Heerun Ghurburrun Consultant en investissement, trade et développement international, spécialiste de l'Afrique subsaharienne et de l'Océan Indien. Les ECO : Comment appréciez-vous l'évolution de l'environnement africain des affaires ? Heerun Ghurburrun : Je suis convaincu que le continent africain est en train de prendre la bonne direction, notamment en termes de bonne gouvernance économique et d'amélioration de l'environnement des affaires. Dans le rapport «Doing Business 2013» de la Banque mondiale, nous retrouvons beaucoup d'économies africaines dans le club des grands pays réformateurs. Je pense donc que la tendance est déjà bien amorcée sur le continent. . . Il semble toutefois que ces efforts se soient développés à plusieurs vitesses, d'une région à une autre... La plupart des économies francophones du continent, par exemple, ont un «héritage» d'une pratique administrative qui est un peu lourde alors que le système anglo-saxon est généralement plus pragmatique, beaucoup plus porté sur les affaires. Le fait d'apporter ces réformes était donc beaucoup plus simple pour les économies anglophones, comme le Burundi, l'Afrique du Sud ou encore le Ghana. Je pense néanmoins qu'aujourd'hui, au-delà même de ces différences d'approche et de clivages linguistiques, tous les pays du continent ont compris l'importance d'améliorer de façon permanente leur climat des affaires. L'objectif est de rendre les choses plus faciles aux investisseurs, non seulement étrangers, mais surtout locaux. Ces derniers devraient en effet être les premiers bénéficiaires de ces améliorations. Cela est un aspect important sur lequel j'aimerais insister : améliorer le climat des affaires, c'est certes pour attirer les IDE, mais ces réformes doivent surtout et d'abord toucher les opérateurs économiques locaux et les inciter à prendre des risques. Le fait de faciliter les conditions de création d'entreprises par exemple, qui est un des indicateurs pris en compte par le Doing Business, aura ainsi des effets bénéfiques pour l'économie locale avant de profiter aux investisseurs étrangers. Les retombées sont tout à fait partagées et bénéficient aussi au tissu entrepreneurial tant local qu'étranger. Il faut de plus retenir que l'amélioration du cadre des affaires n'est qu'un facteur parmi d'autres. Il en existe bien d'autres portant sur les lois du travail, le niveau des infrastructures, la qualité et la disponibilité de la main d'œuvre, etc. Que pensez-vous des BRICS ? Nous avons souvent tendance à oublier que les relations économiques entre l'Afrique et la Chine, qui est le partenaire le plus important dans ce groupe de pays, ne datent pas d'hier. Si nous remontons un peu l'histoire, on se rend finalement compte que les Chinois se sont toujours intéressés au continent. On en parle peut-être un peu plus aujourd'hui parce que cette présence s'est considérablement développée sur la dernière décennie. Je pense que c'est un partenariat qui est durable. Il est basé sur une approche qui est bien différente de celle des traditionnels partenaires économiques du continent, notamment ceux de l'UE. Il ne faudrait cependant pas tomber dans le jeu des privilèges et des traitements de faveur des uns par rapport aux autres. Je crois que finalement ce qui est important pour le continent, ce sont les opportunités d'ouverture commerciale et de diversification. Il faudrait bien relativiser tout cela. Ce n'est pas parce que les pays émergents ont gagné en importance dans les affaires sur le continent, que les partenaires traditionnels comme l'Union européenne où les Américains sont relégués au second plan. Les gouvernements africains ont désormais la latitude de choisir et de disposer de réelles alternatives dans l'établissement de partenariats qui leur semblent plus avantageux et correspondent aux intérêts économiques du continent africain. . Le deal «infrastructures contre matières premières» est-il soutenable à terme pour l'Afrique ? Il ne faut surtout pas se leurrer : les économies émergentes ont besoin de l'Afrique pour s'approvisionner en matières premières et soutenir leur développement économique. Les croissances de ces pays sont parmi les plus importantes du monde, il faut qu'ils puissent sécuriser leurs approvisionnements. Au Maghreb, les pays membres du Conseil de coopération du Golfe en ont fait une terre d'investissements de gros capitaux. Qu'en pensez-vous ? L'Afrique est un assez grand continent où se développent des affinités commerciales en fonction des blocs régionaux. C'est la raison pour laquelle, justement, nous constatons de plus en plus ces rapprochements entre l'Afrique du Nord et les économies du Golfe. C'est pour cela que je pense qu'il ne faut jamais négliger les aspects culturels dans les relations d'affaires avec le continent. La Chine fait cependant exception : son approche commerciale est beaucoup plus globale. . Croyez-vous au concept de la «colocalisation» ? Le Maroc peut effectivement présenter des avantages commerciaux aux industriels français. De plus, pour la plupart des opérateurs européens, le fait de développer des activités dans ce pays leur est beaucoup plus avantageux que de procéder à des délocalisations lointaines. Le concept de la colocalisation aura plus de facilité à se faire accepter dans le monde français des affaires. Cela, surtout lorsqu'on connaît leur intérêt pour le continent africain.