Un sondage online réalisé par Flm pour Les ECO fait ressortir qu'une majorité écrasante est inquiète de la montée des créances bancaires en souffrance. Ça en dit long sur le climat d'incertitudes économiques qui règne actuellement au Maroc. En effet, une large majorité de 96% des 787 internautes qui ont répondu à la question de Flm, de la semaine dernière, ont trouvé que la montée des créances bancaires en souffrance est inquiétante. Au contraire, 4% semblent ne pas la trouver si inquiétante. Rappelons tout d'abord que ces créances sont normées et suivies par BAM. Ainsi les créances en souffrance sont réparties en 3 catégories, selon leur degré de risque : créances pré-douteuses, créances douteuses et créances compromises. Les provisions doivent être constituées selon un taux respectif de 25%, 50% et 100% déduction faite des garanties détenues et des agios réservés. À fin avril, la lecture des statistiques de Bank Al-Maghrib fait ressortir une tendance liée à la montée en puissance des créances en souffrance et du risque du crédit bancaire. En effet, à fin avril 2016, l'encours des créances en souffrance a atteint 60,6 MMDH, en hausse de 2% par rapport à mars 2016 et de 5,5% par rapport à décembre 2015. Au même moment, les crédits bancaires ont stagné par rapport à avril à 769,2 MMDH. Toutefois, par rapport à décembre 2015, lesdits crédits sont en baisse de 2%. Ainsi, le taux de risque atteint à fin avril 2016, le niveau de 7,9% contre 7,3% à fin 2015 et 6,9% à fin 2014 ainsi que 5,9% en 2013 et 4,9% en 2012. Pire, entre 2012 et avril 2016, les créances en souffrance ont explosé de 71,6% quand l'encours des crédits n'a augmenté que de 6,9%. Cette forte hausse du taux du risque s'auto-entretient naturellement avec l'atonie des crédits car cette dernière amplifie l'effet numérateur. Défaut des grandes entreprises De l'extérieur des banques, il nous semble que la montée des créances en souffrance soit surtout liée aux défauts de grandes entreprises comme Legler, Maghreb Steel, Alliances ou Samir. De plus, ces défaillances ont dû doper le taux de contentieux avec un effet mécanique notamment auprès des sous-traitants et des fournisseurs. Ceci est d'autant plus vrai que la lecture des chiffres de la notation interne de certaines banques faisant appel à l'épargne publique fait ressortir que pour le périmètre des entreprises, chez une banque 5% des crédits sont mauvais et très mauvais quand 11% sont médiocres. Pour l'autre, le chiffre interne du taux de contentieux au niveau des entreprises est de 8,9%. Pour le moment, la stratégie des banques face à cette montée des risques, semble être basée sur deux leviers. Le premier est un effet pompier comme le montre le plan de redressement de Maghreb Steel ou la tentative de sauvetage d'Alliances. Le second est un rationnement des crédits envers certains secteurs comme la promotion immobilière, dans l'objectif d'anticiper l'aggravation des risques encourus. Ainsi, pour ceux qui s'inquiètent de cette montée des créances en souffrance, la raison est probablement liée à la crainte que la fermeture du robinet du crédit ne se propage auprès des TPME et provoque des défaillances dans une réaction auto-réalisatrice. En gros, les internautes ont peur que les bons clients paient pour les mauvais débiteurs et que les ménages ne subissent le rationnement alors que ce ne sont que certaines entreprises qui ont généré le défaut. Farid Mezouar Directeur général de FL Markets. «Les banques marocaines sont correctement capitalisées» Les Inspirations ECO : Doit-on s'alarmer de la montée des créances en souffrance ? Farid Mezouar : Probablement pas encore de manière significative car nous ne sommes pas encore à un taux alarmant à deux chiffres. Aussi, la quasi-totalité des banques sont correctement capitalisées avec un suivi rigoureux de la Banque centrale. Enfin, il s'agit souvent de créances en souffrance «fraîches» et non de cadavres cachés pouvant jeter le doute sur le taux réel de contentieux. Est-ce que le risque fait partie du crédit bancaire ? Tout à fait. Le taux de contentieux dans le crédit bancaire peut être assimilé au taux de déchets dans la production industrielle. Ainsi, l'anomalie existe quand on s'éloigne d'une norme sectorielle ou bien d'une moyenne statistique. Aussi, on peut s'inquiéter quand le coût du risque absorbe une bonne partie des bénéfices.