Abdellah Lasri Chanteur d'opéra, ténor Abdellah Lasri est de ceux qui se révèlent sur scène. Discret dans la vie normale, le jeune Marocain originaire de Fès et qui a continué son parcours musical en Europe, a brillé lors de la treizième édition du Printemps des Alizés d'Essaouira, en remplaçant une soprano malade. Coup du destin pour Lasri, coup de chance pour le public marocain. Rencontre avec un oiseau rare, en plein vol... Une voix digne des ténors les plus reconnus, une présence qui a fait trembler la scène omnisport d'Essaouira et l'Orchestre philarmonique du Maroc, une révélation de la treizième édition du Printemps des Alizés. Il s'agit de Abdellah Lasri, ténor marocain, choisi par la musique pour accompagner son destin. Un destin qui fait bien les choses, puisque Abdellah a remplacé la soprano Silvia Dalla Benetta , obligée d'écourter son passage sur scène à cause d'un souci vocal. Cela a été une aubaine pour le public, qui a découvert l'étendue du talent de Abdellah Lasri. «Je n'ai pas toujours voulu devenir chanteur d'opéra, mais à 18 ans j'ai arrêté brusquement mes études et du coup tout lien réaliste avec la société pour faire enfin quelque chose que j'aimais. J'ai commencé à apprendre tout seul la guitare et l'informatique et les deux m'ont emmené redécouvrir la musique classique, puisque c'était exactement le moment où les partitions de guitare commençaient à envahir Internet. J'ai toujours su que j'allais faire de la musique, mais jusqu'à mes 18 ans ce n'était tout simplement pas envisageable! Après deux ans de guitare, j'ai compris que j'avais plus de chance de faire aboutir mon rêve en tant que chanteur qu'en tant que guitariste vu qu'on commence la guitare très jeune d'habitude, contrairement au chant lyrique qu'on commence sérieusement vers l'âge de 20 ans. Mais guitare ou chant c'était pareil, le but étant de vivre en faisant de la musique», explique le ténor, voix qui correspond à la tessiture la plus aigüe chez un homme. Abdellah Lasri est fait pour la musique et il le sait, le pressent. À partir du moment où il est conscient de sa passion, il fera tout pour arriver à son but. Né à Rabat en 1982, il quitte sa ville natale 22 ans plus tard, quand il reçoit une bourse qui va lui changer la vie. «J'ai vécu à Rabat jusqu'en 2004, date à laquelle j'ai reçu une bourse du gouvernement français pour commencer des études de musique en France! J'ai commencé le périple dans le tout petit conservatoire de la ville de Bourgoin-Jallieu près de Lyon, pour raison de son jumelage avec le conservatoire de la ville de Fès, et surtout car il m'ouvrait la possibilité de participer à pratiquement toutes les classes possibles! Quelques mois plus tard, j'ai réussi le diabolique examen d'entrée au conservatoire supérieur de Paris (cnsmdp) où j'ai étudié dans la classe de Glenn Chambers (rencontré par ailleurs grâce au festival les alizés dans sa deuxième édition), avec lequel j'ai passé 4 années fructueuses, qui ont abouti sur un récital de prix où je reçois un diplôme à l'unanimité et avec les félicitations du jury, tout en majorant ma promotion», continue le ténor. Paris lui a ouvert les portes, lui a donné la technique, la confiance, les cours et le bagage nécessaire pour tracer sa voie, ou sa «voix». «Je décide par la suite de quitter la France pour changer d'air et pour découvrir d'autres horizons musicaux, j'ai la chance de réussir l'audition de l'opéra national de Berlin (Deutsche staatsoper) adhérant à sa jeune troupe et y découvrant le plaisir de chanter aux cotés des plus grands interprètes actuels de l'opéra! Depuis trois ans je vole de mes propres ailes, je chante des rôles de plus en plus importants, tout en étendant mon réseau aussi bien en Autriche, après la France et l'Allemagne», explique-t-il ... C'est un parcours des plus prometteurs, pour celui à qui, du haut de ses 31 ans, la vie sourit enfin, après tant d'efforts et de sacrifices. En effet, comme pour un sportif de haut niveau, le chanteur d'opéra se doit d'avoir une hygiène de vie minutieuse, de faire attention à tout, tant le moindre dépassement peut lui être fatal. «L'hygiène de vie ne peut être qu'impeccable! Pendant mes années d'études, pas de soirées tardives, pas de sorties en boîte de nuit, dans des endroits enfumés, port obligatoire d'une écharpe et recettes de grand-mère apprises par cœur. Un petit rhume peut ruiner une représentation et une laryngite peut nous handicaper pendant deux ou trois semaines! C'est surtout vra quand on est jeune et que le corps réagit très facilement aux conditions climatiques. Vers 30 ans, le corps humain devient plus stable! De plus, on acquiert de l'expérience, on évite certains pièges et on sait exactement quand le corps n'arrive plus à soutenir la voix, ce qui veut dire qu'il faut tout de suite s'arrêter! On a aussi une grande idée sur le temps de récupération minimum après une représentation ou une grande répétition par exemple», explique Abdellah Lasri, qui l'a prouvé en changeant son horaire de passage du samedi matin, puisqu'il ne s'attendait pas à chanter autant le vendredi soir, avec l'orchestre philarmonique. Il lui a fallu un temps de récupération et il s'est donc produit à 17h samedi au lieu de 11h, comme le prévoyait la programmation. Entre chaque répétition ou dans les coulisses, il n'est pas impossible de voir le ténor attentif aux autres invités ou encore profiter de ses moments de calme et de solitude pour écouter de la musique. «J'ai toujours écouté beaucoup de musique. Je me laisse très rarement influencer par les tubes du moment. Ces dernières 3 années, je me suis passionné pour la musique folklorique de plusieurs pays. C'était la Bulgarie, avec son mélange d'influences turques et orthodoxes, puis la Géorgie, avec sa musique très orientaliste, mais avec une très forte authenticité! Dernièrement j'ai écouté beaucoup de free jazz et naturellement de la musique classique, dès que je fais une découverte par surprise». C'est ainsi que Abdellah Lasri a laissé des traces dans cette treizième édition du Printemps des Alizés. Nul doute que le chanteur fera une belle carrière, puisque l'Europe a su lui donner les moyens de parvenir à ses rêves, que le Maroc hélas n'a pas su réaliser. «Je franchis l'année prochaine une étape importante de ma carrière, car je serais membre de la troupe de l'opéra d'Essen, un opéra de catégorie A, et je n'y chanterai que de grands rôles! Notamment le rôle-titre de l'opéra Werther, qui est d'une difficulté énorme. C'est la première fois que je m'aventure dans une telle difficulté technique, mais j'ai accepté car j'ai senti qu'enfin j'avais assez de technique et de maturité pour franchir le pas! Ce rôle état compliqué vocalement et dramatiquement. Il n'est bien interprété que par une poignée de chanteurs dans le monde et risque d'être un tremplin pour ma carrière».C'est tout le malheur que l'on souhaite à Abdellah Lasri, qui fera entendre parler de lui très certainement puisqu'une voix telle que la sienne ne peut qu'être écoutée. C'est un spécimen musical rare et à suivre de près surtout quand on sait lorsqu'il nourrit le rêve de «travailler dans des projets où le but ultime reste la musique et l'art et non pas la gloire et l'argent».