Après une première étape gabonaise timide à certains endroits, la Caravane de l'export s'est arrêtée à Douala pour deux journées de rencontres bilatérales, du 5 au 7 juin. Présidée par le duo Maâzouz, ministre des MRE, et Saad Benabdallah, patron de Maroc Export, la rencontre de mercredi dernier a été l'occasion pour les deux parties de signer une convention de partenariat, qui devrait permettre de faciliter davantage les échanges entre les deux pays. Tout autour, l'enthousiasme ambiant laisse à penser que, plus que le Gabon, le Cameroun offre de réelles opportunités d'investissements. Peuvent mieux faire La convention de partenariat a été signée comme au Gabon, par Benabdallah pour Maroc Export et par son homologue président de la Chambre de Commerce, de l'industrie et des mines du Cameroun. Pour ce dernier, cette convention arrive à point nommé, tant les opportunités sont présentes sans qu'elles puissent être saisies complètement. Il rappelle à cet effet que, globalement, «les produits échangés entre les deux pays sont peu diversifiés». Bois, coton, bananes et café sont importés par le Maroc, quand le Cameroun importe du papier, des machines, des engrais, des appareils électriques ou des matières plastiques. Il trouve par conséquent «anormal» que le Cameroun ne soit finalement que «le 17e fournisseur et 3e du Maroc en Afrique Subsaharienne, 4e fournisseur et 3e dans la région CEMAC», admet-il. En termes plus chiffrés, Les exportations camerounaises sont évaluées à près de 4,7 MMFCFA, pour 20 milliards d'importations, ce qui crée par conséquent «un déficit de la balance commerciale avec le Maroc», et qui ne favorise pas les échanges gagnant-gagnant que promeut activement l'actuelle caravane. Pourtant, se réjouit-il, «le Maroc a investi 73 millions de dollars en 2011, contre 7 seulement en 2007», ce qui fait un boom de plus de 900%! La rencontre de mercredi dernier à Douala représentait ainsi pour la partie camerounaise une nouvelle occasion, un mois après la tenue de la première journée maroco-camerounaise à Casablanca, dont le ministre du Commerce local, Luc Magloire Mbarga, «garde un souvenir inoubliable». À la recherche d'un allié Pour ce dernier, impressionné à l'évidence par le savoir-faire marocain, s'il estime que «le Cameroun se consomme sans modération», invitant ainsi les opérateurs marocains à venir investir dans le pays, il prévient, dans un humour local brut, qu' il «ne sera pas fait de cadeaux aux fainéants et aux loosers». Il s'adressait forcément aux acteurs économiques camerounais, venus en grand nombre à cette rencontre, puisque côté marocain, la machine est à l'œuvre, comme l'a si bien décrite Benabdallah quelques minutes auparavant. Rappelant le positionnement géographique béni du Maroc, et du fait même qu'il dispose de «23 accords préférentiels pour 55 autres de libre échange avec différents pays de la région et du Monde», Benabdallah entend dire à ses homologues camerounais que le Maroc d'aujourd'hui ne perd pas son temps, ni dans les discours, ni dans les promesses. Preuve en sont les accords de libre échange (ALE) en cours de négociation avec les deux grandes régions, que sont la CEMAC et L'UEMOA. Il se réjouit aussi qu'une transaction de «50 millions d'euros dans la chocolaterie» ait été réalisée par La Compagnie Chérifienne de Chocolat, où Anas Sefrioui avait investi 40 millions d'euros dernièrement et que Maroc Telecom commence à lorgner sur un marché qui compte des millions de consommateurs. Il insiste de fait, sur la nécessité de favoriser «la complémentarité» entre les deux pays. Elle passe, côté camerounais, par le besoin de «développement des infrastructures, la modernisation de l'appareil productif, le développement humain et l'intégration régionale». Pour Benabdallah, cela s'apparente tout simplement à du «benchmark réciproque», d'où le renouvellement de sa demande pour que le Cameroun accompagne efficacement et volontairement le Maroc dans la conclusion des deux ALE encore dans le pipe. Du partenariat au hub Au regard de ce dernier élément, le choix renouvelé par le Cameroun et le Gabon trouve évidemment son explication dans le fait que ces deux économies, prospères au sein de leurs zones, représentent deux locomotives chacunes dans sa région, qui peuvent entraîner avec elles les intérêts du Maroc. Au Gabon, il s'agit en réalité davantage de diplomatie économique et de similitude des choix de schémas de développement adoptés. En effet, à la présentation des atouts du Gabon pour le Maroc en début de semaine, la présidente de l'APEX, l'équivalent de Maroc Export au Gabon, donnait parfois l'impression d'énumérer la stratégie sectorielle adoptée par le Maroc depuis un peu plus d'une décennie maintenant. Au Cameroun, c'est effectivement cette notion de «complémentarité», plus que de similitudes, qui est visée. Comme le rappelle le patron du groupement des PME du Cameroun, Njimafo Pierre, «70% des entreprises des 6 pays de la région ont leur siège au Cameroun». Le Cameroun dispose réellement d'une base et d'une politique industrielle. Mais après de longues années de restructuration économique et bancaire, le pays a besoin de leviers. Ce qui explique pourquoi Benabdallah veut aller «au-delà du partenariat». «Il faut passer aux alliances stratégiques», explique-t-il. Démonstratif autant que pédagogue, il prévient que «cela ne peut se faire qu'avec un développement soutenu». Sa vision en la matière part effectivement du partenariat au développement soutenu, ensuite aux alliances stratégiques, et se conclue par la création d'un hub régional. Benabdallah ne veut pas en fait uniquement échanger avec le Cameroun, il veut fortement que le pays devienne un hub dans sa région, comme le Gabon dans la sienne, comme le Maroc plus au Nord. Il appelle cela du «Partenariat Sûr-Sûr». Une vision est née et est irréversible, quels que soient les aléas, politiques comme naturels. Maâzouz, présent à ses côtés, le confirme. «Le meilleur est à venir, coulé dans du béton et du chocolat». Interview : Dr Njimafo Pierre, président du Groupement interpatronal de la PME-PMI et des artisans du Cameroun (GIPECAM) Les Echos quotidien : À quoi sont dus les problèmes de financement auxquels sont confrontées les entreprises camerounaises ? Dr Njimafo Pierre : Au Cameroun, il y a un vrai problème de financement des importations. Les taux directeurs et les taux d'intérêt, par conséquent, notamment dans la zone CEMAC sont très élevés. Il y a un marché sous-régional qui est très important, organisé autour de plusieurs associations d'importateurs dans tous les secteurs. À ce niveau, et c'est là le second problème, c'est que nos clients dans la région ne paient pas au comptant, créant des problèmes de liquidité. Quelles sont les difficultés qui freinent les activités des PME au Cameroun et dans la région CEMAC ? Il y a bien entendu la question du financement des importations, mais aussi celui des projets immobiliers dont a besoin la région et le pays. Il y a aussi un manque de prise de participations dans le capital des projets lancés par les PME de la région, que souvent elles n'ont pas la capacité de financer en totalité. D'où l'importance des joint-ventures qui seraient très propices pour le développement de la région. Une entreprise marocaine, dans le domaine du BTP et de la construction, peut amener son savoir-faire productif par exemple, notamment des machines, et une autre, camerounaise offrir en contrepartie la matière première... Les partenaires et investisseurs étrangers peuvent être frileux quant à l'opportunité de partenariat avec les entreprises de la région ? Certainement. D'autant que pour les investisseurs étrangers, il y a d'autres limites qui se posent. D'abord, la question de la charte d'investissement, sur laquelle notre groupement a collaboré, mais qui ne deviendra effective qu'en 2014. Puis, le problème qui se pose pour les PME camerounaises, comme pour les investisseurs étrangers, c'est l'applicabilité des textes de loi. L'Etat réclame des fois des impôts d'entreprises installées en zone franche, par exemple. La signature d'un accord de libre-échange, voire de partenariat renforcé, comme celui signé entre Maroc Export et la Chambre de commerce peut-il aider à lever ces freins ou anomalies ? Certainement, pareille convention pourrait lever ces freins à 80%, parce que cela amènera les autorités camerounaises à respecter leurs engagements. Mais c'est surtout l'entrée en vigueur de la charte d'investissement et son applicabilité qui pourraient définitivement résoudre le problème. La charte d'investissement reprend toutes les conventions et traités internationaux signés qui régissent les investissements et leurs garanties. Vous pensez donc que la convention signée ne pourra être efficace qu'à partir de 2014 ? Pas vraiment, pour peu que la convention soit adossée à un accord de coopération économique, afin qu'il n'y ait pas une double imposition des entreprises. C'est le cas avec la France, il devrait en être de même avec le Maroc. C'est un détail technique fiscal qui a beaucoup d'importance, notamment pour nous qui espérons des investissements marocains massifs.