Le rapport de 260 pages publié par l'ONG Public Eye sur le carburant au Sénégal jugé «toxique» continue de susciter des vagues de contestation dans le pays. «Les carburants écoulés en Afrique ont une teneur en soufre entre 200 et 1.000 fois plus élevée qu'en Europe, ce qui met gravement en péril la santé de populations qui sont ainsi exposées aux particules fines et aux autres substances chimiques cancérigènes». C'est la principale conclusion du rapport de 260 pages rendu public par l'ONG Public Eye. Cette ONG a effectué des prélèvements dans des stations essence de huit pays africains. Il s'agit de l'Angola, du Bénin, du Congo-Brazzaville, du Ghana, de la Côte d'Ivoire, du Mali, du Sénégal et de la Zambie. Le rapport fait savoir que «plus de deux tiers des échantillons contiennent un taux de soufre supérieur à 1.500 parties par million (ppm), avec une pointe à 3.780 ppm au Mali. La limite est de 10 ppm en Europe, aux Etats-Unis et même en Chine, et ce, depuis 2007». Portant sur une période de trois ans, l'enquête a relevé qu'«en Afrique de l'Ouest notamment, des négociants profitent de la faiblesse des standards pour vendre des carburants de mauvaise qualité et réaliser d'exorbitants profits au détriment de la santé de la population africaine». Pour l'ONG Public Eye, «les carburants analysés présentent jusqu'à 378 fois plus de soufre que la teneur autorisée en Europe. Ils contiennent d'autres substances très nocives, comme du benzène et des aromatiques polycycliques, à des niveaux également interdits par les normes européennes». Haro sur l'ONG Public Eye Ce rapport sur le carburant toxique vendu dans plusieurs pays africains a suscité une levée de boucliers de la part de pétroliers comme la Société africaine de raffinage (SAR), la Sénégalaise de stockage (Senstock), Vivo Energy Sénégal et Oryx. Ils rejettent catégoriquement les conclusions du rapport de l'ONG Public Eye. Le directeur technique de la SAR, Daouda Kébé, est monté au créneau en rappelant les différentes étapes de traitement du pétrole brut. Parlant des différentes gammes de carburant vendues sur le marché sénégalais, le directeur souligne que «les produits qui ne respectent pas les normes de spécification édictées par l'Etat ne peuvent pas être vendus sur le marché. Le niveau de qualité des produits analysés par [ses] soins dépasse même les spécifications admises par l'Etat».Le Comité national des hydrocarbures estime que les «méthodes utilisées par l'ONG Eye dans le prélèvement des échantillons à l'insu des Etats concernés et ciblant certaines sociétés font que l'ampleur que l'on peut donner à ce scoop ou buzz doit être relativisée». Ouverture d'une information judiciaire La société civile sénégalaise n'est pas en reste dans cette polémique sur la qualité du carburant, car elle sollicite l'ouverture d'une information judiciaire. Pour Alioune Tine, «la responsabilité voudrait que les autorités fassent immédiatement des prélèvements pour vérifier la véracité ou non des éléments contenus dans le rapport». Les consommateurs vont dans le même sens en invitant l'Etat à procéder aux tests pour statuer sur la qualité du carburant.