2,33 milliards de DH, c'est la manne financière que constitueraient les opportunités d'investissement existant dans le secteur touristique national en produits, services et technologies éco-durables. Cette estimation est une conclusion d'une récente étude menée sur le royaume et deux autres pays du sud de la Méditerranée (Egypte et Tunisie), par l'initiative méditerranéenne Best-Med, avec le soutien du programme Invest in Med cofinancé par l'Union européenne. Ce potentiel d'investissement serait surtout favorisé par les conventions signées entre le gouvernement et les opérateurs étrangers et nationaux, portant sur des projets touristiques récemment lancés dans les régions d'Essaouira, Tanger et Marrakech, où l'offre touristique est parmi les plus dynamiques du pays. Pour une capacité d'accueil touristique globale, qui a dépassé le seuil des 175.000 lits pour un parc hôtelier de 582 structures d'hébergement en 2009, le marché des produits et technologies éco-durables ne semble pourtant être qu'à ses premiers balbutiements dans ce pays. Un constat partagé par une source à la Fédération nationale du tourisme (FNT), qui s'empresse de préciser que «le tourisme durable était à l'ordre du jour», hier, lors de la réunion du nouveau patronat touristique présidé par Ali Ghannam. Les détails d'une stratégie dédiée y ont en effet été présentés. Les chercheurs de Best-Med viennent ainsi s'insrire dans le même sens, avançant que «le Maroc a connu un développement tardif des structures touristiques massives». Ces derniers soutiennent ainsi que les grands pôles hôteliers, intégrant les notions de développement durable et de protection de l'environnement dans leurs projets d'investissement, constituent encore «un phénomène récent». Une situation qui est derrière la rareté des chiffres officiels disponibles sur le segment de l'éco-durable touristique. Ces opportunités d'investissement concerneraient quatre filières principales dans le secteur touristique national. Le premier d'entre eux est le marché des énergies renouvelables. Niches Dans ce sens, l'actualité de la récente adoption de la loi sur l'efficacité énergétique ouvre bien des opportunités d'affaires. L'idée est claire : pousser les opérateurs des différents secteurs économiques du pays, dont le tourisme, à prendre en compte les obligations d'économie d'énergie, d'optimisation voire de réduction de la consommation électrique à travers la mise en œuvre des projets d'investissement. Ces derniers devraient ainsi avoir de plus en plus recours aux sources d'énergies propres et renouvelables, allant du photovoltaïque à d'autres installations éoliennes ou hydroélectriques, créant ainsi un marché parallèle des technologies et services éco-durables. Une aubaine qui pourtant semble avoir déjà été sentie, surtout sur le marché de la certification et des écolabels. Le rythme des implantations de bureaux d'étude et d'enseignes spécialisés dans le domaine témoigne des opportunités d'affaires existantes. C'est le cas par exemple de Bureau Veritas, Cap Terre du groupe français Betom ou encore Greefree, un bureau d'étude récemment installé au Maroc et spécialisé dans l'efficacité énergétique. Pour les experts de Best-Med, «parmi les certifications environnementales les plus répandues au Maroc, un rôle important est joué par la Clef Verte. 32 structures d'hébergement sont actuellement certifiées». La deuxième grande niche recelant des opportunités d'investissement est relative aux infrastructures de traitement des eaux usées et des déchets. Ce business existe déjà dans le tourisme local, mais demeure encore peu développé. En général, il n'y a qu'une poignée de grandes enseignes internationales qui intègrent ces aspects dans leurs projets, contraintes de s'aligner aux normes environnementales internationales. À ces deux grandes poches d'activité vient se greffer le marché de la rénovation immobilière, une porte d'entrée pour les fabricants de matériaux de construction. Conditions Un bon business éco-durable ne pourrait toutefois se développer dans le tourisme national sans quelques conditions le favorisant. Parmi ces dernières, les experts de Best-Med placent le cadre institutionnel en tête de liste. Au Maroc, cet aspect est surtout pris en compte au niveau du programme de développement sectoriel de la « Vision 2020 », qui vise principalement une hausse des arrivées touristiques à 20 millions à cette échéance. L'un des quatre axes de cette stratégie repose en effet sur la « durabilité du secteur », qui place le développement durable parmi les priorités (voir article ci-contre). « Le gouvernement marocain a par ailleurs prévu des outils de financement des entreprises visant à encourager la mise en place d'interventions pour la protection de l'environnement et d'un programme (Renovotel) pour le financement des programmes de rénovation des unités hôtelières », explique-t-on dans le rapport de l'organisme de recherche. Par ailleurs, le marché touristique (notamment pour ce qui concerne la demande) et l'existence d'investissements importants prévus, liés aux conditions structurelles et aux équipements du parc hôtelier existant, sont aussi identifiés comme facteurs de promotion de l'offre locale éco-durable dans le secteur touristique. Lire aussi : Les «outils» du tourisme durable Quand la demande devient écolo-exigeante C'est en tout cas ce qui ressort d'une étude présentée récemment en marge du l'IMEX de Francfort - un des événements internationaux les plus réputés du secteur – pour mesurer la sensibilité de la demande touristique aux soucis environnementaux. Le document s'est notamment appesanti sur le tourisme d'affaires. Les résultats de ce baromètre de l'écolo-conscience touristique confirment les tendances vers des critères de choix de plus en plus respectueux de l'environnement. 83% des touristes d'affaires allemands accorderaient une grande importance à la protection de l'environnement dans les hôtels. Ce chiffre serait de 90% chez les Bbritanniques. Par ailleurs, 66% des touristes autrichiens se disent «disposés à payer plus pour les destinations touristiques respectueuses de l'environnement». On remarquera, au passage, que ces trois pays sont parmi les marchés émetteurs les plus dynamiques pour la destination marocaine. Cela pose le problème de l'adaptation de l'offre touristique nationale, à cette demande internationale de plus en plus pointue et difficile à circonscrire ... surtout lorsqu'elle semble bien imprégnée de la tendance green. Par ailleurs, il faudrait aussi remarquer que cette tendance du tourisme «vert» est beaucoup plus présente dans les pays du vieux Continent, par rapport à d'autres marchés, comme le Canada et les Etats-Unis.