L'affaire qui met en émoi depuis plusieurs mois les commerçants du marché de la biyada (marché de gros des oeufs), à Casablanca devrait être soumis très bientôt à la Cour régionale des comptes pour examen. Falsification de documents administratifs, dilapidation des deniers publics et vente aux enchères en violation des conditions requises.... les chefs d'accusation. L'affaire du bien Nicolas fait à nouveau l'actualité. Ainsi, l'Union générale des entreprises et professions (UGEP) devrait interpeller les autorités locales de la capitale économique, les départements de l'Intérieur et de la Justice pour ouvrir une enquête sur la vente aux enchères du bien Nicolas. Une transaction qui aurait été entaché par plusieurs «irrégularités». Les chefs d'accusation sont la falsification de documents administratifs, la dilapidation des deniers publics et la vente aux enchères en violation des conditions requises. «L'Association de solidarité avec les commerçants du marché biyada, laquelle est affiliée à l'UGEP, a réalisé un rapport dans lequel l'Association révèle les nombreuses violations ayant accompagné la vente aux enchères du bien Nicolas», indique l'UGEP. Celle-ci a affirmé qu'elle détient en effet toutes les preuves et les documents attestant l'existence de plusieurs «irrégularités» dans ce dossier. Selon les informations recueillies auprès de sources bien informées, ledit dossier devrait bientôt être soumis à la Cour régionale des comptes pour examen. «Un gros dossier sera bientôt soumis aux enquêteurs de la Cour des comptes au sujet de toutes les violations qu'il y a eues dans cette affaire», confie une source fiable, qui «appelle à faire jouer la corrélation entre responsabilité et reddition des comptes». Pour comprendre le problème, il est nécessaire de remonter à l'année 2000, année où un rapport d'expertise a été adressé au président du Tribunal de première instance d'Anfa. Ce rapport, qui a été établi par Bensalem Lahlou, portait sur l'évaluation de la société dite «Nicolas», inscrite sous le titre foncier n° 927 et ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire. L'expertise portait également sur la fixation du prix de départ de la vente aux enchères de ce bien, d'une superficie globale de 9.821 m2. S'agissant de l'offre financière, la société de construction «Nejma El Benaa» a présenté une offre ne dépassant pas les 8.500.000 DH. Nos sources précisent que les conditions requises pour la vente de «Nicolas» n'avaient pas été respectées lors de la vente aux enchères. «D'abord, l'offre de la société était très en deçà des prix réels pratiqués dans le secteur à cette époque, lesquels prix dépassaient 92.670.000 DH. La vente aux enchères a eu lieu sous le nom d'une société qui n'avait pas encore été créée. Ladite société ne sera effectivement créée que le 25 juillet 2006. En témoignent d'ailleurs les documents dont détient copie l'Association de solidarité avec les commerçants du marché Byada», est-il indiqué. Le rapport d'expertise, dont les Inspirations ECO détient copie, indique aussi que seule la superficie de 3.089 m2 était concernée par la vente aux enchères, laquelle a eu lieu sous la supervision du commissaire priseur, Abdeslam Bendidouch. Or dans le certificat de propriété de la société de construction Nejmat El Benaa, dont les Inspirations ECO détient également copie, il est précisé que la société détient toute la superficie, soit 9.821 m2 et non pas uniquement les 3.089 m2 ayant réellement fait l'objet de la vente aux enchères. Comment se fait-il alors que ladite société ait pu procéder à l'enregistrement et à la conservation de la superficie globale ? «La falsification n'a pas seulement porté sur la vente aux enchères pour la cession du bien Nicolas. Elle a également porté sur la superficie du bien dans son ensemble. Il y a certainement eu des "négligences" au sein de l'Agence de la conservation foncière et grâce à cela la société a pu intégrer la totalité de la superficie, qui est de 9.800 m2», accusent nos sources. Celles-ci rappellent que «dans les années 50, il y a eu expropriation de 6.800 m2 au profit de la Commune de Casablanca. Cela signifie que cette partie de la propriété dite «Nicolas» était devenue, il y a plusieurs décennies, un patrimoine communal que le Conseil de la ville n'a malheureusement pas pu défendre». Et en 2010, la société de construction Nejmat El Benaa n'hésitera pas à porter plainte contre le Conseil de la ville pour obtenir des indemnisations sur la superficie expropriée (6.800 m2). Un procès que celle-ci gagnera contre le Conseil de la ville. Et elle a même fait appel, en 2012 pour la revalorisation des dommages obtenus. Finalement, le jugement en appel a fixé une indemnisation de 3.200 DH/m2, soit près de 20 MDH. Interrogé sur l'affaire, un élu membre de la Commission des infrastructures publiques et des biens communaux s'est dit exaspéré. «La société a été indemnisée sur une superficie qui a été expropriée dans les années 50 au profit de la Commune de Casablanca. Ce qui est encore plus grave, c'est que le Conseil de la ville n'a pas fait appel pour protéger son bien», déplore-il. Et notre interlocuteur de poursuivre : «Alors que le Conseil de la ville de Casablanca est décidé à récupérer ses biens communaux pour leur évaluation et valorisation, il y a lieu de préciser qu'il ne fait rien pour les protéger. C'est d'ailleurs le cas des 6.800 m2 expropriés au profit de la Commune de Casablanca, depuis plusieurs années. Si l'on suppose que quelqu'un a droit à des indemnisations, il ne s'agirait pas de ladite société, mais plutôt des anciens propriétaires du bien Nicolas». Une chose est sûre: le dossier Nicolas ne cessera pas de faire parler de lui. D'ailleurs, à en croire une source proche des anciens propriétaires du bien Nicolas, à savoir la famille Ouazna, l'un des héritiers compte demander l'ouverture d'une enquête. «La semaine dernière, le propriétaire a eu deux réunions avec son avocat pour entamer les premières procédures judiciaires dans ce cadre. C'est là la seule solution qui reste aux propriétaires pour faire valoir leurs droits», est-il précisé. Pour rappel, un sit-in a été tenu, il y a deux semaines, par l'Association de solidarité avec les commerçants du marché biyada pour déplorer ce qu'ils qualifient de violations dans la vente aux enchères du bien Nicolas. Mais aussi pour contester la décision judiciaire d'exproprier quelque 23 commerçants dont les locaux se trouvent sur la superficie (3.089 m2) ayant fait l'objet de la vente aux enchères. Enfin, la société de construction Nejma El Benaa s'apprête à mettre à exécution la décision du tribunal d'exproprier les locataires des locaux en question afin d',entamer des travaux sur le site.