La nouvelle circulait depuis belle lurette. Le fondateur du groupe Inditex, Amancio Ortega a passé l'étincelant flambeau du holding, fleuron de l'industrie espagnole à son vice-président et directeur général. Une annonce suivie par les centaines de PMI marocaines dont Inditex est le principal, voire l'unique client. Pablo Isla, qui a pris la relève, compte donner des ailes à la firme espagnole. Lors des annonces des résultats en juin dernier, le prétendant à la présidence a promis de continuer dans cette même ligne «d'innovation et d'avant-garde dans le monde de la mode», qui a fait la réputation du groupe. On ne change pas une stratégie qui gagne. Pour son retrait, le fondateur a misé sur son dauphin Pablo Isla, un avocat de formation, ayant fait ses preuves chez Altadis et Banco Popular et repéré par une entreprise de chasseurs de têtes. Cela fait à peine 6 ans qu'il est au sein du groupe. «C'est le meilleur pour le futur de l'entreprise (...), il combine jeunesse et expérience», l'a loué l'homme le plus riche d'Espagne. Mais Ortega est loin de tourner le dos à son empire, qu'il a tissé, de ses propres mains, au fil des trente dernières années. En l'espace d'une décennie, plusieurs centres de production sont crées et la distribution arrose divers pays européens. Auréolé du succès de son concept, Ortega ouvre la première boutique Zara en 1975 à La Corogne, dans la communauté autonome de Galice. En 1985, le holding Inditex voit le jour. Trois années plus tard, Zara ouvre la première boutique extra-muros à Porto, au Portugal. Depuis, son ascension n'a pas connu de répit. La recette ? Le succès de Zara, le joyau de la couronne Inditex repose sur une stratégie de réactivité et d'innovation. De prime abord, le renouvellement rapide des stocks en boutique. En effet, les livraisons se font chaque mardi et jeudi. Cette stratégie permet de repérer les vêtements qui ont cartonné et ceux qui ont été boudés par les clients. Sans hésitation, les produits peu prisés par la clientèle sont retirés de la vente. C'est principalement grâce à ce business model, visant des sites de production à moins de 24h de l'Espagne et à 48h du reste de l'Europe, que les approvisionnements en provenance du Maroc ont pu tenir la seconde place parmi les fournisseurs du groupe. La production confectionnée au Maroc représente environ 10% du total. Le groupe s'est ainsi constitué comme un donneur d'ordre incontournable pour l'industrie textile nationale, principalement dans la région de Tanger, où les industriels génèrent entre 60 et 70% de leur chiffre d'affaires avec le holding espagnol, sans parler de ceux qui travaillent exclusivement pour lui. Entretenir de bonnes relations avec ses sous-traitants est donc primordial pour la pérénité du modèle de réactivité d'Inditex, notamment dans le volet social. L'impact d'éventuels mouvements sociaux sur la chaine d'approvisionnement étant directs. Le nouveau président a d'ailleurs insisté sur la volonté de la compagnie «d'être un moteur de changement dans les relations syndicales dans les pays partenaires et contribuer à transformer la culture d'entreprise et les conventions collectives dans des pays comme le Maroc ou le Bangladesh». C'est dans ce sens que la multinationale a signé un accord avec l'Association marocaines des l'industries du textile et de l'habillement (Amith) au début du mois de juillet, «garantissant que la production issue des usines marocaines travaillant pour le groupe serait conforme aux lois sociales en vigueur et respecterait l'environnement». De plus, Inditex dispose en espagne d'un gigantesque centre logistique. L'entreprise fait le bonheur de son bâtisseur, mais aussi celui de la place financière madrilène. Coté à l'Ibex 30, elle a multiplié sa cotation durant les trois dernières années. Si au début de la crise, l'action circulait à 30 euros, aujourd'hui elle tutoie le ciel dans un marché qui ne cesse de tituber. Le 8 juillet, elle a cassé le maximum historique défini à 64,48 euros, en atteignant les 65,18 euros l'action. Et comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, en septembre 2010, Inditex a entamé, avec un léger retard, une nouvelle ère dans sa politique d'expansion. Celle du shopping en ligne. Une nouvelle aventure, chapeautée par celui qui deviendra quelques mois plus tard le numéro 1 du géant mondial du textile, Pablo Isa, alors vice-président. Inditex ne fait pas dans la demi-mesure. Un an avant le lancement du service, les employés du groupe ont été appelés à tester l'efficacité du service en tant que clients. Le résultat obtenu a confirmé le bon pari du géant du textile. Les clients optant pour un achat en ligne peuvent échanger ou restituer les produits, à partir de leur domicile ou dans une boutique de leur choix, dans un délai de 30 jours et sans frais additionnels. Le groupe compte lancer ce service aux Etats-Unis le 7 septembre et ambitionne de le généraliser dans toutes les boutiques qu'il compte à travers le monde. Ortega peut s'offrir un repos bien mérité. Un appétit de loup C'est un modèle de réussite qui s'est converti en une fierté nationale. Inditex est présente dans 78 pays et dispose de collaborateurs de 151 nationalités. Industria de diseño textil SA, la première multinationale dans le secteur de la mode ne connaît pas de limite dans sa forte expansion. Elle a, en outre, les moyens de ses ambitions. La dernière ouverture en Australie a permis à la firme d'étendre son empire sur les 5 continents. En 2010, Inditex a ouvert 437 nouvelles boutiques dans le monde. L'empire galicien a clôturé l'exercice précédent avec 5.044 magasins. En pleine récession économique, la firme a augmenté de 13% ses ventes, réalisant ainsi un chiffre d'affaires de 12.527 millions d'euros et un bénéfice net de 1.732 millions d'euros en 2010. Rien que durant le premier semestre 2011, le volume des ventes généré est de 2.960 millions d'euros, soit une hausse de 11% en comparaison avec l'exercice précédent. D'ici la fin de l'année, Inditex compte s'introduire en Afrique du Sud, à Taïwan et au Pérou. Cette année, Inditex table sur l'ouverture d'entre 460 et 550 magasins pour porter le nombre de ses établissements à 5.500 avant la fin de l'année en cours. 110 nouveaux magasins prévus dans ce plan sont d'ores et déjà en service.