Dans leurs dernières études sur les perspectives de croissance des entreprises, les économistes du groupe Coface ont établi une liste de pays dits «phénix» parmi les émergents. Le Maroc a de meilleures perspectives que beaucoup d'économies émergentes, mais ne remplit toutefois pas les critères du «phénix». Dans cette catégorie de pays, l'endettement des entreprises a été multiplié par 4,5 entre 2004 et 2014 en valeur absolue. La facilité de rebond, après crise, des entreprises dans les pays émergents serait moins évidente que jamais. C'est l'une des conclusions phares du groupe Coface dans sa dernière publication. Intitulée : «Entreprises des pays émergents : peut-on, une nouvelle fois, croire au miracle du phénix ?», cette publication des économistes du Groupe annonce en filigrane une nouvelle configuration de croissance parmi les entreprises des économies émergentes, dont le Maroc fait partie dans la classification Coface. Dans sa catégorie, le Maroc s'éloigne des extrêmes, des meilleurs et des moins bons, se positionnant dans le ventre mou parmi les pays émergents. En effet, l'on retrouve d'une part les pays qui affichent toujours les caractéristiques leurs permettant de rebondir rapidement suite aux crises et offrant ce même terreau à leurs entreprises, que l'Agence qualifie de «phénix», puisqu'ayant la capacité de rapidement renaître de leurs cendres. «Après avoir considéré successivement les gains de compétitivité-prix découlant d'une dépréciation, l'endettement des entreprises non financières et l'environnement politique et social, peu de pays émergents, parmi l'échantillon des trente-quatre pays étudiés, passent à travers les mailles du filet et remplissent pleinement tous les critères pour offrir à leurs entreprises une bonne et rapide capacité de rebond ou de résistance. Ils sont au nombre de quatre : la République tchèque, la Pologne, le Chili et la Thaïlande», estiment les économistes de Coface. Ces quatre économies représentent moins de 2% du PIB mondial, mais elles ont pour atout d'être relativement industrialisées, d'avoir dépassé la trappe du revenu intermédiaire, de ne pas trop exporter à destination des marchés émergents les plus malmenés. Leurs fondamentaux économiques sont bons : peu de pressions inflationnistes, dette publique à un niveau faible (Chili, République tchèque) ou modéré (Thaïlande, Pologne) et aucun d'entre eux ne souffre d'un déficit élevé de sa balance courante, mais ils recouvrent des sources de vulnérabilités : le risque politique et social existe en Pologne, en Thaïlande, au Chili, même s'il est modéré. Loin des extrêmes Selon cette grille de lecture, le Maroc pourrait s'approcher de ce groupe de pays de tête, avec en plus l'avantage de jouir d'un très faible risque politique. En revanche, le déficit de la balance courante de l'économie marocaine reste structurellement déficitaire, et conjoncturellement élevé selon le comportement des cours internationaux de l'énergie. De même, la dette publique s'est démultipliée durant les dernières années, enlevant ainsi au Maroc l'avantage macroéconomique dont jouissent encore ces pays qualifiés de «phénix». Il faut cependant relever que la tendance d'alourdissement de l'endettement est quasi-généralisée parmi les pays émergents. Elle touche non seulement les finances publiques, mais également les bilans des entreprises. «Les entreprises des pays émergents sont aujourd'hui confrontées au problème de leur endettement croissant. Celui-ci a en effet été multiplié par 4,5 entre 2004 et 2014 en valeur absolue. Relativement au PIB, il a progressé de 26 points de pourcentage au cours de la même période. Cette tendance haussière concerne la plupart des grands émergents, même si l'ampleur de la progression diffère d'un pays à l'autre», soulignent les économistes auteurs de la dernière publication de Coface. Ceci dit, un autre constat général concerne directement le Maroc, celui du durcissement des conditions de crédits, couplé à un taux d'endettement déjà élevé des entreprises, empêchant ainsi la reprise de l'encours de crédit, malgré des politiques monétaires accommodantes. Le Maroc affiche en revanche des perspectives plus favorables que beaucoup d'autres pays de la catégorie. En effet, l'étude de Coface confirme que d'autres économies ont peu de marges de rebond à court terme. Il s'agit en l'occurrence de la Chine, de l'Arabie saoudite, de l'Egypte et l'Equateur, qui ont pour point commun d'avoir une devise qui s'est appréciée significativement depuis 2013 et un niveau de risque politique élevé. Ainsi, notamment grâce à un gain relatif en compétitivité-prix, les entreprises marocaines gardent tout de même des perspectives favorables, mais beaucoup moins que lesdits «phénix», surtout que le royaume ne semble pas disposé à activer un levier majeur, celui de déprécier le dirham. Les qualités des «phénix» selon Coface Afin que les entreprises d'une économie émergente en difficulté retrouvent rapidement des capacités d'investissement et «renaissent, ainsi, de leurs cendres», trois facteurs sont, selon Coface, à prendre en compte dans le contexte actuel. Le premier réside dans la compétitivité-prix : les entreprises sont incitées à investir après une crise si elles deviennent plus compétitives. Dans le cas des pays émergents, la dépréciation de leur devise est, sans doute, le moyen le plus efficace pour y parvenir dans une période de temps réduite. Le deuxième facteur est dans leur capacité d'endettement : leur niveau initial de dette leur donne-t-il des marges de manoeuvre pour s'endetter davantage ? Et, enfin, un pays peut ne pas bénéficier de ces deux facteurs de rebond possible si la reprise est entravée par des incertitudes politiques élevées. Si le Maroc répond favorablement au premier et au dernier facteur, celui relatif aux devises reste encore dans le champ de l'inexistant. Tags: Perspectives de croissance des entreprises