Le Tribunal de commerce de Casablanca a rendu hier, lundi 21 mars, son jugement sur le sort de l'unique raffineur au Maroc: la société sera mise en liquidation judiciaire. La Samir dispose de 10 jours pour faire appel, et de trois mois comme durée de continuation d'activité. Les syndicats s'apprêtent à muscler leurs protestations, et de porter plainte contre le groupe. L'espoir d'un sauvetage était infime, mais la décision a tout de même choqué les concernés. Le Tribunal de commerce de Casablanca a rendu hier, lundi 21 mars, son jugement sur le sort de l'unique raffineur au Maroc: la société sera mise en liquidation judiciaire. «Nous avons appris la nouvelle avec un grand désarroi. C'est une véritable catastrophe qui s'annonce pour notre pays, qui ne disposera plus de raffineur national, indispensable pour Mohammedia, pour les familles des salariés et pour l'économie nationale de manière générale», déplore Houcine El Yamani, secrétaire général du Syndicat du Gaz et du pétrole rattaché à la Confédération démocratique du travail (CDT). Mais le jugement est là, rendu par le président du Tribunal de commerce de Casablanca, qui a décidé la liquidation judiciaire de la raffinerie, celle-ci ayant arrêté sa production en août dernier. La Société anonyme marocaine de l'industrie du raffinage (Samir) dispose désormais de 10 jours pour faire appel. Néanmoins, la partie semble être d'ores et déjà jouée, les alternatives étant loin d'être concrètes, ni même convaincantes. En effet, l'actionnaire de référence, le groupe Corral Petroleum, détenu par Cheikh Al Amoudi, avait tenté de gagner du temps lors de la dernière audience tenue le 7 mars. Ce jour-là, le management de Samir avait présenté son propre plan de redressement, prévoyant notamment l'injection de 6 MMDH dans le capital de la compagnie sur une période s'étalant jusqu'en 2019. Une tentative qui, sans surprise, n'a pas convaincu les magistrats ni le président de la Cour, qui a fini par prononcer le jugement de liquidation, estimant que l'entreprise ne pouvait plus être redressée. Il faut dire que même l'Etat semblait ne plus avoir beaucoup d'espoir quant au sauvetage de la raffinerie dans la configuration actuelle. Les syndicats se préparent Maintenant, le jugement prononcé par le tribunal autorise la continuation de l'activité de la société pendant une période de trois mois, à compter de la date du jugement, soit jusqu'au 20 juin 2016. La Samir peut par ailleurs faire appel de cette décision dans les dix jours consécutifs au jugement. Pendant cette période de continuation d'activité de trois mois, la société sera administrée par le syndic désigné par le tribunal, qui sera chargé de la liquidation de l'actif. La question qui se pose désormais est celle de savoir si, pendant ce «délais de grâce» de trois mois, le Groupe Corral pourra retrouver un repreneur viable de l'activité de raffinage. Ceci dit, si les créances de l'Etat puis ceux des salariés sont légalement prioritaires en cas de liquidation, les syndicats sont loin de se résigner à ce jugement. «Nous considérons l'actionnaire de référence comme responsable de cette débâcle, mais l'Etat doit faire partie de la solution, surtout que ce dernier s'est engagé à éviter de tomber dans le cas historique des mines de Jerrada», souligne El Yamani. «Le front syndical est entré en réunion ouverte, et après une contestation douce, le bureau dirigeant n'hésitera plus à mener des actions plus musclées, peu importe le degré d'escalade qui sera atteint. C'est l'avenir de milliers de familles qui est en jeu, et l'on ne peut permettre qu'elles soient marginalisées et entrent dans le cercle vicieux d'une grave précarité», poursuit-il amèrement. Le front syndical qui porte cette affaire annonce s'apprêter à porter plainte contre les responsables de cette débâcle. Ras-le-bol de l'Etat Il faut dire que la tutelle s'est engagée à garantir les droits des milliers de salariés de la raffinerie. En effet, dans une interview exclusive accordée récemment aux Inspirations ECO (Cf. www.leseco.ma), Abdelkader Amara, ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement, livrait sa position sur l'affaire Samir, à quelques jours de la prononciation du jugement. «Je ne pense pas qu'Al Amoudi s'en sortira indemne, ne serait-ce que sur le plan de sa réputation. Outre celui du Maroc, il subit plusieurs procès à l'international. Il a essayé de prendre le pays en otage depuis plusieurs années en transformant l'approvisionnement du pays en «épée de Damoclès». C'est la raison pour laquelle il arrivait à avoir des facilités de caisse auprès de la douane arrivées à un montant de 12 MMDH, ce qui est énorme. Or, la problématique de l'approvisionnement, je l'ai réglée en arrivant à ce département», soulignait le ministre. En effet, aucune perturbation n'a été relevée quant à l'approvisionnement des stations services, les compagnies pétrolières ayant sécurisé une grande part de leurs stocks de produits raffinés. «J'ai élaboré un «plan B» dans lequel la Samir, pour une raison ou pour une autre, se trouve dans l'incapacité de produire, bien sûr avec le concours de tous les distributeurs. Cela nous a permis d'arriver à la conclusion selon laquelle on pourrait se passer de Samir, le cas échéant. C'est sur cette base que le gouvernement a dit non à El Amoudi qui faisait du chantage pour continuer à profiter de facilités de la part de la douane. Il a choisi août 2015, une période de pointe, pour arrêter la production», déplore Amara. «Il y aura certes de la casse, mais le raffinage restera au Maroc puisqu'il s'agit d'une industrie à part entière, et les employés auront leurs droits dans tous les cas de figure», s'est engagé le ministre sur les colonnes des Inspirations ECO. La liquidation risque de faire des dégâts parmi les créanciers, notamment dans le secteur bancaire, dont l'ardoise se chiffre en milliards de dirhams.