Les environnements des entreprises sont devenus si complexes et incertains qu'elles ne sont que rarement capables d'avoir elles-mêmes une petite année de visibilité. Le temps vient toujours où le collaborateur, très compétent, a besoin de perspectives, d'un nouvel horizon pour conserver sa motivation. Parler de «gestion des carrières» peut presque prendre aujourd'hui un tour saugrenu, alors que les environnements des entreprises sont devenus si complexes et incertains qu'elles ne sont que rarement capables d'avoir elles-mêmes une petite année de visibilité. Du reste, c'est bien cette réalité qui contribue au malaise ambiant des cadres et des collaborateurs. La problématique de la gestion des carrières est celle du cycle d'investissement des individus – des «talents», dirait-on aujourd'hui – dans leur travail et dans la fonction qu'ils occupent. En effet, lorsqu'une personne prend un nouveau poste, sa motivation est généralement élevée et pour peu que le poste corresponde vraiment à ses vœux, elle fait généralement preuve d'une capacité d'adaptation qui n'est pas sans confiner à un certain enthousiasme. Etant ainsi motivée, cette personne s'investit dans son travail et développe ses compétences professionnelles et personnelles : c'est la phase ascendante de la performance. En règle générale, il s'ensuit une période de stabilité et de plein exercice de ses capacités, la compétence s'affinant à l'usage. En fonction du type d'activité, cette période de stabilité peut être plus ou moins longue. Mais le temps vient toujours où la personne, très compétente et toujours motivée, a besoin de perspectives, d'un nouvel horizon pour conserver sa motivation initiale. Il est en effet difficile de trouver indéfiniment en soi-même ou dans sa seule pratique professionnelle – sauf cas de culture «métier» très spécifique – des ressources d'investissement renouvelées ! Les habitudes s'installent et, avec elles, la lassitude gagne les longues journées. C'est bien la difficulté : en l'absence de perspective, la démotivation progressive entraîne une démobilisation et, peu à peu, ce sont les compétences elles-mêmes qui finissent par s'éroder. Inéluctablement, cette spirale conduit à ce que la personne apparaisse comme désinvestie et en perte de vitesse. Le mauvais stress survient alors et mine ce qui restait d'énergie. Le risque de sortie de l'entreprise est alors important. Un talent est gâché. La compétence étant en renouvellement permanent, elle exige une réelle motivation pour ne pas s'éroder. Compétence et motivation sont en interaction. Certes, la personne elle-même prend une part active à la gestion de sa carrière ; ce n'est plus la seule affaire d'une «direction du personnel», comme on disait autrefois ! Et au demeurant, c'est bien une vraie problématique de fidélisation pour les entreprises, car nombre de cadres gèrent leur carrière en changeant d'entreprise lorsque cette dernière n'a plus rien à leur offrir en termes d'évolution ou de développement de potentiel. L'un des enjeux majeurs de la gestion des carrières, pour une entreprise, consiste donc à savoir redonner des perspectives aux collaborateurs au bon moment. Il est parfois bon d'enfoncer à nouveau les portes ouvertes.