La communauté marocaine continue de payer un lourd tribut à la crise économique espagnole. Ainsi en atteste le recul des transferts de fonds envoyés par les Marocains d'Espagne. Selon le dernier rapport de Remesas, une association formée d'économistes espagnols et dédiée à l'analyse de transferts de fonds de l'ensemble des communautés résidentes en Espagne, le Maroc est le pays le plus touché par le recul des envois. Les données enregistrées en 2010 octroient au Maroc la 6e place, alors qu'il figurait à la 5e position en 2009. Le royaume a cédé sa place au profit du Paraguay, après avoir partagé ex-æquo cette position avec le pays latino-américain, un an auparavant. De la sorte, les Marocains d'Espagne ont transféré 295 millions d'euros en 2010 contre 299 millions en 2009. Il s'agit en effet d'un recul de 1,61%. Cette situation mène l'association Remesas à conclure que l'économie du Maroc pourrait pâtir de cette dégringolade, étant donné que ces rentrées d'argent représentent 2,3% du PIB. L'affaissement a commencé dès que la crise a pointé du nez. De ce fait, les fonds transférés à partir de l'Espagne ont chuté de 9% en 2009, ce qui a placé le Maroc dans le top trois des pays des plus affectés (avec le Sénégal et le Brésil). «Ces chiffres indiquent que les originaires de ces pays ont été exposés à la crise davantage que le reste des immigrés», estiment les analystes de Remesas. Au moment où certains pays assistent à l'effondrement des économies de leurs ressortissants, d'autres se frottent les mains. C'est le cas par exemple des résidents chinois. De toute évidence, la crise en Espagne ne traite pas les immigrants sur un pied d'égalité. Cependant, le recul des transferts a d'autres explications. Certains de nos compatriotes recourent à des astuces économiques pour faire parvenir leurs économies à la smala. Un tenancier d'un local de transfert d'argent assure que sa clientèle opte de plus en plus pour les voies informelles, pour ne plus s'acquitter des frais du service. De plus, et eu égard à la proximité géographique, de nombreux Marocains opèrent comme des transporteurs de marchandises ou de biens entre les deux rives. «Mes clients glissent des billets dans les colis envoyés à leur familles, surtout que l'on peut mettre une coupure de 100 ou de 200 euros sans que cela n'attire l'attention», confie Aziz, qui a vu son activité exploser depuis le début de la crise de l'économie ibérique. À ce phénomène s'ajoute cette frange d'immigrés qui s'est retrouvée désœuvrée et a penché pour un retour temporaire au Maroc, en attendant des jours meilleurs. Hélas, ces derniers ne sont plus à l'abri et courent le risque de perdre les allocations chômage ou les indemnités du RMI (revenu minimum d'insertion). En effet, la région de Catalogne a intensifié les mesures de contrôle pour traquer les fraudes. Comme l'a signalé le portail Correodiplomatico.com, les 34.000 bénéficiaires du RMI basés dans cette région ont commencé à percevoir ladite assistance par le biais d'un chèque certifié, mandaté au domicile. Par inadvertance ou délibérément, la Generalit, le gouvernement catalan, n'a pas pris le soin de communiquer cette décision aux intéressés. Résultat, environ 25% des allocations ont été renvoyées à l'expéditeur vu que leurs destinataires ne s'étaient pas manifestés. La loi stipule que le bénéficiaire des aides doit résider d'une manière continue dans le pays d'accueil. Cette chasse aux absents n'est pas nouvelle, puisqu'elle a été adoptée à Madrid en 2010. À l'époque, le bureau de l'emploi, l'Inem, organisme s'occupant de verser les indemnités du chômage, avait convoqué les Marocains, les priant de se munir du passeport pour vérifier les entrées et sorties tamponnées sur le document de voyage. La décision avait suscité un tollé au sein de la communauté marocaine et différents sit-in furent organisés pour dénoncer cette mesure. Au moment où l'étau se resserre autour des immigrés ayant trouvé refuge au Maroc, d'autres plus fortunés, font les choses dans les règles. Ils sont de plus en plus nombreux, les diplômés qualifiés en ingénierie ou en architecture qui préparent un retour définitif au bled. C'est le cas de ce jeune ingénieur civil recruté aux mêmes conditions salariales par un grand fabricant d'automobiles basé à Tanger. «Il n'y a plus de perspective, encore moins un plan de carrière. Les contrats proposés sont d'une durée limitée et l'embauche se fait à travers des sous-traitants. J'ai opté pur rentrer au pays et y construire mon avenir, car en Espagne, ingénieur ou ouvrier, tout le monde est dans le même pétrin», résume avec amertume cet ex-MRE.