Textiliens et tanneurs opèrent sur un trend conjoncturel peu stable. Le rouge du négatif et le vert de la croissance s'alternent sans transition, à chaque fois qu'il s'agit de parler de leurs indicateurs vitaux. Serec, un cabinet local de plus en plus en vue dans le business des études sectorielles, vient d'apporter sa lecture sur ce secteur. Il en ressort principalement la manifestation de «signes réels de reprise des activités du secteur, suite au redressement des exportations». La filière de l'habillement serait le principal canal de ce regain d'activité à l'extérieur du marché local, avec une valeur cumulée estimée autour de 14 milliards de dirhams à fin juin 2011. Cela correspond à une croissance de près de 13% par rapport à la même période de l'année précédente. Serec établit une corrélation assez évidente entre la variation positive des chiffres précités et l'amélioration progressive de la demande étrangère, notamment en provenance de France et d'Espagne. Mais si ce cabinet semble bien convaincu des bons signaux émis par le secteur à partir des marchés extérieurs, il n'en reste pas moins évident que cette reprise semble encore toute frêle. Publiées le mois dernier, les statistiques conjoncturelles du Haut commissariat au plan (HCP) placent le textile-cuir dans une exception bien négative. La valeur ajoutée industrielle du secteur du textile et du cuir a en effet légèrement régressé à la fin du deuxième trimestre de cette année. Le HCP a apprécié ce recul à travers une variation frôlant la barre des 5%, là où, prise globalement, cette valeur ajoutée a quasi stagné pour les autres secteurs économiques (0,6%). Plongeon Autres indicateurs qui viennent nuancer l'optimisme du secteur reflété par Serec, ceux de Bank Al-Maghrib (BAM). L'institution financière centrale fait allusion -dans sa dernière enquête sur le moral des opérateurs économiques, en l'occurrence ceux du textile-cuir- à une stagnation des dépenses d'investissement réalisées au cours de ce même trimestre, et à une prévision baissière pour le trimestre actuel. Pis, le patronat du secteur accuserait le coup des hausses des cours des principaux facteurs de production, tels que le coton, la principale matière première. Les industriels affichent ainsi, à la fin du semestre dernier, des coûts de production grimpant, couplés avec un approvisionnement en plongée progressive. Mais Serec entretient l'espoir, ouvrant une fenêtre sur l'évolution des compétences et la transition stratégique en cours, notamment dans la filière du textile-habillement (sous-traitance vers co-traitance). L'étude du cabinet revient de ce fait sur les projets de formation entérinés dans le nouvel élan pris par le secteur depuis 2010, dont l'une des illustrations peut être la convention formation-insertion signée entre l'Association marocaine de l'industrie du textile et de l'habillement (AMITH) et l'Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT). Ce partenariat cible une population active de 20.000 jeunes. «Les actions promotionnelles» et «l'assurance à l'export» devraient aussi jouer le rôle de pieux redresseurs de l'évolution du secteur. Point de vue: El Mostafa Sajid, Président de l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (AMITH) Nous sommes en train de revenir aux positions normales d'avant 2008. Je pense que les bons cumuls en valeurs opérés à l'export peuvent être qualifiés de performances. Cela, parce que, comme vous le savez sans doute, il y a eu pas mal d'unités qui ont été obligées de mettre la clé sous le paillasson ces dernières années. Côté investissements, j'estime que beaucoup d'efforts ont été déployés, en l'occurrence dans les filières en amont. Ce constat est très encourageant puisqu'il nous donne de bonnes perspectives sur l'évolution du secteur en 2012. Je ne dirai pas que c'est gagné d'avance, puisque nous sommes en train de vivre dans un nouveau contexte de crise qui pourrait bien prendre des dimensions amplifiées. Il est en effet clair que nous ne sommes pas encore sortis de l'auberge. Ce qui se passe actuellement dans les places boursières aux Etats-Unis, la crise de la dette en Europe, sont loin de rassurer les opérateurs économiques des secteurs exportateurs. Les effets sont difficilement prévisibles, ce qui ne nous donne pas beaucoup de visibilité sur le court terme. Je ne pense cependant pas que cela devrait impacter le processus de transition dans lequel se trouve le secteur du textile-habillement (de la sous-traitance à la co-traitance, ndlr). Cette crise n'a rien à voir avec notre stratégie.