père m'a chassé de la maison !», s'amuse Omar Lotfi ! Le comédien entier ne s'est pas défilé devant les obstacles, il continue son tournage et donne tout dans ce rôle d'Ali, qui marqua à jamais le public marocain. D'ailleurs, la première fois que son père apprend que son fils est acteur, ce sera à la télévision, lors de sa première interview. «Petit à petit, il s'est fait à l'idée et il me soutient aujourd'hui. C'était juste quelque chose d'inenvisageable pour lui, comme ça l'a été pour moi pendant longtemps. Aujourd'hui, dans la rue, ce n'est plus moi qui est le fils de...c'est lui qui est le père d'Omar Lotfi !», s'amuse l'acteur avant de s'esclaffer en pensant à tous ces évènements presque surréalistes qui se sont enchaînés dans sa vie. Il écume les tournages et les prix d'interprétation de Dubaï à Bruxelles en passant par Tanger pour ses personnages aussi différents que profonds, de l'amant torturé, au paraplégique, sans oublier le bandit ou le jeune premier. «J'approche les rôles avec la même énergie mais chaque rôle est différent. Je vais faire beaucoup de recherches, me mettre dans la peau mais dans l'histoire aussi du personnage. Et souvent les personnages qui paraissent les plus faciles et les plus proches de soi sont les plus dangereux à jouer. Il ne faut jamais sous-estimer un rôle», confie l'acteur qui gagne en maturité et en confiance après chaque tournage. Celui qui s'inspire de l'incroyable Daniel Day Lewis, avoue qu'il voue une admiration incroyable pour les acteurs et réalisateurs marocains. Selon l'acteur, il est plus bluffé par un acteur à qui on ne donne aucun moyen de réussir et qui réussit à camper son personnage haut la main, que celui qui a tous les outils à sa portée. «Je pense souvent au grand Bastaoui et à sa capacité à incarner parfaitement un personnage en un temps record, même si on lui donne le script à la dernière minute ou que les moyens ne sont pas là pour un confort optimum. Les artistes marocains sont à saluer, parce qu'ils créent dans l'adversité, dans la difficulté. C'est ça le vrai art pour moi !», explique Omar Lotfi qui sera bientôt à l'affiche du film «Achoura» de Talal Selhami.