Un sondage online réalisé par Flm pour le compte des Inspirations ECO sur la baisse des taux révèle qu'elle ne fait pas l'unanimité auprès des internautes. La question intéresse le grand nombre, mais elle ne fait pas l'unanimité. En effet, sur les 1.166 internautes qui ont répondu à la question de Flm, 61% ont estimé que la baisse des taux est favorable à l'économie nationale. A contrario, 39% trouvent que cette baisse est négative. Concernant les faits, bien avant la baisse du taux directeur, les résultats de l'enquête trimestrielle de BAM sur les taux débiteurs appliqués par les banques à leur clientèle non financière au titre du premier trimestre 2016 montrent que le taux débiteur global s'est établi à 5,55%. Toutefois, cette hausse de 6 pbs est uniquement liée aux taux des prêts à l'équipement qui ressortent en hausse de 78 pbs à 5,54%. En effet, les taux des autres catégories de crédit ont enregistré une baisse, s'établissant à 5,44% pour les facilités de trésorerie (-4 pbs), à 5,59% pour les prêts immobiliers (-17 pbs) et à 6,91% pour ceux à la consommation (-21 pbs). Ce niveau des taux pour les crédits à la consommation, est tout simplement inédit quand on se rappelle des niveaux à deux chiffres dans les années 2000-2010. Par la suite, la baisse du taux directeur de BAM de 25 pbs le 22 mars, s'est plus que propagée dans la courbe des taux. Ainsi, le BDT de 5 ans n'offre plus que 2,3% quand la maturité de 20 ans affiche un rendement à peine supérieur à 3,4%. C'est ainsi que ceux qui sont favorables à la baisse des taux, peuvent l'être pour plusieurs raisons. Tout d'abord, au niveau macroéconomique, BAM tente de donner un signal en baissant ses taux pour inciter les banques à rouvrir le robinet des crédits. Aussi, ce geste est censé redonner de l'appétit d'investissement aux opérateurs économiques avec de l'argent pas cher. Il s'agit de relancer le crédit bancaire au secteur non financier, qui a continué de décélérer dans un contexte de faible niveau des activités non agricoles. Sa progression est revenue à 0,4% en 2015, recouvrant un repli de 2,2% des prêts aux entreprises. Pour les perspectives, le rythme de croissance des crédits ne devrait se situer qu'autour de 2,5% en 2016 et de 4% en 2017. Cette relance vise aussi à relancer la croissance économique attendue en 2016 entre 1% et 2% selon les instituts de prévisions. Inefficace baisse des taux ? Par la suite, au niveau des marchés financiers, cette baisse plaide clairement pour la prise de bénéfices dans le marché des taux et le réinvestissement dans le marché des actions qui offre 4% rien qu'en D/Y. Aussi, globalement les produits taux verront leur rendement actuariel baisser, amenant les investisseurs de moyen et long termes à se tourner vers des classes d'actifs plus risquées. Ceci place le marché des actions ou immobilier dans une bonne position. Par ailleurs, le Trésor fait aussi partie des gagnants, pouvant se refinancer à des taux beaucoup moins élevés et/ou rallonger la maturité de sa dette sans coût financier supplémentaire. En effet, en 2016 le Trésor doit lever en net 32,7 MMDH sur le marché intérieur quand l'encours de sa dette nette interne à fin avril, est de 476,8 MMDH. Pour ceux qui pensent que cette baisse des taux est négative pour l'économie marocaine, deux arguments peuvent être avancés. Le premier est celui de la pénalisation des épargnants averses au risque avec une baisse mécanique des rendements des produits taux, notamment au niveau des DAT ou des placements monétaires. Ceci est aussi valable pour les caisses de retraite et les compagnies d'assurance car si 2016 est sauvée par les plus-values mécaniques en lien avec la baisse des taux, les placements en 2017 ou 2018, risquent de donner des tournis aux gérants devant garder un taux moyen de rendement. L'autre argument est celui de l'inefficacité relative de l'arme taux pour relancer l'économie quand la demande ne suit pas comme le montre l'exemple européen où la QE ne sert qu'à surchauffer les marchés financiers. Farid Mezouar Directeur général de FL Markets Les Inspirations ECO : Comment expliquez-vous la baisse des taux ? Farid Mezouar : Il s'agit probablement d'un processus qui s'auto-entretient avec la désinflation et un niveau de 0,5% hors alimentaire. En particulier, les décideurs économiques raisonnent souvent en taux réels. Aussi, tant que le dirham est lié par le panier euro-dollar (60% euro et 40% dollar), les taux quasi-nuls dans ces zones économiques ne pouvaient que se propager au niveau du Maroc, sous peine d'encourager les arbitrages pour ceux qui le peuvent. Comment gérer cette baisse des taux ? Avec ce niveau, les entreprises en bonne santé peuvent tenter de s'endetter sur le marché malgré les déboires de certains émetteurs privés. Les levées pourraient être utilisées pour investir ou rétribuer les actionnaires. Au niveau des épargnants, c'est le moment d'opter pour le marché des actions dans une approche de stock-picking privilégiant les titres à D/Y élevé. Enfin, les emprunteurs peuvent ne pas se montrer trop gourmands en figeant leurs taux à un niveau fixe.