Du 18 au 23 avril, le festival Jazzablanca sera de retour à l'hippodrome de Casablanca pour une 10e édition passionnée et enthousiaste. L'événement musical de Casablanca commence à dévoiler ses têtes d'affiche, à savoir Charlie Winston, Keziah Jones ou encore Anouar Brahem et ce n'est pas tout. Le promoteur du festival Moulay Ahmed Alami explique ses choix. Lorsque l'on aborde le Festival du Jazzablanca, que l'on connaît, quand on l'aime et quand on l'attend avec impatience, il est difficile de ne pas s'emporter lorsque les couacs de l'événement vous empêchent d'assister aux concerts en toute tranquillité. Des failles au niveau de l'organisation, un public VIP pas toujours connaisseur et respectueux vous poussent forcément à critiquer et à pousser quelques gueulantes, mais lorsqu'on se retrouve nez à nez avec l'organisation, on se sent un peu coupable d'avoir été aussi exigeants lorsque l'on sait quel calvaire les entreprises culturelles vivent au jour le jour pour sauver la culture au Maroc. «Dans une ville comme Casablanca, nous n'avons que deux festivals par an, le Jazzablanca et L'Boulevard», rappelle Moulay Ahmed Alami, promoteur et producteur du festival. «Même si je voulais arrêter, je ne pourrai pas», confiet-il tout en rappellant que l'édition de 2013 a fait 3MDH de pertes, l'édition de l'année dernière «seulement» 1 MDH et espère que cette année sera rentable. Ruée vers l'or ou vers l'art ? Plutôt vers l'art à en croire les dires de Moulay Ahmed Alami dont le deuxième objectif est de devenir rentable. Le premier est d'installer le festival et de le faire connaître. Mission accomplie. En effet, le festival fait salle comble même pour les concerts «découverte». Même si le suspens demeure jusqu'à la dernière minute. «À quelques semaines du festival, très peu de places sont vendues, tout s'achète à la dernière minute. Même les sponsors signent à la dernière minute». Une question de mentalité puisque le Marocain ne se projette pas des mois à l'avance. En voyant l'effervescence quelques jours après autour des concerts, le public est en ébullition et tout doit être géré à la va-vite. «On m'appelle la veille, le jour même pour des places alors que c'est silence radio pendant toute la période de la préparation», explique celui qui a repris le festival il y a deux ans en l'éloignant du jazz tout en restant qualitatif pour drainer plus de monde et toucher plus de personnes. «C'est un équilibre à trouver entre des artistes qui ont un nom, une présence sur scène, qui vont animer, mettre de l'ambiance et ceux qui sont plus calmes, mais qui proposent un projet de toute beauté». Jongler avec une programmation à la fois qualitative tout en s'éloignant du commercial, il faut l'assumer. Surtout quand on décide d'opter pour une entreprise privée et non une association. «C'est plus facile d'être une association pour tous les fonds européens et les aides de la part des ministères. Même si le ministère de la Culture a fait des efforts à ce niveau là. Le ministère de l'Intérieur est encore loin du compte», avoue le promoteur qui ne peut s'empêcher de penser au modèle économique européen. «Ils consacrent 3-4% des investissements publics à des investissements culturels qui apportent plus d'emploi que l'automobile, plus d'emploi que plusieurs autre secteurs où on accepte d'injecter des milliards». Quand le Maroc aura pris conscience que la culture rapporte et qu'elle crée de l'emploi, le pays aura tout compris... Un menu alléchant Même avec tous ces obstacles à la culture, le Jazzablanca continue de se battre. Seul ou entouré de deux ou trois collaborateurs, Moulay Ahmed Alami se retrouve à gérer une équipe de 50 personnes à 10 jours du festival. Avec un budget de 6MDH dont 48% aux cachets des artistes, le festival n'est pas rentable à ce jour. Cela n'empêche pas le promoteur de penser aux artistes qu'il rêve de voir se produire à Casablanca et ne se prive surtout pas. Il avoue avoir contacté pour cette année Sade, Simply Red et Tracy Chapman. «Ce ne sera pas possible cette année mais peut être l'année prochaine...J'ai d'ailleurs deux artistes prévus pour l'édition prochaine déjà», s'enthousiaste Moulay Ahmed Alami qui ne nous lâchera pas. Il avoue qu'il n'a pas encore de tête d'affiche pour cette année mais a plusieurs propositions. En sachant que Keziah Jones, Charlie Winston et Anouar Brahem ont déjà été annoncés, le public peut être optimiste car le Jazzablanca ne lésine pas sur la qualité des artistes. La scène internationale est importante mais pas seulement puisque l'entreprise culturelle souhaite créer un label afin d'exporter la musique locale à l'international comme ce qui a commencé à être fait l'année dernière avec le saxophoniste Otman Khaloufi qui mixe Chaabi et Jazz, produit par Hakim Lahlou. «Il y a beaucoup de choses à faire avec les jeunes mais aussi avec les artistes marocains qui veulent essayer autre chose, proposer de nouvelles choses. Mais il faut trouver le financement, inciter les gens à venir», explique celui qui veut faire connaître son festival à l'étranger a posteriori. En attendant la scène des Nations Unies s'appellera scène BMCI cette année, il n'y aura pas de parade d'inauguration mais les mélomanes pourront courir s'inscrire à des masterclass, nouveauté de cette édition. En effet, le grand musicien Anouar Brahem va donner un cours où l'échange et le partage seront les maîtres-mots. En somme, longue vie à la culture et aux festivals surtout quand ils sont en voie de disparation à Casablanca...Rendez-vous pour des moments de musique le 18 avril.