Adil Bennani Directeur général de Toyota du Maroc Les ECO : Quelle lecture faites-vous du marché automobile national en 2014 et quel bilan commercial dressez-vous pour Toyota du Maroc ? Adil Bennani : Au terme d'une année, économiquement, en demi-teinte et chiffrée, selon les statistiques du CMC à 2,9 % de croissance du PIB, le marché national des véhicules neufs a terminé l'année de façon, disons, médiocre avec 1% de hausse à un peu plus de 122.000 unités vendues. Dans ce volume, on note surtout une valeur moyenne d'achat (Ndlr : prix moyen des véhicules) en baisse. Cela veut dire que les Marocains dépensent moins dans leurs voitures, mais pas forcément qu'ils roulent dans de plus petites voitures ou des modèles moins bien équipés. En fait, il y a une telle pression sur les prix, qu'en moyenne et dans certains cas, il a été possible d'avoir en 2014 un même modèle qui existait en 2013, mais à un tarif en baisse d'environ 7%. On a vu aussi de nouvelles versions d'accès plus dépouillées apparaître sur le marché pour pouvoir proposer des prix d'attaque inférieurs.À partir de là, beaucoup de lectures peuvent être faites à la fois et notamment que les importateurs font encore plus d'efforts sur les prix, que les marges s'amenuisent, mais aussi que la demande baisse. Tout cela est très représentatif de la demande et invite à se poser pas mal de questions sur l'évolution du marché dans les cinq années à venir. En ce qui nous concerne, l'année 2014 a confirmé le retour de Toyota du Maroc, avec plus de 5.100 ventes réalisées, soit une croissance de plus 30% au global et presque 70% sur les ventes de voitures particulières. Ce regain s'explique par les efforts des équipes mais aussi par le renouvellement de trois modèles à savoir, la Corolla, le Rav4 et l'Auris, qui ont ensuite été bien repositionnés, grâce à un effort conjoint entre le constructeur, nous-mêmes permis par une conjoncture de change favorable et notamment un meilleur taux de change pour le yen. Comment voyez-vous le marché en 2015 ? Je pense que le marché du neuf sera cette année meilleur qu'en 2014 et ce, pour un certain nombre de raisons. D'abord, parce que le contexte mondial est positif, avec un marché automobile américain en croissance et une Europe en passe de sortir du marasme, tandis que l'Inde, la Chine et le Japon se portent bien également. Du coup, nous allons évoluer dans une conjoncture économique favorable, sauf conflit armé grave. Ensuite, il y a la baisse du coût de l'énergie et des prix des carburants, qui va faire que dans des pays comme le Maroc, nous devrions assister à une année où l'Etat pourrait soutenir encore plus l'économie. Troisième élément, la bonne pluviométrie avec une bonne saison agricole en perspective, ce qui devrait d'une part, encourager le moral des ménages et des acheteurs, puis d'autre part, encourager les agriculteurs à l'achat de pick-up... et c'est tant mieux pour nous ! Par ailleurs, la récente amnistie fiscale devrait aussi contribuer à tout cela, puisque sur les 29 milliards de dirhams, une partie d'environ 2 milliards de DH en cash en dirhams pourrait être investie par ses détenteurs, ce qui devrait profiter à l'immobilier et aussi à l'automobile. Tous ces facteurs devraient permettre au marché de la voiture neuve d'être en hausse en 2015, avec, selon mes propres estimations, une croissance de 4 à 5% et cela, indépendamment de tout épiphénomène du type, marché des taxis. À votre avis, que faudrait-il pour que le marché décolle réellement vers un seuil plus élevé comme 200.000 ventes annuelles ? Il faut instaurer une limite d'âge pour les véhicules destinés à un usage de circulation, à l'inverse de ceux dits de collection. Si l'on met à la casse une bonne partie, la plus vétuste du parc automobile national, ceux qui sont concernés achèteront des voitures d'occasion, mais aussi des véhicules neufs. Pour cela, il faut une prime à la casse et nous sommes en train de travailler sur un mécanisme dans ce sens, quitte à ce que nous, opérateurs du secteur, la co-payions avec le gouvernement. Dès lors, on se retrouvera avec un marché automobile (Ndlr : ventes de voitures neuves) plus important, puis surtout et parallèlement un parc plus jeune.Il faudrait aussi travailler sur des mécanismes d'extension du crédit vers des populations qui ont des revenus, mais qui sont aujourd'hui en dehors du secteur bancaire Quelles seront les nouveautés lancées dans la gamme Toyota cette année ? En 2015, nous allons surtout mettre l'accent sur la gamme actuelle, avec comme principale nouveauté, une version légèrement restylée de l'Auris. Nous aurons aussi deux nouveaux modèles phares, prévus pour le quatrième trimestre, mais non encore révélés par le constructeur. Au vu des bons chiffres enregistrés par la quasi-totalité des marques premium en 2014, le lancement de Lexus au Maroc ne devient-il pas d'actualité ? Les marques premium ont certes crû l'an dernier, mais leurs volumes ne sont pas non plus euphoriques. Il est vrai aussi que ce segment, qui est d'ailleurs très chahuté, a connu une croissance bien plus soutenue que le reste du marché. Cela dit, c'est aussi un segment qui suit la tendance du marché, avec une diéselisation à près de 98%. Or, Lexus n'a plus de diesel. Maintenant, même si nous sommes dans un contexte où le prix du sans-plomb est en baisse, je pense que ce n'est pas encore le moment vraiment opportun pour lancer une marque comme Lexus qui, elle, est surtout orientée vers la technologie hybride. Cela étant, l'introduction de Lexus au Maroc reste à l'étude et finira bien par aboutir. Qu'en est-il du décollage toujours attendu de l'automobile hybride ? Aujourd'hui, la voiture hybride ne peut être plébiscitée que s'il y a une réelle volonté étatique. En l'absence d'une politique gouvernementale incitative dans le domaine des transports, ni l'hybride, ni l'électrique ne pourraient vraiment exister sur le marché. D'où l'importance d'avoir une législation plus favorable pour les véhicules à faible consommation de carburant ou à basses émissions de CO2 et ce, à travers divers mécanismes bientôt à l'étude avec les pouvoirs publics.