La première édition du concours «New Moroccan Talent» a permis à trois jeunes créateurs du Maroc de briller à l'international. À l'initiative de l'AMC Mode, le tremplin a permis à Laetitia Decamps, Ali Drissi et Siham El Amri de gagner leur ticket pour Londres afin de représenter le pays à l'«International Fashion Showcase» pendant la Fashion Week de Londres. Un concours pour trouver la solution aux soucis de la création au Maroc. Il fallait juste y penser et Joseph Ouachen l'a fait. Aujourd'hui directeur de l'association, il est autodidacte et issu des quartiers populaires de Casablanca avec pour seul leitmotiv : rêver toujours et encore. Photographe et passionné de street art, il se fait un réseau dans la mode, participe aux plus grands évènements et pour avoir plus de légitimité, prend les rênes de l'association AMC Mode pour enfin se permettre de faire du concret. «L'idée du concours est parti du constat que les créateurs marocains ont le talent, mais n'ont ni le financement, ni la formation et l'accompagnement, ni visibilité internationale. C'est un concours qui est du sur-mesure pour le Maroc. Avec ce concours, on leur donne la possibilité d'avoir les trois en même temps», explique Joseph Ouachen, directeur de l'Amc Mode, qui voulait aider ses amis et son entourage à devenir professionnels. Il s'approche du British Council et de l'Institut Goethe, de la Maison méditerranéenne des métiers de la mode et de l'Ecole Casa Moda Academy afin de réaliser cette première édition, qui permet à 12 candidats de présenter leur travail devant un jury international de professionnels. Chaque candidat a présenté ce vendredi 17 octobre une silhouette, sa collection et son univers, passés sous le crible des professionnels. À l'issue de la compétition, trois gagnants remportent un financement pour leur collection, un accompagnement pendant 3 mois et une présentation de cette collection à l'International Fashion Showcase pendant la Fashion Week de Londres en février 2015. Ils ont déjà mis le pied dans le plan puisqu'au lendemain de l'annonce des gagnants, ils ont bénéficié d'une séance de coaching pour voir leurs points forts et leurs points faibles afin de préparer leur installation de février à Londres. Un accompagnement qui se poursuivra jusqu'à l'évènement en question. Une aubaine pour les créateurs qui voient leurs projets personnels monter d'un cran, un rêve devenir réalité. Une philosophie que Joseph Ouachen connaît bien. «Je me suis toujours permis de rêver. Je n'ai jamais limité mes rêves. La passion, la persévérance et le rêve m'ont sauvé». Ce qui a sauvé également Laetitia Décamps, premier prix, Ali Drissi, second prix et Siham El Amri, troisième prix. Le dressing enchanté de Laetitia Décamps Créatrice à la touche particulière et à l'âme d'enfant, Laetitia Decamps participe au New Moroccan Talent pour partager son univers de contes de fées et de capuches avec le public marocain et international. Après des études de Marketing et de design, la franco-marocaine décide de rejoindre sa mère au Maroc pour créer sa marque : «Capuche», à mi-chemin entre le monde réel et le monde des contes de fées, où l'on se permet de rêver dans un vêtement qui nous projette dans un monde parallèle tout en gardant les pieds sur terre. Pour le concours, elle présente une robe avec de la fourrure sur les épaules, une robe capée qui pourrait être portée par une héroine de Disney ou un acteur de Game of Thrones comme par une Marocaine lambda dans les rues de Casablanca. «Mes vêtements font à la fois référence à l'ambiance féérique des forêts enchantées ou des super-héros, mais qui peuvent se fondre dans le monde réel. Ils se marient dans le monde de tous les jours», explique la créatrice, qui souhaite à travers son vêtement véhiculer des émotions perdues et apporter de l'imaginaire dans la rue, tout en se sentant enfant avec des vêtements qui incarnent toujours un personnage comme la cape de Sherlock Holmes ou la robe inspirée de «La reine des glaces». «J'aimerai que l'adulte puisse ressentir cet émerveillement qu'on perd quand on grandit, vivre l'émotion que l'on ne connaît pas qui est celle de la science-fiction». Toujours dans un monde où l'imaginaire est le héros, Laetitia travaille beaucoup sur l'existant et puise son inspiration dans le tissu qu'elle va trouver. À Londres, en février, elle souhaite faire vivre une expérience inédite au public. «Une expérience qui n'aurait pas été possible sans l'Amc Mode », conclue la jeune styliste. Ali Drissi rue vers l'art Ceux qui le connaissent n'y croient presque pas puisque ce passionné de mode depuis toujours s'est réellement lancé dans une collection il y a à peine 8 mois. Encouragé par Anna Kaona, qui expose ses premières tenues et qui croit en lui dès la première, il se retrouve deuxième d'un concours qui le mène à Londres. Une ville inspirante pour un créateur sensible à la beauté de Rome et la sophistication de Paris, qui le mènent à tomber amoureux du pop art, un thème porte-bonheur qui lui ouvre les portes du rêve. Ali Drissi, passionné de photographie et de peinture continue sa quête dans cet univers tout en étant ouvert à d'autres influences. Son but ultime est de proposer à la femme un vêtement «impactant, raffiné et couture en sortant du carcan habituel pour aller plus vers le graphique». Une démarche presque naturelle chez ce passionné de 30 ans qui explique que le processus créatif demeure cependant complexe. «Il arrive que j'ai le coup de foudre pour une matière qui me renvoie directement à mon humeur créative du moment». Et le mood du moment s'appelle London ! Une porte qui lui permettra d'approcher, il l'espère les industriels encore fermés aux créateurs du pays. «J'aimerai que les associations nous permettent de collaborer avec les industriels et de signer des collections. Nous ne sommes pas qu'une simple main-d'œuvre pas chère. Nous pouvons être dans la création qui s'exporte !». Siham El Amri en mode politico-sociale Celle qui obtient la troisième position n'a pas sa langue dans la poche. Pour elle, la mode est un moyen d'expression en bonne et due forme. Siham El Amri utilise l'homme pour s'exprimer, il est à la fois vintage et dandy. Elle utilise l'imprimé à foison en relation avec son thème de prédilection : la marionnette. «Mon message est social et politique, je veux exprimer la perte de repères de l'homme dans le temps et l'espace de nos jours», explique la créatrice qui est convaincu qu'on ne peut pas délier la mode de ce qui se passe dans le monde, puisqu'elle a toujours eu un rôle politique et social. Après un cursus à Casa Moda Academy où elle découvre la maille, la chaîne, la trame et les chaussures, elle crée avec un groupe un nouveau concept mode «Accstore» et décroche le prix d'exception dans le cadre du projet «fabrikamode» organisé par le British Council, la Brighton University et l'AMITH. Aujourd'hui Siham El Amri gagne son ticket pour Londres, ville qu'elle connaît déjà pour y être allée dans le cadre de son cursus scolaire à la Casa Moda Academy, mais cette fois les choses sont différentes : «Je présente ma collection pour voir la réaction en direct du public, c'est merveilleux». Un joli message de paix pour cette collectionneuse vintage. En somme, les trois nouvelles griffes de la mode représenteront le Maroc en février avec une âme d'enfant, qu'il s'agisse du Petit chaperon rouge, d'Arlequin ou encore de Pinocchio, Londres n'est plus un conte de fée, mais bel et bien une réalité...