Karim Duval se moque des préjugés. Sino-franco-marocain, l'humoriste que le public casablancais a découvert le 3 mars dernier, dans un spectacle organisé par Top Event Productions réunit à lui seul trois continents. Une particularité dont il use et abuse dans «Melting pot», un one-man show complètement déjanté et qu'il représentera à Rabat le 15 avril. Les ECO : Le public casablancais a été séduit par votre prestation, jeudi 3 mars. Comment s'est passée, pour vous, cette première rencontre ? Karim Duval : Elle restera inoubliable ! Et le mot «rencontre» est juste : la plupart des personnes présentes sont venues découvrir un inconnu, sur une scène qui pourtant accueille les stars ! Et même si j'ai eu la chance de jouer dans de très beaux lieux (notamment l'Olympia), il y avait une part d'inconnu et d'insolite à débarquer comme ça devant 600 personnes. Quant à celles qui m'ont connu plus jeune (voir tout petit), c'était une façon de nous redécouvrir de longues années plus tard et de ce fait elles ont contribué à la magie du moment. J'espère revenir très vite à Casa ! Avez-vous eu l'impression d'être en terrain connu ? Oui et non. Oui parce que le Maroc est mon pays de coeur, celui où j'ai grandi. Je l'ai dans les veines, dans la peau et dans la tête ! Mais j'étais un peu en terre inconnue parce que cela fait 17 ans que je n'y vis plus vraiment, alors que le pays change vite... Et je me suis mis en danger (à raison !) puisque j'ai joué une version très spéciale avec beaucoup de nouveautés pour le public marocain ; donc je suis sorti de ma zone de confort, de la version du spectacle que j'ai jouée plus de 400 fois en France, mais quoi de mieux que d'aborder l'inconnu dans un environnement qui vous est familier et porté par des gens qui vous aiment ? À vous seul, vous réunissez trois continents (Afrique, Asie, Europe). Dans lequel, vous reconnaissez-vous le plus ? Quand vous mangez un bon zaalouk, quel goût ressentez-vous le plus ? Celui des aubergines, celui du cumin ou l'acidité des tomates ? Je serais incapable de vous répondre : c'est un tout qu'on a appelé «zaalouk» parce que justement on ne savait pas trop... et bien c'est pareil pour moi ! Faire rire n'est pas un métier facile. Pourquoi avoir quitté le «confort» d'un poste de manager pour monter sur scène et vous exposer à la critique ? Parce qu'il n'y a rien de plus inconfortable que le confort. J'aimais beaucoup mon boulot de manager, où j'ai eu la chance d'être bien entouré et considéré, mais j'ai découvert le plaisir d'être sur scène et d'être jugé dans l'instant. Par ce cri collectif et sans concertation qu'on appelle «le rire» (ou «le silence», quand ça ne marche pas), ce retour on ne peut plus sincère (parce qu'on ne peut ni forcer, ni retenir le rire)... Ajoutez à ça un brin de piment lié à l'incertitude du lendemain (qui est ce qui vous fait avancer, en fait) et voilà comment «hazzni el ma»! Où puisez-vous votre inspiration et écrivez-vous vous-même vos textes ? Oui, j'écris mes textes moi-même. C'est un premier spectacle où je raconte mon histoire. Et tous les personnages de «Melting pot» sont issus du vécu, de l'observation, ou d'un mix de plusieurs personnes déjà rencontrées, teintées d'une part de moi dans le texte. Quand on est enfant, on emmagasine beaucoup de choses : donc le Maroc y est pour beaucoup ! Dans le spectacle «Melting pot», il y a beaucoup de références à vos origines marocaines. Des références qui ont beaucoup fait rire le public casablancais. Est-ce que vous avez spécialement adapté vos textes au public marocain ? Je n'avais pas le droit d'arriver au Maroc sans adapter mon spectacle au public marocain. D'ailleurs très vite, plus qu'une adaptation, c'est devenu une version marocaine qui au fil des représentations à venir (nombreuses, je l'espère) ne va cesser de s'étoffer. En fait, c'est tout un pan, toute une partie de moi qui peut s'exprimer, face à un public non seulement ouvert à l'humour de France, mais aussi en mesure de comprendre et demandeur des vannes spéciales pour le Maroc. Donc ça vient tout seul et c'est toute la clé dans l'humour : le naturel, la sincérité. Comment se passe la vie en France quand on est arabe, chinois et un peu «français» ? Hamdoullah, je ne pâtis pas des problèmes de racisme qui se font hélas récurrents et banals dans ce beau pays qu'est la France. Peut-être, comme je le dis dans mon spectacle parce qu'à partir de trois origines, le raciste est perdu ?! Mais en m'écoutant répondre à cette question, je suis navré de voir qu'elle est indissociable du racisme...La diversité est une richesse, mais on ne va pas non plus en faire toute une histoire : elle est là, elle s'impose à nous et à tous et elle fait avancer le monde. Libre à ceux qui la rejettent de rester à quai ! Quels sont les humoristes qui vous font rire ? Beaucoup, tellement... Beaucoup de formes d'humour, surtout. Ça va de Charlie Chaplin à Tex Avery, de Gad Elmaleh aux Monty Python et j'en passe... Avec une mention spéciale, puisqu'on est au Maroc, à Hanane Fadili dont j'admire les personnages. Et en parlant de personnages, Jalil Tijani, qui a fait ma première partie, est très fort dans ce registre : il l'a prouvé le 3 mars et va beaucoup faire parler de lui, croyez-moi ! Avez-vous envie de faire du cinéma ? Ça commence à me titiller ! Mon métier premier est l'écriture de one man show et la scène, mais je me lance petit à petit dans les vidéos. C'est l'occasion de se découvrir face caméra, mais aussi d'explorer les ressorts comiques qu'offre l'image et de se rêver acteur dans un long-métrage... ou figurant dans un court (rires !). J'ai une tête un peu singulière, ni franchement typée «Nord-africain», ni complètement «asiatique»... pourquoi pas un flic sud-américain ? Avec moi, le Maroc pourrait produire son premier feuilleton mexicain en darija sans doublage ! Votre prochaine visite au Maroc ? Je jouerai mon spectacle au profit de la Fondation Ababou (qui oeuvre pour les enfants en situation d'échec scolaire) le 15 avril, salle Allal El Fassi à Rabat. Venez, on va se marrer !