Depuis le 6 févier, l'une des figures emblématiques de l'art au Maroc, Malika Agueznay expose, à la Galerie 38, une rétrospective intitulée «Un Parcours, une œuvre». Au programme, peintures, sculptures et gravures de 1968 à nos jours. La première chose qui marque les murs lorsqu'on expose un travail de Malika Agueznay, c'est cette lumière qui se dégage des toiles de la femme qui a marqué le monde de l'art au Maroc. Pionnière de la gravure au Maroc, la lumière provient sûrement de cette passion et de cette implication sans fin, qui sont en elle depuis des années. Lauréate de l'Ecole des beaux arts qu'elle a intégrée en 1966, elle n'a cessé de sillonner le monde pour approfondir ses connaissances. «J'ai toujours été attirée par les formes et les couleurs ainsi que par les formes symboliques comme le losange. Des recherches ont démontré que le losange représentait la femme, le cercle, c'est un peu le fœtus dans son ambiance maternelle, et l'algue pour symboliser la vie. Il y a toujours des symboles», explique la native de Marrakech, qui a puisé son inspiration de l'âme de sa ville, de ses couleurs, de ses gens, de ses oliviers et de ses ruisseaux. Son travail est le reflet d'un «parcours», de rencontres avec l'homme et la nature. Autour de «l'algue» qui symbolise la vie, elle joue sur la couleur pour faire ressortir tout l'optimisme et le bonheur qu'elle dégage, dans un travail sur «Un parcours, une œuvre» que personne ne pourra lui enlever. Les formes, les cercles ou le cycle de la vie, de l'embryon à l'enfance en passant par les méandres de l'adolescence, aux questionnements existentiels de la femme, l'artiste utilise l'algue pour s'exprimer en lui faisant prendre toutes les formes, même les plus improbables, en symbolisant le nu par exemple. Une œuvre qui commence dans les années 70 avec les gravures à New York, jusqu'en 2013, qui traduit une continuité et une modernité, preuve que Malika Agueznay est avant tout avant-gardiste.«À l'époque, à l'Ecole des beaux arts, les professeurs venus de l'étranger voulaient donner une orientation très moderne déjà. Il fallait, après des études classiques et 2 années obligatoires, se mettre à la recherche, étudier les forme et les lignes, cela a donné ça chez moi», explique la plasticienne qui n'a pas pour philosophie que le travail acharné». Il faut travailler tous les jours. L'inspiration pour moi, c'est le travail quotidien, même si ce n'est qu'une heure de concentration et de recherche. Après, il y a des choses qui viennent facilement, certes, mais c'est toujours grâce à une discipline de travail rigoureuse». Cette discipline lui a permis de maîtriser la technique de la gravure et de devenir le premier maître-graveur au Maroc. Elle a découvert cette technique à New York lors d'une formation, qui n'est pas à la portée de tout le monde. «Il faut l'apprendre, on apprivoise un matériau et chaque matériau a ses outils, il faut savoir comment l'attaquer. Il n'y a pas de relève dans la gravure. C'est triste. Il y a 10 ans déjà, on voulait faire un atelier de gravure, mais cela n'a pas abouti. Il faut vraiment aimer ça, c'est un travail difficile et ingrat. Les produits sont parfois nocifs...». Un travail difficile mais passionné qu'elle a voulu transmettre il y a 10 ans en essayant d'ouvrir un atelier de formation à la gravure. Un projet avorté par manque de moyens. «La gravure se perd, il n'y a hélas pas de relève, ce qui manque chez les jeunes, c'est cet enthousiasme et cette audace de faire. À l'époque, nous étions souvent incompris, je me suis souvent entendu dire : «Qu'est-ce que tu fais de ta vie ?», mais ce qui est beau, c'est que ça ne venait jamais du public. Tout le monde est sensible à la couleur et c'est ce qui nous permettait de continuer et d'y croire», continue Malika Agueznay, nostalgique de cette époque où tout était possible et où seul le travail comptait. L'artiste parcourt le temps sans une ride et avec ce sourire et cette énergie qui lui sont propres. Cette révolutionnaire de l'art dans l'art n'oublie pas qu'elle vient de l'époque où l'art était à son apogée au Maroc et où les idées fusaient. Elle, qui donne au noir l'équilibre de la couleur, présente à partir de ce jeudi 6 février : «Un parcours, une œuvre» comme pour boucler la boucle et aspirer à autre chose, un autre thème, une autre envie. «Je m'estime heureuse, j'ai eu beaucoup de chance de tomber à cette époque là parce que c'était une révolution de l'art, une orientation donnée à l'art très contemporaine. Participer avec de grands artistes qui ont fait leur preuve dans la recherche est une chance inouïe. Les heures ne comptaient pas, seul le travail était primordial. C'était une période de renouvellement, on a tracé le chemin pour cette jeune génération. Reste à voir ce qu'ils vont faire».