Depuis le 1er juillet, l'Etat a réduit ses subventions aux produits pétroliers à la pompe, ce qui a entraîné un réajustement des prix du carburant et du gaz domestique. Comme souhaité par les institutions de Bretton Woods (Fonds monétaire international et Banque mondiale), les prix des produits pétroliers à la pompe ont été revus à la hausse sur toute l'étendue du territoire camerounais à la faveur d'un communiqué du gouvernement signé du secrétaire général des services du premier ministre et rendu public le 30 juin dernier. Cette mesure qui est en vigueur depuis le 1er juillet fait passer le prix du litre de super de 569 à 650 FCFA, le litre de gasoil de 520 à 600 FCFA et la bouteille de gaz domestique de 6.000 à 6.500 FCFA. Soit une augmentation respective de 14,23%, 15,38% et 8,53%. Le seul produit qui échappe à cette inflation est le pétrole lampant dont le prix reste inchangé à 350 FCFA le litre. Pour s'expliquer, le gouvernement indique : «ce réajustement répond à la nécessité de prendre en compte l'augmentation continue des cours du pétrole sur le marché international et de réduire la charge toujours plus forte sur le budget de l'Etat de la subvention des prix du carburant qui prive la communauté nationale des ressources nécessaires à la réalisation de nombreux projets sociaux, éducatifs et infrastructurels». Depuis 2008 et les émeutes dites de la faim qui avaient secoué le pays, les prix des hydrocarbures à la pompe avaient été bloqués par un mécanisme de subvention par le budget de l'Etat. «Ce mécanisme a coûté à l'Etat 1.200 MMFCFA (2,4 milliards de dollars), entre 2008 et 2013 et 157 MMFCFA (314 millions de dollars) pour les six premiers mois de l'année en cours», indique le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary. Une situation devenue tellement intenable que l'unique raffinerie de pétrole est au bord du gouffre, ne parvenant plus à payer ses fournisseurs. Dans une communication spéciale sur la question, Issa Tchiroma Bakary fait remarquer que le montant cumulé de ces subventions représente 120% du budget d'investissement public de l'année 2014, cinq fois le budget des travaux publics et quatre fois le budget de l'éducation. Ces réajustements interviennent au lendemain d'une nouvelle mission du FMI au Cameroun au cours de laquelle cette institution a recommandé pour la énième fois au pays de cesser ses subventions aux prix des hydrocarbures. L'argument principal avancé étant que ces subventions profitent essentiellement aux couches aisées de la population, propriétaires de véhicules. Toutefois, Yaoundé dit avoir pris la décision de ces réajustements en toute souveraineté. Indiquant pour preuve le fait que la subvention n'a pas été supprimée, mais réduite de manière «à permettre au budget de l'Etat de mieux la supporter». Ainsi, apprend-on, les caisses de l'Etat continuent de supporter 175 FCFA sur le litre du super, 170 FCFA sur le litre du gasoil, 355 FCFA sur le litre de pétrole lampant et 2.730 FCFA sur la bouteille de gaz domestique. Et comme mesure compensatoire, l'Etat a décidé de réduire de 50% les montants de l'impôt libératoire, de la taxe de stationnement et de la taxe à l'essieu. Il prévoit aussi la revalorisation des salaires des agents publics et du salaire minimum interprofessionnel garanti qui est actuellement le plus bas de l'Afrique centrale. Hélas ! Les populations et la société civile ont mal accueilli cette hausse des prix et trouvent ces compensations insuffisantes. Edouard Yetchang, président d'un syndicat des transporteurs, reproche au gouvernement un manque de concertation avec les autres corps sociaux. L'économiste Dieudonné Essomba redoute une augmentation généralisée des tarifs du transport public et des prix des marchandises sur les marchés. Aussi le ministre du Commerce a-t-il entrepris de faire le tour des marchés des grandes villes pour sensibiliser les commerçants. De son côté, le ministre des Transports a organisé jeudi dernier une réunion avec les syndicats du secteur sans réussir à calmer les esprits. Laissant planer le spectre de la grève de la faim qui, du 25 au 28 février 2008, avait paralysé la quasi-totalité du pays, faisant plusieurs dizaines de victimes au terme d'une violente répression. Etonnante approche Ce qui est le plus étonnant dans la décision que vient de prendre le gouvernement camerounais en ce qui concerne les prix des produits pétroliers à la pompe est l'approche utilisée, beaucoup plus que ne l'est l'augmentation proprement dite des prix. Tous les acteurs sociaux (associations de consommateurs, patronat, syndicats des transporteurs, etc.) sont unanimes aujourd'hui pour dire qu'ils n'ont pas été consultés avant ce réajustement des prix. En effet, ce n'est que jeudi dernier, soit deux jours après l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs, que ces corps sociaux ont été conviés à une réunion pour être invités à contribuer à calmer la tension qui ne cesse de monter au sein de la population depuis l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs. Il eût été pourtant plus efficace d'effectuer cette consultation en amont, ce qui aurait permis à toute la communauté nationale de choisir ensemble la stratégie et le taux d'augmentation qui seraient les plus faciles à digérer par les consommateurs. Par ailleurs, c'est par un banal communiqué que ce réajustement des prix est porté à la connaissance du public. Or, l'information tombe au moment où siège une session ordinaire du Parlement. Aussi se demande-t-on pourquoi un tel projet n'a pas été soumis à l'appréciation des députés et des sénateurs... Il est incontestable qu'une campagne d'explication préalable aurait permis de faire comprendre le bien-fondé de cette mesure aux populations et éviter les remous sociaux que tout le monde redoute maintenant. Thierry Ekouti, Dir. pub - Le Quotidien de l'Economie (Cameroun)