La tendance de la restructuration de l'entreprise lève le voile sur la difficulté à recruter des cadres compétents avec une sérieuse expérience. Cette insuffisance permet d'analyser l'adaptation des formations dans les établissements supérieurs. Le contexte laisse entrevoir la nécessité de la complémentarité. Recruter des profils adaptés aux besoins de l'entreprise. C'est le casse tête aujourd'hui de nombreuses PME qui notent une persistante inadéquation entre la formation et l'emploi. Si cette problématique était jusque-là relevée avec acuité concernant les profils présentant des compétences techniques, la tendance de la «restructuration de l'entreprise» lève le voile également sur la difficulté à trouver des cadres compétents avec une sérieuse expérience. Dans cette configuration, les établissements d'enseignement supérieurs font preuve de réactivité en adaptant leurs programmes de formation aux besoins spécifiques du marché de l'emploi. C'est le cas entre autres de HEM qui présente sur un programme de 5 années d'études, une formation permettant aux étudiants de maîtriser des problématiques concrètes dans la gestion d'entreprises. Comme l'explique Mohamed Khamlichi, directeur des études, «les étudiants doivent mener un projet libre par année qui se décline en une microentreprise entièrement gérée par ces derniers qui bénéficient de l'accompagnement du corps professoral». Cette pédagogie viserait essentiellement à rompre avec les pratiques de formations théoriques. Même tendance du côté de l'Université internationale de Casablanca. Un master académique entièrement dédié au management et à l'entrepreneuriat y sera proposé dès la rentrée prochaine. «Ce cursus a été développé avec notre grande école en France, l'ESCE et vise essentiellement à faire de nos lauréats en management et entrepreneuriat des porteurs et créateurs de projets», explique-t-on auprès de la direction de l'UIC. Dans le détail de cette formation, des modules tels que «l'initiation à la recherche en gestion» ou encore la maîtrise des systèmes d'information sont mis en avant, répondant par là à des besoins plus spécifiques des entreprises en quête de profils aux compétences ciblées. Cependant, au delà de l'initiative des établissements d'enseignement supérieur, il convient de relever un critère principal dans l'exigence des DRH, à savoir «l'expérience professionnelle». Cette dernière doit généralement être acquise en cours de formation pour permettre aux étudiants fraîchement diplômés de décrocher un emploi à la sortie de l'école ou de l'université. C'est ici qu'intervient le rôle des stages en entreprises qui présentent sur le plan pédagogique une réelle opportunité d'expérience, «plus proche de la réalité du terrain». Le rôle de l'entreprise dans la formation La PME est aussi une école. L'idée peut sembler surprenante à première vue, cependant l'expérience ne s'acquiert pas sur les bancs de l'université mais surtout dans un cadre professionnel opérationnel. C'est ce qui permet in fine à l'étudiant de mettre en pratique les enseignements reçus. Hors, sur ce point, sur lequel s'accordent d'ailleurs les DRH, les dysfonctionnements sont récurrents. La conception même du stage resterait pour l'heure encore insuffisamment ciblée. C'est du moins ce que relève Rajaa Boumehdi, responsable au cabinet Partners spécialisé dans le conseil en recrutement. Conventionnés, les stages doivent en principe faire l'objet d'un programme qui établit les exigences des deux parties (étudiant stagiaire et entreprise). La première doit s'engager à faire preuve d'un esprit d'initiative, de sérieux ainsi que de polyvalence au moment où l'entreprise doit présenter un cadre adéquat intégrant complètement l'étudiant dans des projets concrets en cours d'exécution. En délimitant rigoureusement ce cadre, l'entreprise peut dès lors se positionner en «complément» de formation facilitant par là l'exercice du recrutement, qui aurait dans cette configuration plus de chance de se faire spontanément. Ceci représente moins de coûts pour l'entreprise qui synchronise son action avec l'établissement d'enseignement, pour recruter à terme un profil opérationnel dès les premières semaines d'activité. Compétitivité oblige L'enjeu de la compétitivité des entreprises reste aujourd'hui le principal moteur d'une bonne politique de recrutement. Dans un contexte de mondialisation, les PME marocaines se doivent en effet d'être compétitives sur le marché, en partie grâce à des ressources humaines compétentes. Une étude menée par Capitalcom et Innov'Acteurs auprès de 750 actifs démontre en effet que «la gestion des ressources humaines reste un véritable levier de compétitivité». La capacité à recruter des talents est aujourd'hui un des premiers facteurs de compétitivité pour 40% entreprises interrogées, au moment où seules 16% d'entre elles estiment que le premier facteur reste la capacité à s'adapter aux aléas du marché et 4% donnent la priorité à la fidélisation des investisseurs. Dans ce contexte, près de deux tiers des entreprises estiment que la capacité à innover de l'entreprise passe par le développement d'une politique de ressources humaines adéquate et un management plus axé sur la nouveauté et le dialogue. Rajaa Boumehdi, Directrice associée du cabinet RH partners «Le concept des stages gagnerait à être revu» L'expérience est un critère obligatoire. Tous les clients avec lesquels nous travaillons actuellement exigent des profils ayant réalisé différents projets en entreprise. Dans cette configuration, il ressort une préférence clairement exprimée de recrues diplômées d'écoles de commerce et d'ingénieur françaises, écartant par là presque systématiquement les diplômés d'universités marocaines. Cette préférence n'est certainement pas totalement justifiée, puisqu'il existe bien évidemment des profils très intéressants au niveau de l'enseignement supérieur public au Maroc. Cependant, l'argumentaire des recruteurs reste axé autour de la compétence et de l'expérience acquise tout au long de la formation. De ce fait, les diplômés en France ou plus globalement à l'étranger bénéficient généralement d'une période de stage effective plus importante, dans la mesure où sur une formation de cinq ans, la durée de stage peut être comptabilisée en tant qu'année d'expérience. Plus concrètement encore, la qualité des missions de stage reste plus intéressante, puisque les étudiants sont amenés à se charger de missions sérieuses à accomplir dans un délais prédéfini. Ce qui est d'autant plus éloquent dans notre travail de conseil au quotidien, c'est que nous avons aujourd'hui des clients qui estiment qu'il est plus intéressant de recruter des étudiants ayant effectué des stages à l'étranger, plutôt que des profils attestant de deux années d'expérience professionnelle au niveau national. Ce qu'il faut réellement retenir, c'est la défaillance des systèmes de stage au Maroc. Le concept gagnerait à être revu et surtout à être plus étroitement encadré, pour justement ne pas tomber dans le piège du «stage café et photocopies». Enfin, dans une approche plus générale, abordant la problématique de l'offre du marché et de la demande, je dirais que le blocage se situe aujourd'hui à deux niveaux.