Très attendue, la sortie de Abdelouahed Radi promise pour la rentrée est retombée comme un soufflé. Tous les observateurs économiques et sociaux attendaient avec impatience que soient, enfin, annoncées d'importantes mesures capables de faire pencher la balance du côté du Maroc lors des prochaines évaluations du style Doing Business. Il n'en fut rien. L'opinion publique a eu droit à une opération de communication et de sensibilisation sous forme d'une journée «portes ouvertes» dans l'ensemble des tribunaux, mardi 24 novembre. Les grands mots d'abord! Objectif : sensibiliser les citoyens au fonctionnement des tribunaux, en vue de fédérer l'opinion publique ainsi que les fonctionnaires du ministère de la Justice autour de l'esprit de la réforme. Le maitre mot étant la communication, «nous voulons garantir aux parties justiciables le droit de consulter leur dossier, son évolution, qui s'occupe de la défense... Bref, le but est d'aboutir à une meilleure interactivité avec le citoyen». Abdallah Alaoui Belghiti, procureur général, en fait la démonstration au sein du tribunal de commerce de Casablanca. Des terminaux informatiques sont ainsi mis à la disposition du public pour consulter toutes sortes de données. Et par données, on entend toutes les informations générales tirées en partie du registre du commerce (utile pour se renseigner sur l'activité d'une société et ses antécédents), et jusqu'aux détails d'une affaire en cours, de l'objet du litige à ses protagonistes. Tout cela est bien beau, certes, mais nous sommes encore loin des réformes radicales qui permettront à la notre appareil judiciaire national de se défaire de sa légendaire lourdeur administrative. L'automatisation du système comme remède Le tribunal de commerce de Casablanca a ainsi bouclé l'année 2008 avec un reliquat de 19026 dossiers en retard pour un total de 72513 affaires enregistrées (contre 23428 dossiers en retard fin 2007). Une performance au vu du retard accusé par la Cour d'appel de Casablanca. Bien que des jugements aient été rendus dans 41043 affaires sur un total de 42574 enregistrées en 2008, les magistrats se retrouvent avec un reliquat de 35708 dossiers non traités, ce qui équivaut presque au volume traité durant toute une année! De la bonne volonté, il y en a. En ce sens que l'amélioration des délais de traitement figure parmi les priorités de la réforme de la justice, notamment en rationnalisant les procédures de traitement et en optimisant les mesures de contrôle grâce à un système automatisé qui, aux dires de Abderrahim El Farouki , greffier en chef du tribunal de commerce, permet «d'assurer la traçabilité des interventions effectuées sur un dossier. Le président du tribunal a même la possibilité de suivre la productivité des fonctionnaires à partir de son bureau, et de demander des comptes bien sûr». Le vent de la réforme semble avoir déjà atteint l'infrastructure matérielle de la Justice, dans l'attente de toucher les mentalités de ses magistrats et de ses fonctionnaires, ce qui est primordial. «Pour le citoyen, le tribunal est la vitrine de la justice»:Mly Driss Idrissi Bichr, Inspecteur général auprès du ministère de la Justice Les Echos : Quel est le but derrière l'organisation de cette journée de visite des tribunaux? Driss Bichr : Nous sommes convaincus de l'importance de la communication. Il s'agit d'ailleurs de l'un des principaux chantiers de la réforme initiée par SM le Roi en août dernier. La priorité a été donnée à l'accès à l'information, en vue d'une meilleure interaction avec le citoyen. Pour ce dernier, le tribunal est la vitrine de la justice. Quelles sont les mesures concrètes prises par le ministère dans le cadre de la réforme ? Jusqu'à présent, aucune, mais cela est tout à fait normal. Des commissions ont été constituées au sein du ministère et ses membres sont en train d'établir des diagnostics sur l'état du système judiciaire marocain. Si cela prend du temps, c'est en raison de l'importance de cette première phase, car toutes nos recommandations vont en découler. Quel est la valeur du budget qui a été alloué à cette réforme ? Le budget non plus n'a pas encore été arrêté. Mais nous ne manquerons pas de communiquer à ce sujet très bientôt. Le plus important pour l'instant est d'impliquer l'ensemble des forces vives du pays dans ce processus de réforme car, sans cette adhésion, il sera difficile d'améliorer le rendement et l'efficience de notre système judiciaire.