Le malheur des uns fait le bonheur des autres! La maxime sied à merveille au Maroc à l'heure du «printemps arabe», lequel pour «caricaturiser», devient une aubaine pour le Maroc. Plusieurs mois après le début des évènements qui ont conduit à une réorganisation politique au niveau de plusieurs pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, ce que certains voient comme «la révolution arabe», continue de dominer l'actualité. Il est vrai que le vent du printemps arabe n'a pas encore fini de souffler dans la région, mais les regards se portent, déjà, sur l'après-révolution. L'objectif consiste à analyser les perspectives qui s'offrent à ces pays, mais aussi à appréhender les multiples opportunités qui accompagnent le bouleversement politique et économique régional et, en général, mondial. C'est un travail dans lequel les spécialistes des relations internationales et géopolitiques sont, déjà très avancés et qui mène à plusieurs pistes. S'il y a un point sur lesquels les avis convergent, particulièrement pour la région MENA, c'est qu'il y aura, au sortir de cette phase, une reconfiguration de la carte géopolitique et l'émergence de nouvelles opportunités économiques. En somme, il s'agit d'une reconfiguration géopolitique porteuse d'intéressants enjeux stratégiques avec, comme priorité, des opportunités économiques certaines. En effet, et c'est là le véritable enjeu, le défi de la croissance et du développement sera assurément au cœur de l'équation, une fois que l'euphorie des changements politiques se sera dissipée. C'est aux plus avertis de savoir saisir les opportunités qui sont légion et qui aiguisent les appétits. C'est justement pour comprendre tous ces enjeux et leurs impacts sur les économies et les entreprises, que l'Association pour le progrès des dirigeants (APD) a invité, samedi dernier à Casablanca une sommité internationale de la géopolitique, Pascal Chaigneau. L'universitaire et spécialiste des relations stratégiques internationales français a animé un débat, dont le thème portait sur la question des «retombées économiques et stratégiques des mutations géopolitiques internationales». Périodes d'incertitude L'un des premiers constats dressés par Pascal Chaigneau sur la situation régionale est qu'elle est marquée par une vague d'incertitudes au niveau de plusieurs pays. D'abord et pour respecter la tradition, Chaigneau a tenu à classer les révolutions en fonction de leurs spécificités et des perspectives d'évolution qui se profilent à l'horizon. D'abord, il y a lieu de distinguer les pays qui ont connu une véritable évolution, comme c'est le cas du Maroc, des pays à révolutions instables à l'image de la Tunisie ou de l'Egypte, où tous les scénarios sont possibles et enfin, les poudrières où tout peut exploser en fonction des prochaines ondes de choc, comme l'Algérie ou la Jordanie, en dépit de l'accalmie apparente qui y règne. En effet, explique, Pascal Chaigneau, les retouches apportées sont des «tentatives pour calmer ou geler les soulèvements pour un certain temps», chose qui ne parviendra pas à solutionner la crise à long terme. La remarque vaut principalement pour l'Algérie, a souligné l'expert, qui aura le véritable défi d'une régénération de l'élite politique et économique en perspective de l'après Bouteflika, scénario que Chaigneau estime devoir se dérouler dans un bref délai, «avant la fin de l'actuel mandat du président», prédit-il. Pour le cas du Maroc, l'expert a été clair, bien qu'il se soit permis de ne pas trop s'attarder sur le sujet, en dépit des questions répétées à maintes reprises par certains participants au débat et qui ont, désespérément, tenté de le ramener sur ce terrain, sans succès. Le verdict du conférencier qui se définit lui-même comme «marocophile» a été clair, l'optimisme est de mise pour le royaume, au regard des dispositions qui ont été prises pour accompagner cette ère de changement qui a balayé et continue de souffler sur tous les pays de la région, sans aucune exception. «Il y a bien sûr des difficultés et des changements à apporter, mais la dynamique est là», a-t-il souligné, en référence au processus de réforme actuellement en cours. D'ailleurs, note-t-il «Le Maroc n'a pas attendu pour anticiper, car Hassan II avait, depuis les années 90, initié une transition démocratique que Mohammed VI a su continuer à conduire et à consolider». La conclusion n'a certes, rien apporté de nouveau puisqu'elle reprend, à quelques exceptions près, la thèse officielle, sauf que venant d'un spécialiste et universitaire, elle a tout son poids, car basée sur des faits qui ne se démentent pas et qui démontrent l'évolution en cours au Maroc. Toutefois, là n'est pas le véritable enjeu, qui est plutôt dans ce que les Marocains feront de leur «modèle» ou pour schématiser, de leur «exception». À ce niveau, une seule hypothèse, «transformer l'essai», en utilisant à bon escient les mutations qui affectent la scène régionale et internationale et en se positionnant au mieux, afin de soutenir la croissance économique et le développement du Maroc. Ce rôle devrait, certes, être balisé par les autorités politiques, mais seules les entreprises pourront le porter, en partant à la conquête du marché avec le puissant argument dont elles disposent, désormais, celui de la stabilité. La région est, actuellement, à la recherche d'un leader régional, qui pourrait servir d'exemple aux autres pays. Pascal Chaigneau, «une tête bien remplie» Docteur en droit, docteur ès lettres, docteur en sciences politiques et en économie, Pascal Chaigneau, professeur des universités, et avocat spécialiste en droit International, a un cv impressionnant. Ancien diplomate, conseiller du commerce extérieur de la France, il s'est spécialisé dans l'enseignement des relations internationales, qu'il professe à l'Université de Paris V, à H.E.C. et au Centre de perfectionnement aux affaires. Il a consacré une demi-douzaine d'ouvrages aux questions internationales. Fondateur en 1986 du Centre d'études diplomatiques et stratégiques, ancien auditeur de l'Institut des hautes études de défense nationale, il est membre du Comité d'étude de la défense nationale et secrétaire général du Centre de recherches «droit et défense» de l'Université de Paris V - René Descartes. Il est, par ailleurs, administrateur général du CEDS, ainsi que de Radio France Internationale (RFI). Capitaine de frégate, il est, également, expert en relations internationales et en droit international public au sein de la marine nationale et est, à ce titre, rattaché au corps des officiers de marine. Ancien émissaire spécialisé de l'ONU, il a conduit plusieurs missions de haut niveau en Afrique, en Irak ou au Pakistan, sans oublier des expertises et conseils en Chine, au Brésil et dans beaucoup d'autres pays. Fin connaisseur du Maroc, il a conduit plusieurs missions d'études dans ce pays, «notamment dans les régions du sud» où il s'est dit impressionné par les programmes de développement mis en œuvre dans la région. Il a, d'ailleurs préfacé l'ouvrage de Henri-Louis Védie , «Une volonté plus forte que les sables» qui met en exergue «le challenge, en passe d'être réussi que les autorités marocaines ont relevé dans la région du Sahara et qui a permis à ces provinces d'accéder à un niveau de développement économique que beaucoup d'autres régions du monde lui envieraient». Des occasions en or Crise économique et financière, reconfiguration géopolitique ou apparition de nouveaux acteurs, s'il y a une certitude qui résume cet amas de phénomènes planétaires, et au delà des incertitudes actuelles, c'est que demain, rien ne sera comme avant. C'est une dynamique dans laquelle les opportunités ne manquent pas pour saisir «une chance historique» au profit du développement et de la croissance. Aujourd'hui, plus que par le passé, les entrepreneurs marocains sont en première ligne pour profiter de cette aubaine. Au sortir de la conférence, la plupart des dirigeants que nous avions «jaugés» ont dit confirmer leurs «convictions que c'est le moment ou jamais d'optimiser sur l'ouverture économique au profit du développement socioéconomique du Maroc». Les raisons de cet optimisme, c'est «la carte Maroc» comme l'affirme avec passion, Abdelilah Lahlou, administrateur général d'IBERMA, une entreprise marocaine spécialisée dans l'industrie pharmaceutique. «Vous savez, défend-il, le meilleur marketing, c'est celui qui parle de soi». Le Maroc, dispose à ce niveau d'une carte à jouer, ajoute Lahlou, qui prend comme exemple «le fait que nous avons pu, aujourd'hui et dans le sillage du printemps arabe, afficher clairement notre modèle, qui va faire en sorte que nous allons déboucher, au terme du processus, sur une démocratie bien assise et un niveau de vie qui va s'améliorer et par la force des choses, le politique va se désengager au profit de l'économique». C'est un argument que confirme Pascal Chaigneau, qui voit par là d'ailleurs la principale raison de l'intérêt porté au Maroc par les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). «Le Maroc, fait-il remarquer, est plus proche de l'Union européenne et de l'Afrique que du Golfe, car sinon, on l'aurait remarqué», ironise-t-il. Ce qui est sûr, explique le conseiller d'affaires, est que «le Maroc est une bonne affaire» pour des pays comme ceux du CCG, au regard du nouvel paradigme économique porté par la mondialisation. Parier sur l'entreprise Une autre occasion qui se présente, c'est la situation au niveau international. «Le monde se modernise, s'industrialise et se démocratise et l'heure de l'Afrique va sonner», soutient le directeur d'Iberma, avant d'ajouter que «le nerf de la guerre en matière d'investissement, ce sont les coûts de revient ou de la production et avec le niveau de vie et donc du coût de la main d'œuvre qui augmente dans des pays comme la Chine, les grands trusts vont aller chercher ailleurs et c'est là notre chance». C'est pour cette raison, prenant fait et cause pour les entrepreneurs marocains, qu'il fait état de la nécessité «d'agir au quotidien pour préparer les entreprises marocaines à devenir plus compétitives et le royaume plus attractif». Il est vrai que les occasions ne font pas défaut, avec les nouveaux marchés africains, les BRICS et le CCG, qui «peuvent, également, devenir des destinations potentielles pour nos produits». La recette pour atteindre cet objectif se décline en un mot, préparer les entreprises afin qu'elles puissent prendre le relais au service du développement socioéconomique du Maroc, souligne Lahlou, qui trouve le moment assez opportun. «Et là, les investisseurs en sont convaincus, l'entreprise est un puissant canal par lequel on peut agir sur le développement socioéconomique du Maroc».