A l'occasion de la publication des résultats annuels 2015 des banques cotées, nous avons interviewé, Farid Mezouar, expert des marchés financiers et directeur exécutif de flm.ma, pour nous livrer ses impressions sur les performances réalisées ainsi que son avis sur l'avenir du secteur bancaire. Les propos. Al Bayane : Comment s'est comporté le secteur bancaire en 2015 ? Farid Mezouar : En 2015, le crédit bancaire au secteur non financier a continué de décélérer avec une progression de seulement 0,4%, recouvrant carrément un repli de 2,2% des prêts aux entreprises. Le stock des créances en souffrance chez les banques a déjà progressé de 6,9% à 56 Mrds DH. Ce niveau représente désormais 7,1% de l'encours global. L'année 2015 a donc été difficile pour le secteur bancaire avec un modèle économique menacé à l'international par les GAFA et les opérateurs télécoms. Quelles analyses, faites-vous, des résultats annuels des banques cotées à la bourse de Casablanca ? Selon nos calculs, le PNB bancaire a progressé en moyenne de 0,9%, dans le sillage de l'atonie des crédits compensée par un léger effet de marge. Aussi, la masse bénéficiaire a augmenté de 5,1%, notamment grâce à la progression du résultat de la BCP de 14,4%. Globalement, les banques ont compensé la faible progression du PNB par une baisse du coût du risque sous l'effet BPR pour la BCP. Les plus optimistes diront que les banques ont anticipé la montée des risques et ont ajusté le coût. Les pessimistes évoqueront un lissage des résultats pour ne pas adresser un mauvais signal aux marchés financiers. A quel degré, les banques ont été impactées par la baisse du taux directeur ? Les banques marocaines sont généralement «hors banque» surtout depuis la forte baisse du coefficient des réserves obligatoires. A titre d'exemple, le refinancement interbancaire d'Attijariwafa ne représente que 13% des ressources globales. Ainsi, la baisse du taux directeur n'a qu'un impact direct de nature psychologique. Toutefois, indirectement, la baisse du taux directeur provoque en général une baisse de la courbe des taux, telle que calculée par Bank Al Maghrib (BAM) sur la base des transactions dans le marché secondaire des Bons de Trésor. Une telle baisse rejaillit positivement sur les banques au niveau des résultats de l'activité des marchés et surtout, via la baisse quasi-mécanique des taux de DAT. Comme les banques ne vont pas répercuter entièrement cette baisse des coûts des ressources sur les taux débiteurs, une hausse des marges peut être prévisible en 2016. Dans une conjoncture marquée par le ralentissement de la demande des crédits, les banques sont-elles vouées à gagner moins d'argent ? Tout à fait, même si l'effet volume peut être compensé par un effet prix au niveau de la marge d'intérêt. Néanmoins, l'atonie des crédits est négative car elle agit sur la croissance économique et sur les dépôts. En particulier, logiquement ce sont les crédits qui créent les dépôts au déficit courant près. De plus, les marges d'intérêt, étant déjà élevées, le potentiel d'amélioration demeure limité au niveau absolu. Quel avenir se dessine pour le secteur bancaire ? Les banques marocaines auront à relever plusieurs défis comme l'accompagnement de la mutation du modèle économique à l'international. Il s'agit, notamment de développer une vraie offre digitale faisant du smartphone la vraie agence bancaire. Aussi, les nouvelles agences sont à redessiner en fonction des fonctionnalités digitales développées. En local, les banques devront gérer cette atonie des crédits accompagnée d'une montée des créances douteuses. Aussi, l'impact de l'implantation des banques participatives sera à surveiller. Enfin, l'expansion africaine de certains groupes est arrivée à un stade où il faudra bien gérer le couple risque/rentabilité. En bourse, quelles sont vos recommandations pour les valeurs bancaires ? Tout d'abord, nos recommandations sont basées sur un horizon de moyen-long terme. Ainsi, devant les risques ou les questions évoqués précédemment, nous n'avons plus aucune banque dans notre portefeuille recommandé. Naturellement, c'est une logique de portefeuille non benchmarké car un fonds indiciel ne peut passer outre les banques. Il en est de même pour le trading en cas d'existence de newsflow positif sur une banque.