Blaise Ahouantchédé Directeur général du Groupement interbancaire monétique de l'UEMOA (GIM-UEMOA). Les ECO : Quel bilan faites-vous des interventions du GIM dans la région et de sa contribution au développement du secteur bancaire? Blaise Ahouantchédé : Les huit économies de l'UEMOA ont pris l'option de promouvoir le secteur bancaire en mettant l'accent sur l'amélioration de l'interopérabilité, depuis 2003. Cela a mené à la création de la GIM, pour répondre à des enjeux structurels concernant le développement de ce secteur. Sachez que nous parlons là d'une région à faible taux de bancarisation et qui se caractérise également par un environnement socioculturel, avec des rapports au «cash» plus ou moins marqués en fonction des marchés concernés et un taux d'analphabétisme important. C'est une région qui a aussi connu les répercussions de la dernière crise financière, laquelle a provoqué une sorte de défiance du public vis-à-vis de l'offre bancaire. Cela ne favorise pas l'expansion des services bancaires. Nous avons donc senti, à partir de tous ces constats, la nécessité d'offrir des solutions de proximité, en relation avec la perception des utilisateurs et de leurs rapports quotidiens avec les finances. C'est une question de modèle économique, tout simplement. Lorsqu'on analyse notre schéma d'actions, structurellement, vous remarquerez que nous nous efforçons de faire en sorte que tous les acteurs du secteur s'y retrouvent. Nous avons mis en place des tarifs d'interopérabilité bancaire fixés collégialement et par consensus avec les structures membres du réseau GIM. Notre défi a donc surtout été de parvenir à bâtir, à partir d'un environnement bancaire extrêmement hétérogène, une véritable offre compétitive de services interbancaires. En chiffres le GIM, c'est aujourd'hui 91 institutions bancaires interconnectées, plus de 2,5 millions de transactions traitées en 2012, soit 150 milliards de Francs CFA en flux de capitaux. Ce sont des chiffres très encourageants, mais qui restent encore assez limités vis-à-vis du potentiel... Oui, en effet. Mais si je pense que nous sommes arrivés à mettre en place une plateforme d'offres complètes pour gérer ces opérations interbancaires, à partir de cartes prépayées, de crédits, de débits, et du mobile banking, entre autres moyens de paiement, le défi pour les années à venir est d'asseoir une vaste stratégie de marketing commercial. Nous comptons apporter de la vraie valeur aux utilisateurs, en fonction des segments d'usage les plus développés sur les marchés ouest-africains. . Dans la monétique, les technologies évoluent à une vitesse fulgurante dans le monde. Mais, l'Afrique est à la traîne... En Afrique, nous avons nos propres problématiques qui pèsent sur le décollage du secteur de la monétique. L'une d'elles est liée à nos capacités d'appropriation et de disponibilité de compétences locales aptes à faciliter cette appropriation. Nous avons un grand déficit en ressources humaines spécialisées dans ce secteur. pas les avancées C'est pourquoi nous avons mis en place un programme de formation : GIM Academy. Cette structure offre des modules adaptés aux contraintes et défis actuels du secteur bancaire dans sa globalité. Cette offre de formation a d'ailleurs toujours existé dans le projet global de GIM. Cette structure interviendra-t-elle également dans l'éducation financière ? Oui bien sûr. Au-delà de la nécessité de former les acteurs, il faudrait effectivement aussi éduquer et sensibiliser les clients. GIM Academy prend en compte cette dimension, en vulgarisant davantage les services financiers. Le défi est double : gagner la confiance des utilisateurs et développer les usages dans une société encore hautement orientée vers le cash. Est-ce que «mobile-banking» est une solution à l'inclusion financière en Afrique ? Les acteurs considèrent de plus en plus le mobile-banking comme un probable canal pour véhiculer des informations et opérations bancaires, mais si ces informations et opérations ne sont pas assez maîtrisées et protégées, cette solution n'aura aucun effet. C'est pour cette raison qu'au niveau du GIM, nous avons estimé important de développer des solutions fiables pour gagner progressivement et conserver la confiance des utilisateurs. Nous sommes conscients qu'il faut gérer les questions d'interopérabilité et de sécurité des opérations sur ce segment. Nous sommes également sensibles aux conditions d'accessibilité de ce type de services, en réduisant les prix et en développant une vraie proximité avec les utilisateurs. Que pensez-vous de l'expansion des banques marocaines sur les marchés subsahariens ? Mon point de vue est fondé sur deux angles. D'abord, nous sommes dans un monde de libre concurrence et d'ouverture économique. Je salue donc l'arrivée des banques marocaines dans la région, car elles développent du business, créent des emplois et contribuent au développement de la bancarisation. Le second angle de mon analyse est un peu plus critique. Je pense que le désengagement massif des opérateurs subsahariens dans les investissements bancaires, aujourd'hui sous contrôle maghrébin et en l'occurrence marocain, risque d'influer sur les intérêts des acteurs du développement du secteur bancaire. Je pense donc que les shareholders locaux doivent se maintenir dans ce secteur pour en promouvoir les investissements.