Les hypothèses de base sont posées. Il faut à présent en tisser les contours, en essayant de se rapprocher de la réalité. Au cours du Conseil du gouvernement qui s'est tenu jeudi dernier, Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie et des finances, a en effet présenté les réalisations économiques au premier semestre de l'année, ainsi que les prévisions de base pour 2012. C'est ainsi que la loi de Finances 2012 sera construite autour d'un taux de croissance situé entre 4,7 et 5,2%, un taux d'inflation à 2% et un baril de pétrole à 100 dollars. Décidément, rien n'entame l'optimisme de Mezouar ! Car si ce dernier a bien insisté sur «la nécessité de préserver les acquis relatifs aux équilibres macroéconomiques», les hypothèses que son département a proposées pour 2012 sont excessivement optimistes. Il suffit de revenir sur le budget exploratoire de l'exercice 2012 du Haut commissariat au plan (HCP), et plus récemment les recommandations de la mission du FMI pour le confirmer. Dans sa note du mois de juin dernier, le HCP tablait sur une croissance du produit intérieur brut «à près de 4,5% en volume en 2012», alors même que pour avancer cette estimation, le Haut commissariat au plan ne prenait pas en considération les récentes dégradations de la conjoncture internationale, et les craintes sur la récession qui y sont associées. «La demande extérieure adressée au Maroc serait consolidée en 2012 et devrait s'accroître de 7,6% au lieu de 6,2% en 2011», précisait le HCP en juin. Or, l'hypothèse de croissance présentée par le ministre au Conseil du gouvernement dépasse déjà cette prévision du HCP, devenue optimiste depuis. Les prévisionnistes avançaient en effet des suppositions qui sont aujourd'hui remises en cause. «Les 26 hypothèses retenues pour les indicateurs des échanges extérieurs sont comme suit: une hausse de 7% des transferts des Marocains résidant à l'étranger et des recettes touristiques et 10% d'augmentation pour les investissements directs étrangers (IDE). Le cours moyen du pétrole brut se stabiliserait aux environs de 108 dollars/baril en 2012. En outre, la parité euro-dollar se maintiendrait à 1,4 en 2012», avançaient-ils, et ce, pour déboucher sur un taux de croissance de 4,5% en 2012. Que diraient-ils alors dans les conditions conjoncturelles actuelles ? Consommation intérieure salutaire Même constat s'agissant de l'hypothèse posée sur le taux d'inflation. «L'inflation, mesurée par le prix implicite du PIB, passerait de 1,6% en 2011 à 2,5% en 2012», anticipaient les prévisions du département de Lahlimi en juin dernier, soit cinq points de plus que l'hypothèse posée par le ministre RNIste et ses équipes. Ce qui est également une hypothèse excessivement optimiste. Il faut dire que si l'économie du pays peut compter sur une composante essentielle pour soutenir durablement la croissance par temps de tempête, ce ne sont ni les investissements, ni le commerce extérieur, mais bien la consommation intérieure, dont la contribution représente 50% de la croissance du PIB. Or, l'on compte bien sur l'accélération de la progression de la demande interne, ce qui, selon la logique économique de base, devrait se traduire par l'accélération de la hausse des prix et donc par l'augmentation du taux d'inflation. Une demande interne plus soutenue, encore plus avec les concessions du dialogue social, notamment l'augmentation du Smig, des salaires des fonctionnaires et des pensions, qui vont mécaniquement améliorer le pouvoir d'achat moyen des consommateurs, soutenir la demande face à l'offre, et ainsi induire l'accélération de la hausse des prix à la consommation. Les hypothèses de Mezouar en perdent de leur éclat. En attendant, le ministre s'est félicité des réalisations 2011, qui sont, il est vrai, très respectables. «Le secteur non agricole a réalisé un taux de croissance de plus de 5,1% au premier semestre de l'année en cours», annonce Mezouar lors du Conseil du gouvernement. «La plupart des secteurs d'activité ont affiché une croissance positive, notamment le BTP, qui a connu cette année un rebond de croissance, ainsi que les secteurs exportateurs, notamment ceux les plus touchés par la crise mondiale de 2009», poursuit-il. En revanche, si le gouvernement est bien conscient de la fragilisation des équilibres macroéconomiques, aucune piste n'a été donnée sur la manière avec laquelle le projet de loi de Finances compte combler le trou budgétaire qui s'est creusé. 95 milliards de dirhams en 2012 comme impact sur la masse salariale et les charges de compensation qui seraient de l'ordre de 40 milliards de DH pour l'année prochaine ! Soit les «efforts exceptionnels déployés par le gouvernement» comme qualifiés par Mezouar. Pas d'indications non plus sur l'amenuisement des réserves de change qui constituent un autre motif d'inquiétude majeur. Il faudra certainement attendre la première mouture du projet de loi pour s'enquérir de ses orientations stratégiques, déterminantes pour l'économie de la nation.