Alors qu'une suspension des sanctions économiques à l'encontre de la Russie se profile, le grand optimisme des exportateurs a laissé place à un sentiment amer d'échec. Une logistique peu développée et une offre exportable inadaptée ont fini d'amenuiser les chances du royaume. Bientôt deux ans que l'embargo sur le commerce avec la Russie dure. Une annonce qui avait ravi certains exportateurs marocains à l'époque, convaincus de pouvoir récupérer des parts de marché en se substituant notamment à certains opérateurs agricoles européens. Aujourd'hui, cet optimisme semble bien loin. À en croire Abdelaziz Mantrach, président de la commission logistique de l'ASMEX, «les exportateurs nationaux n'ont pas été très agressifs et percutants pour percer le marché russe». Alors qu'une levée des sanctions devrait intervenir en été, les exportateurs marocains s'interrogent sur les raisons de cet échec. Celles-ci sont d'abord à chercher du côté de la logistique: pour des exportateurs habitués à des marchés de proximité en Union européenne, l'éloignement géographique de la Russie peut s'avérer être un obstacle de taille. Les raisons de l'echec Les grands logisticiens ne servent pas correctement ce marché depuis l'Afrique, et en particulier depuis le Maroc. Même les lignes aériennes s'avèrent rares et ne permettent pas de créer les ponts nécessaires pour raccorder les deux pays. «À cela, il faudrait ajouter la question des moyens de paiement. Avec l'instabilité du rouble et le problème de la couverture du risque, le marché russe est instable, ce qui suppose un accès encore plus difficile», explique Nabil Boubrahimi, professeur d'économie à l'Université Ibn Tofaïl de Kénitra. À ce titre, l'adoption de conventions sur la sécurisation des transactions peut s'avérer utile pour relancer les échanges. Autre raison majeur de ce revers, l'offre exportable marocaine demeure dans l'absolu peu adaptée à la demande typique du marché russe. Si le Maroc peut facilement récupérer quelques opportunités sur l'agroalimentaire et les produits agricoles, il n'en va pas de même pour d'autres secteurs. «Nous ne disposons pas d'une connaissance suffisante du marché pour pouvoir capter la demande typique du marché russe», poursuit Nabil Boubrahimi. Pour la CGEM, les raisons profondes de cette situation sont à chercher du côté des politiques industrielles du pays. «En favorisant les activités des groupes étrangers par rapport à celles des industries locales, la compétitivité nationale globale se dégrade. Il est normal que, dans ces conditions, l'on trouve des difficultés à percer dans un marché comme celui de la Russie», regrette Hakim Marrakchi, vice-président de la CGEM. Des opportunités à prendre Pour l'instant, les exportations marocaines restent essentiellement concentrées autour des agrumes, et les importations en provenance de la Russie se constituent principalement de produits énergétiques. «D'autres produits agro-alimentaires, tel que l'huile d'olive et les fruits et légumes peuvent faire l'objet du renforcement des exportations du Maroc vers la Russie, mais peu d'opérateurs proposent des produits avec suffisamment de valeur ajoutée pour intégrer les circuits de distribution russes», déplore Marrakchi. Si le royaume semble avoir raté l'opportunité de se greffer sur ce marché durant cette période d'embargo, tout espoir n'est pas perdu. La Russie est l'un des marchés les plus importants au monde avec pas moins de 150 millions de consommateurs. De plus, il n'y a pas de similitude entre les produits marocains et ceux russes, ce qui constitue un déterminant important en faveur du développement des échanges commerciaux entre les deux pays. Le Maroc devrait également profiter de l'expérience russe et de son savoir-faire, en particulier dans les domaines de l'énergie, de la recherche pétrolière, de la formation technique et scientifique... Le tourisme est un autre secteur permettant de dynamiser les relations aussi bien économiques que culturelles entre les deux pays. La Russie est devenue, au cours des dernières années, un des grands pays émetteurs à ce niveau. Les agrumes, dernier recours L'agriculture représente une part limitée dans l'activité économique russe (moins de 5%), faisant de ce pays l'un des grands importateurs de produits agricoles. Le Maroc dispose d'un fort potentiel concernant certains produits, dont il est un grand exportateur vers ce pays. C'est le cas des mandarines et des clémentines pour lesquelles environ 1/5 des importations russes proviennent du Maroc, ou encore des oranges «fraîches ou sèches» dont les exportations s'élèvent à 75 millions dollars. D'autres secteurs, comme les phosphates et dérivés ainsi que les produits de la pêche, pour lesquels le Maroc a des avantages comparatifs, constituent des créneaux potentiels de commerce entre les deux pays.