Lors d'un dîner-débat organisé en fin de semaine dernière par l'hebdomadaire «La Vie éco», le ministre des Affaires économiques et générales, Nizar Baraka, affirmait sa volonté d'initier rapidement, et avec la contribution de CDG Capital, une réflexion sur la possibilité de titrisation des dettes de la Caisse de compensation (CDC), contractées au titre des subventions auprès des pétroliers, minotiers, sucriers et autres opérateurs agricoles. Il faut dire que les arriérés accumulés par la Caisse commencent à prendre une allure alarmante: rien que pour les seuls pétroliers, auxquels est dédiée 72% de l'enveloppe de la Compensation, le montant des arriérés est évalué, à fin août dernier, à près de 15 milliards de DH. Compte tenu du montant total qui sera alloué à ce premier poste de dépenses de la Caisse, soit près de 20 milliards de DH pour cette année, et au regard des difficultés inhérentes aux capacités de financement de la Caisse, le montant des arriérés pour l'année qui s'ouvre risque de gonfler encore. En réponse à cette question épineuse, la titrisation des dettes de la Caisse peut paraître intéressante. Celle-ci découlerait d'un transfert des créances détenues sur la CDC à des investisseurs, en les transformant en titres financiers. De la CDC, aux opérateurs économiques concernés, en passant par l'Etat et CDG capital, cette opération aurait des conséquences différenciées selon la partie prenante considérée. Les winners de l'opération seraient probablement les opérateurs économiques. Nizar Baraka précise qu'une telle opération aurait le mérite de «réduire de 200 pbs le coût financier de ces opérateurs». Tout l'intérêt de cette opération réside donc dans le fait qu'elle permettrait aux créanciers de la Caisse d'avoir une vision claire et précise sur le mode opératoire et la temporalité du remboursement de leurs créances. En d'autres termes, ils pourront recouvrer leurs créances dès la souscription des titres, et procéder ainsi à l'épuration de leurs bilans et à la réduction de leurs provisions. Cependant, bien des questions demeurent en suspens, notamment celle relative à la pérennité de l'actuel système de compensation, puisque certains opérateurs penchent résolument pour la suppression de la Caisse, si l'on en croit ce reponsable de l'une des filières bénéficiant de la compensation. «Si les opérateurs économiques accueillent avec bienveillance l'effort de remboursement de la CDC, c'est bien la refonte du système dans sa globalité qui est à l'ordre du jour. On a besoin de réformes, et non pas de réformettes, qui ont comme seul avantage de reporter les questions de fonds aux profits de préoccupations court termistes», indique donc ce responsable sous couvert de l'anonymat. De son côté, la CDC, qui semble ainsi démunie face à la recrudescence des dépenses liées aux produits subventionnés, aura, sur le court terme, une marge de manœuvre technique plus large, d'autant plus que ses efforts de compensation actuels et à venir se verront probablement exacerbés par la tendance haussière des prix des matières de base. Elle aura par ailleurs l'avantage d'adosser cette opération sur la garantie de l'Etat, «ce qui permet d'améliorer la qualité intrinsèque des créances», note un trader de la place. «Quoi qu'on en dise, la CDC reste solvable aux yeux des investisseurs, et le soutien de l'Etat est un gage de réussite indéniable», conclut-il. Enfin, l'autorité de tutelle de la Caisse, à savoir le ministère des Affaires économiques et générales, pourra se concentrer avec plus de sérénité sur les mesures adéquates à mettre en œuvre pour disposer, structurellement, d'un système de compensation pérenne et moins sensible aux vicissitudes de la conjoncture mondiale, et plus particulièrement de la volatilité des prix du gaz, du gasoil et des matières de première nécessité. S'il s'agit de continuer à défendre le pouvoir d'achat des consommateurs nationaux, au premier rang desquels se trouvent les classes moyennes et défavorisées, il importe d'anticiper sur une éventuelle explosion des dépenses de subvention de la Caisse, qui se solderait, dans un contexte de limitation des recettes de l'Etat, par une impasse. Cependant, si la Caisse ne peut plus assurer la subvention des matières de première nécessité, la question du relèvement du prix des produits alimentaires ou pétroliers refera surface avec plus d'acuité et moins de marge de manœuvre. Comment continuer alors à contenir les prix sur le marché local, dès lors que les caisses sont vides, ou pas assez approvisionnées ? Au regard de tous ces éléments, la titrisation paraît comme une solution de fortune qui règle certes la question ponctuelle du remboursement des créanciers, mais qui n'offre aucune perspective sur la politique à adopter pour pérenniser les interventions de la CDC. Une réforme est donc nécessaire, tout le monde en convient, les contours en sont même plus ou moins identifiés. Il reste à trouver la volonté politique pour s'atteler définitivement à un sujet aussi délicat.