Hicham El Moussaoui : Economiste et professeur universitaire L'inflation ne cesse de suivre une tendance baissière depuis quelques mois, une situation qui devrait se poursuivre au cours des prochains mois selon le constat dressé par Banque Al-Maghrib. Selon l'économiste Hicham El Moussaoui, il s'agit «d'une inflation importée», et tout risque de déflation est pour le moment exclu. Les ECO : La Banque centrale fait cas d'une tendance baissière de l'inflation. Selon vous, à quoi est due cette tendance? Hicham Moussaoui : Le recul de l'inflation est principalement le résultat de la baisse des cours du pétrole et qui, en dépit de sa non répercussion totale, a permis de baisser relativement l'inflation, surtout celle des produits alimentaires, si l'on croit les statistiques du HCP. C'est ce que nous, économistes, appelons une «inflation importée». Elle s'inscrit sur une tendance baissière en raison du recul des cours des hydrocarbures et des matières premières sur le marché international. La baisse de la demande intérieure est aussi responsable... C'est vrai aussi car, dans l'inflation, il y a plusieurs aspects. Je dirais qu'il y a une inflation interne qui peut baisser quand il y a un recul de la demande interne, notamment la consommation de ménages. La baisse des cours a été compensé par la décompensation, ce qui ne permet pas de sentir ses effets. Par quels mécanismes ? C'est valable au début de la décompensation, à partir de décembre 2015, mais depuis le pétrole a continué à baisser et il est clair qu'avec une année de sécheresse relative, la consommation de ménages accusera du recul, ce qui réduira la pression sur l'offre et maintiendra donc l'inflation à des niveaux bas cette année, à moins qu'il y ait un imprévu ou un choc exogène qui réduise drastiquement l'offre pour créer un excès de la demande interne. Cependant, toutes choses égales par ailleurs, avec le ralentissement de la consommation cette année, surtout que l'optimisme des ménages n'est pas à son niveau le plus élevé, il est probable que les ménages constitueront un peu d'épargne, en guise de précaution contre les mauvais jours. Avec le risque de récession qui se profile cette année, le scénario d'une déflation est-il à craindre ? C'est toujours la même rengaine à chaque fois que l'inflation ne dépasse les 1% au Maroc. Il y a eu le même bruit en 2014 par exemple. D'abord, la déflation est le contraire de l'inflation, ce qui veut dire qu'il s'agit d'une baisse généralisée des prix pendant une période suffisamment longue. Ce n'est pas encore le cas au Maroc puisque l'indice de prix ne baisse pas encore, il est en phase de décélération. Ensuite, l'inflation au Maroc est sous-estimée de par la méthode de calcul, ce qui rend le risque de déflation biaisé. Enfin, ce recul de l'inflation est dû, comme je l'ai dit, d'une part au recul de l'inflation importée en raison de la baisse des cours de pétrole, et d'autre part à la stagnation de la consommation de ménages qui sont un peu dans l'attentisme et craignent pour l'avenir. Cela explique le fait que la pression de la demande interne sur l'offre, qui fait augmenter le prix, n'est pas suffisante et maintient donc l'inflation à un niveau bas. En clair, il n'y a pas encore de risque pour l'économie nationale ? Il est tôt pour parler de risque de déflation au Maroc, d'autant plus que cette année est une année de sécheresse. Il suffit d'une bonne pluviométrie pour booster la demande interne et ainsi dissiper ce risque. Il faut comprendre que ce n'est pas la baisse de prix qui est mal en soi, c'est plutôt son origine. Si c'est le recul de l'inflation importée, c'est une bonne chose; en revanche, si c'est le recul de la demande interne qui s'inscrit dans le temps, la situation est grave car cela signifie moins de commandes pour les entreprises qui verront leurs marges se réduire et leur carnet de demande se vider. Quelles seront alors les conséquences ? Cela va les pousser à réduire leurs investissements, leur production et donc leur embauche. La conséquence est qu'on assistera à plus de chômage, moins de pouvoir d'achat, et donc moins de demande pour ces entreprises. Comment les interventions de la Banque centrale se justifient-elles ? C'est, à ce moment-là, un cercle vicieux, donc la BAM devrait normalement stimuler le crédit. C'est ce qui a été fait avec la baisse du taux directeur. Cependant, et c'est là ma grand crainte, cette facilité n'incitera pas les banques commerciales à la répercuter par plus de crédits. L'histoire passée le prouve largement d'ailleurs.