Hervé Mbarga Délégué Europe, African Pineapples & Bananas Association Les ECO : Quelle est le poids de la fiscalité sur vos flux commerciaux avec le Maroc ? Hervé Mbarga : C'est un poids important. La problématique centrale du commerce intra-africain est lié aux barrières douanières et à la fiscalité des échanges dans leur globalité. Si nous prenons par exemple la filière bananière, en l'occurrence sur les exportations en provenance de nos pays et destinés au Maroc, nous faisons face à des droits de douane quis, surtout dans son rôle d'intégration économique et de mise en relations des marchés. Les navires transportant ce fruit quittent Douala, font escale au Ghana, en Côte d'Ivoire pour prendre d'autres chargements de bananes, passe ensuite par le Sénégal, avant de décharger le tout au Maroc, un de nos principaux marchés clients dans la région. Ces mêmes navires remontent vers les ports européens et refont ensuite le chemin inverse avec, dans leurs cales, des cargaisons d'emballages pour les produits fruitiers, par exemple ou de produits halieutiques transformés exportés par le royaume vers ces mêmes pays. Je pense donc que c'est un très bon exemple d'intégration économique. Maintenant, si les droits de douane arrivent à être réduits pour la banane, nous pourrons très largement dépasser le volume actuel, allant de 15.000 tonnes en moyenne/an à 50.000 tonnes. Qu'est ce qui est fait auprès des autorités publiques ? Vous le savez sans doute, le Cameroun et le Maroc sont engagés depuis 2010 dans des négociations visant conclure un accord commercial préférentiel. L'objectif est évidemment de promouvoir les flux des échanges commerciaux entre les deux économies. Les opérateurs camerounais espèrent beaucoup d'une baisse des droits de douane entre les deux pays via cet accord. Nous constatons malheureusement que ces négociations sont encore bien lentes. Il n'y a eu jusque là que deux rounds de négociations en l'espace de près de trois ans. Nous sommes tout de même conscients du fait que les pourparlers puissent repartir cette année. Nous comptons également mettre davantage de pression sur les pouvoirs publics, afin que cet accord puisse être conclu dans les meilleurs délais. Pendant ce temps, les opérateurs des deux pays doivent évidemment prendre les devants. Nous devons être plus proactifs à ce sujet. Justement, que pensez-vous de la présence commerciale marocaine au Cameroun ? Je pense que c'est positif, dans le sens où l'économie marocaine a fait d'énormes progrès, en dépit des contraintes et problématiques que toutes les économies du continent ont en partage. Nous avons donc en commun cette proximité dans les affaires. Au Cameroun, par exemple, le secteur bancaire a traditionnellement été dominé par les enseignes internationales, en l'occurrence françaises, dont l'offre était surtout orientée à accompagner le développement des groupes étrangers dans le pays. Cependant, après l'arrivée d'Attijariwafa Bank, nous remarquons une certaine proximité développée par la banque, via, notamment, la multiplication des agences commerciales, pour atteindre les zones les plus difficiles d'accès, pendant longtemps exclues du système bancaire du pays. Ce sont donc deux approches distinctes. Si AWB a déployé cette approche, c'est parce qu'elle a réussi à prendre au Maroc, ce qui a beaucoup contribué à relever le taux de bancarisation dans ce pays. Ce sont les mêmes stratégies, appliquées aux mêmes réalités de marché. Idem pour le secteur de la production du ciment. Nous avions des problèmes d'approvisionnement du marché local. Le secteur était fortement monopolisé, ce qui se répercutait sur les prix appliqués sur le marché. Les investissements consentis par le groupe Addoha, dans ce secteur, devraient justement contribuer à résorber ce déficit et impulser le secteur de l'immobilier et des constructions. Les organismes internationaux comme la BAD, appellent à plus d'investissements dans la transformation industrielle. Qu'est ce qui est fait dans ce sens ? Nous avons déjà un très bon exemple, dans la filière camerounaise du cacao, avec le marocain Aiguebelle. Ce dernier a investi dans une unité de transformation industrielle de ce produit. Cela reste certes, pour le moment, une initiative ponctuelle. Je pense toutefois qu'avec un peu plus de connaissances et de découverte des opportunités d'investissement qui s'offrent à ce propos, au Cameroun et dans la région, ce type de projets industriels devrait très vite se multiplier. C'est d'ailleurs pour mieux communiquer sur ces opportunités, que nous avons rencontré, récemment à Casablanca, les responsables de l'Association marocaine des exportateurs. Quels sont les principaux atouts de la plateforme camerounaise ? Le Cameroun est la locomotive de la CEMAC. Notre poids économique dépasse les 50% dans la région, d'abord du fait de la taille du marché (21,4 millions d'habitants), qui offre un important bassin de consommation et du fait qu'il constitue un vrai hub portuaire et logistique pour des économies enclavées limitrophes comme le Tchad, la Centrafrique, etc. Une bonne partie de leurs échanges extérieurs passent par le port de Douala. L'avantage, également, c'est que nous sommes à cheval sur deux régions : l'Afrique de l'Ouest et Centrale, ce qui donne un accès privilègié aux investisseurs étrangers.