Karim Ghellab n'aura pas seulement à faire le grand ménage dans le transport des voyageurs. Le ministre a un autre pain sur la planche... très dur à cuir ! Le secteur des laboratoires privés du BTP espère une «réglementation adaptée» depuis une dizaine d'années, et ne s'attend pas à un miracle dans le contexte actuel d'après-nouvelle Constitution. Leurs griefs vis-à-vis de la tutelle relèvent notamment deux grands enjeux : la concurrence jugée «déloyale» du Laboratoire public d'études et d'essais (LPEE), et «l'épuration» d'un secteur d'activité où il semble suffire d'une blouse blanche pour s'improviser opérateur. «Nous avions proposé, dès le départ (en 2001), un système de réglementation des laboratoires qui rejoindrait le système international de qualification des laboratoires de BTP. En lieu et place, le ministère de l'Equipement et des transports (MET) a préféré mettre en place un système basé sur la classification des acteurs qualifiés au niveau national», explique Mohammed Ben El Mamoune, secrétaire général de l'Association des laboratoires du BTP (LABTP). Ce schéma de «qualification et de classification des laboratoires d'étude du Bâtiment et des travaux publics» est vivement décrié par les professionnels. Pis, ce système positionne le LPEE d'office en 5e classe – seul dans cette catégorie la plus élevée –, lui donnant ainsi un accès privilégié et presque exclusif pour soumissionner à tous les appels d'offres lancés par le gouvernement. Faut-il souligner, au passage, que ces marchés publics sont aujourd'hui estimés à un potentiel de 608 millions de DH, avec, en face, un gouvernement qui renforce, au fil des lois de finances, ses dépenses en infrastructures publiques. Sur le banc des accusés, LPEE réagit: «Nous avons toujours été indexé de favoritisme d'accès aux marchés publics, mais rein de tout cela n'est fondé. Je pense que si l'on occupe cette position dans la classification établie par le ministère, ce n'est grâce qu'à la qualité des prestations proposées, de notre expérience de plusieurs décennies dans le domaine et de la qualité de compétences dont nous disposons», se défend Nadia Sahraoui, la responable de communication du laboratroire public. Un privilège qui n'est pas pour plaire aux principaux acteurs du marché se réclamant du privé. Labotest est justement un de ces labos, et constitue d'ailleurs le principal concurrent du LPEE sur ce créneau, avec près de 23 % de part de marché. Son «boss» n'est autre que le même Ben El Mamoune de l'Association des laboratoires du BTP. Ce dernier a même introduit une saisine auprès du Conseil de la concurrence, soulevant un conflit d'intérêts, dont le fond serait caractérisé par le fait que le MET soit «à la fois la tutelle administrative, le président du Conseil d'administration et le premier client du LPEE», si l'on en croit cet autre professionnel établi à Casablanca. Désordre Pour LABTP le problème pourrait bien se situer ailleurs. «Le MET ne devrait jouer qu'un rôle d'observateur, et laisser aux professionnels le soin d'organiser et de réglementer leur propre secteur», assène Ben El Mamoune. Une confusion des rôles qui n'aide pas du tout à juguler le désordre qui prévaut présentement dans le secteur des laboratoires privés du BTP. Les velléités concurrentielles avec le LPEE ne seraient en effet qu'un détail - même important - parmi d'autres. «Il existe une vraie économie de rente dans le secteur. Nous trouvons plusieurs dizaines de laboratoires qui n'ont aucune qualification en personnel et principalement leurs dirigeants et qui, pourtant, remportent des marchés», se révolte l'opérateur casablancais. Ce dernier poursuit en expliquant que «ces labos s'ingénient à recruter sur papier des inégnieurs et des techniciens pour s'offrir ces agréments, en contournant ainsi la loi». Le fait est que le MET délivre ces agréments aux demandeurs en tant que «bureaux d'étude», mais surtout pas en tant que «laboratoires de BTP». «Nous retrouvons même des chauffeurs de taxi titulaires de cet agrément», ironise le responsable de LABTP. Pour ce dernier, la principale référence de qualification applicable aux labos, c'est leur accréditation selon la norme marocaine NM prise sur celle internationale ISO 17025 (NM ISO 17025). Au Maroc, cette exigence est faiblement récompensée dans les réglements de consutation des marchés. «Cela, malgré le fait qu'elle constitue un élément d'écartement d'office selon le Dahir n° 1.70.157 du 30/07/1970 exigeant l'application des normes marocaines dans les marchés publics», nous explique le Secrétaire général de LABTP. Le contexte d'après Constitution avec son esprit d'assainissement et d'égalité des chances semble avoir revigoré le bras de fer entre opérateurs et LPEE. Cette fois sera-t-elle la bonne?