À l'heure où le fléau d'une nouvelle crise financière, et partant économique, guette les marchés internationaux, l'économie nationale semble, elle, une nouvelle fois tirer son épingle du jeu. C'est du moins le constat relevé par le Haut commissariat au plan dans sa livraison du mois de juillet. Déjà pour le compte du premier trimestre, le constat des statisticiens ressortait largement optimiste, relevant que l'économie nationale avait enregistré une évolution favorable au premier trimestre 2011 à 4,9%, contre +2% un trimestre plus tôt, profitant notamment de la conjonction d'une reprise de la demande mondiale adressée au Maroc et d'un bon comportement de la demande intérieure. Pour le deuxième trimestre, cette croissance se serait encore accélérée selon le HCP. Ce dernier estime en effet que l'évolution du PIB atteindrait 5%, profitant notamment de l'accélération de la croissance hors agriculture qui aurait atteint 4,7%. «La croissance des activités non agricoles à 4,7% aurait été soutenue par l'orientation favorable de la demande intérieure. Une progression du PIB global de près de 5%, en variation annuelle, est ainsi anticipée», arguent les experts du Haut commissariat au plan. En dépit du risque qui plane sur les principaux partenaires économiques du royaume, l'autorité des statistiques prend à contrepied les observateurs en annonçant des prévisions de croissance positives pour le trimestre en cours. En effet, il est prévu par le département de Lahlimi que la croissance économique reviendrait à un rythme de 5,1% au troisième trimestre. Ceci dit, même si cette analyse ne prend en compte que les données officielles relatives à la demande mondiale adressée au royaume, qui s'avèrent finalement plus optimistes que ce qui se murmure sur les marchés internationaux (voir lesechos.ma), c'est surtout l'amélioration de la demande intérieure qui expliquerait cet optimisme concernant la croissance. L'impact de la hausse des revenus salariaux, dans le sillage des augmentations des salaires prévues dans le cadre du dialogue social, est en effet considéré comme un véritable stimulateur de la demande intérieure, dans le sens où cela est censé donner plus de marge de manœuvre aux ménages dans leur consommation. Les données du deuxième trimestre font déjà état d'une progression de 6,1% suite à la modération des prix à la consommation et une progression de 7,2% des transferts des MRE, à fin mai. Ceci est donc intervenu bien avant la concrétisation des mesures prises dans le cadre du dialogue social. Chose qui ne sera finalement faite que dans les paies de fin juillet/début août, notamment pour les fonctionnaires. C'est d'ailleurs ce qui explique que durant le trimestre en cours, «la consommation des ménages progresserait relativement plus vite qu'au premier semestre à 6,5%», note le HCP. En parallèle, l'avènement du mois de Ramadan dans les prochains jours sera sans conteste l'autre facteur contribuant au renforcement de la consommation. De quoi conforter le HCP dans son optimisme quant à l'impact de la demande intérieure sur les performances de toute l'économie. Ceci étant, cette croissance ne devrait pas profiter à tous les secteurs économiques. En se penchant de plus près sur les prévisions pour le restant de l'année, il ressort en effet que des évolutions mitigées sont à prévoir souvent en raison d'une conjoncture purement sectorielle. Fortunes diverses Agriculture: Le stimulateur historique de la croissance Pour la troisième année consécutive, le secteur agricole répond une nouvelle fois à l'appel pour constituer le véritable stimulateur de la croissance globale de l'économie. En dépit des craintes qui ont pesé sur le rendement du secteur, suite notamment aux pluies hors-saison qu'a connu le royaume et qui s'avèrent fatales dans certains cas pour la récolte, l'optimisme est toujours de mise pour les performances que devraient afficher les primeurs durant le trimestre en cours, voire le restant de l'année. Ainsi, le HCP relève dans sa dernière note de conjoncture que «la contribution positive de la production agricole à la croissance nationale aurait ramené la croissance globale du PIB aux environs de 5% en glissement annuel». Pour l'heure, le HCP se garde de donner ses estimations chiffrées, ni au titre du deuxième trimestre ni du troisième. Néanmoins, les données disponibles jusque-là auprès des principaux acteurs du secteur laissent entrevoir de l'optimisme. Pour cause, la production de la campagne agricole 2010-2011 est estimée à 88 millions de quintaux, en hausse de 18% par rapport à la campagne précédente. De plus, afin d'assurer un bon déroulement de la commercialisation de la récolte nationale, les pouvoirs publics ont relevé le prix référentiel du blé tendre de 280 à 290 DH le quintal, et maintenu la prime de stockage à 15 DH par quinzaine, et celle de blé tendre destinée à la fabrication de la farine libre à 30 DH par quintal. Sans oublier les droits de douane sur le blé tendre, qui ont été portés à 135% à partir de mai dernier et devraient stimuler les écoulements de la production locale. L'ensemble de ces éléments laisse aujourd'hui présager une amélioration de la contribution de l'agriculture à la croissance du pays sur le deuxième semestre de l'année. Pêche: Les céphalopodes à la rescousse Contrairement à l'agriculture, le secteur de la pêche risque aujourd'hui d'être un frein à la croissance du secteur agricole. Certes, le secteur a renoué, au premier trimestre 2011, avec une croissance plus soutenue, après s'être légèrement comprimé fin 2010 (+7,6%, contre -0,7%), mais les données à fin mai font ressortir une baisse de 32,1% qu'il sera difficile de compenser sur les mois à venir. L'espoir repose, dans ce contexte, sur les captures de céphalopodes et de crustacés, dont la part du volume global ne dépasse pas 4%, mais dont la forte valeur ajoutée a toujours été déterminante pour les taux de croissance qu'affiche le secteur de la pêche, malgré la baisse des volumes globaux des captures. À ce titre, il y a lieu de souligner la hausse de 70,3% de la valeur des débarquements des céphalopodes, en raison de leur renchérissement. Les prix moyens de vente de poulpe, de seiche et de calamar se sont en effet accrus de 69,6%, de 56,9% et de 26,1% respectivement à la fin mai. Au même moment, le secteur a connu un accroissement de 10,1% et de 124,7% respectivement en glissement annuel pour les céphalopodes et les crustacés, qui devrait permettre de limiter l'impact de la baisse des captures de poissons pélagiques sur la contribution du secteur à la croissance globale des activités primaires. Tourisme: Il faudra compter sans Décidément, il ne faudra pas compter sur le tourisme pour que le Maroc réalise une bonne croissance cette année. Le constat vient d'être confirmé par le HCP, qui fait montre de pessimisme quant à l'évolution à court terme de l'activité touristique nationale, en dépit des prévisions de l'Organisation mondiale du tourisme, qui tablait sur une croissance de 4 à 5% des arrivées de touristes internationaux. La conjoncture socio-politique nationale et régionale se serait traduite dans ce sens par une baisse de 12,8% des nuitées touristiques globales au deuxième trimestre 2011 en glissement trimestriel selon le HCP. De même, les arrivées des touristes étrangers auraient baissé de 7,9% au cours de la même période. «Tenant compte de ces évolutions, la valeur ajoutée de l'hébergement et de la restauration aurait fléchi de 1,6%», précise le HCP. Au moment où l'ensemble des pays, à part ceux de la région du Moyen-Orient, profitent de la croissance des arrivées de touristes durant la première moitié de l'année, le Maroc devra de son côté prendre son mal en patience et trouver le moyen de compenser la baisse de la contribution de ce secteur à la croissance. Mines: Phosphates, heureusement À voir les performances qu'est en train d'enchaîner l'OCP à l'export, le phosphate continue d'être une véritable locomotive de la croissance pour l'économie nationale. Selon le HCP, au deuxième trimestre 2011, les volumes des exportations de phosphates se seraient améliorés de 20,1%, en variation trimestrielle, contre 12% au cours de la même période une année auparavant. «Les perspectives encore favorables pour le commerce mondial des fertilisants continuent toujours de soutenir les exportations de phosphate brut», souligne le HCP. De ce fait, c'est toute l'activité minière qui se retrouve en pole position des contributeurs à la croissance de l'économie. L'évolution de la valeur ajoutée du secteur est estimée aujourd'hui entre 4 et 5% et devrait maintenir ce cap durant le trimestre en cours, en vue du maintien des cours à la fois des phosphates, mais également des autres produits miniers à des niveaux élevés. Le HCP explique cela par la forte demande enregistrée sur les marchés internationaux, qui s'accompagne par une hausse continue des prix à l'export. Energie: En mode pause L'activité énergétique marque le pas. La valeur ajoutée du secteur a marqué un léger recul durant les premiers mois de l'année principalement en raison de l'environnement international des activités, qui s'est avéré au début de 2011 peu propice à une relance de la production. Ce revirement de tendance du secteur est dû selon le HCP aux faibles performances de la branche électrique, fortement pénalisée par le renchérissement des prix des matières premières, notamment le charbon, ainsi que la baisse progressive des apports des centrales hydrauliques. Dans ces conditions, les importations d'électricité ont confirmé, au premier trimestre 2011, leur nouvelle phase d'expansion, affichant une croissance trimestrielle de 3,8% et qui semble se poursuivre pour les mois suivants. «Au niveau de la branche de raffinage du pétrole, des signes annonciateurs d'une éventuelle atonie des activités ont commencé également à se dessiner», relève le Haut commissariat au plan. À l'origine de ce retournement de tendance, une évolution en dents de scie des ventes locales. En attendant les chiffres officiels du semestre sortant, il y a lieu de noter que les ventes à ce niveau ont enregistré une nouvelle contraction au premier trimestre 2011 (-2,8%, en variation trimestrielle). Industrie: Des hauts et des bas Comme cela a été relevé lors des enquêtes de conjoncture à la fois du HCP et de Bank Al-Maghrib, l'ensemble des activités industrielles ne sont pas logées à la même enseigne en ce qui concerne leur performance. Si un bon nombre de secteurs ont permis d'inscrire la valeur ajoutée industrielle en territoire positif (+0,6%), les branches du textile et du cuir ont enregistré une contreperformance de -4,8%. Néanmoins, le constat de l'augmentation des taux d'utilisation dans le secteur relevé par la banque centrale dans sa dernière enquête laisse prévoir une amélioration des conditions du marché durant les prochains mois, ce qui devrait redonner des couleurs au secteur. Cela n'empêche, la valeur ajoutée industrielle, hors effets saisonniers, a poursuivi son évolution favorable durant le premier trimestre 2011, entamée un an auparavant, en enregistrant une variation trimestrielle de 0,6%. Ce sont les branches «autres industries» et «agroalimentaire» qui ont contribué le plus à cette évolution avec des progressions trimestrielles respectivement de 2,5% et 1,8%. Les industries de la chimie et de la parachimie ont confirmé leur hausse de la fin de l'année 2010 en affichant une progression trimestrielle de 0,8%. Cependant, conformément aux anticipations défavorables des industriels concernant l'évolution de la production et de la demande adressée notamment à l'agroalimentaire et aux industries métallurgiques, la valeur ajoutée industrielle se serait finalement infléchie de 0,4%, au deuxième trimestre.