La nouvelle Constitution a été adoptée à une large majorité. Ça, c'est un fait indéniable, indubitable et indiscutable. C'est pour cela que je ne reviendrai ni sur le taux extraordinairement plébiscitaire par lequel il a été acclamé, ni sur la fiabilité des chiffres franchement très généreux de participation, ni encore sur les manières médiévales qui ont été parfois utilisées, et bien inutilement, pour convaincre les récalcitrants et/ou les paresseux à aller voter... oui. Comme dirait l'autre, ce qui est fait est fait. Tournons cette page si brouillonne, et mettons-nous tous et toutes à en écrire une autre, et bien d'autres ensuite, mais en prenant cette fois-ci le soin de prendre tout notre temps, afin de ne pas répéter les redites, de ne pas refaire les mêmes fautes, d'éviter de faire trop de ratés pour éviter de faire trop de ratures, ou des taches moches que nous serions encore obligés d'enlever, et partant, de faire des trous disgracieux. Bref, nous devons faire preuve de plus de sérieux, de plus d'assiduité, de plus de discipline, de plus de créativité, et surtout, par-dessus tout, de plus d'honnêteté, autrement dit, de plus d'éthique, même si, comme on le dit souvent, éthique et politique n'ont jamais fait bon ménage. À ce propos – quelle drôle de transition ! – c'est maintenant ou jamais qu'il faut faire le grand ménage. Je ne vais pas aller par 98,50 chemins - que je vais arrondir, moi aussi, par générosité, à 99 – et je vais dire tout haut ce que beaucoup de gens de là-haut n'ont pas du tout envie d'entendre : vous nous avez cassé les oreilles, en clamant que la nouvelle Constitution allait tout changer, alors à la bonne heure ! Soyez cohérents et donnez l'exemple ! Levez-vous et cédez votre place, aussi confortable et rentable soit-elle, à cette jeune relève qui frappe à vos portes depuis des lustres et qui risque de vieillir comme vous à force d'attendre. Je vous dis cela parce que je constate – et je ne suis pas le seul – que depuis que ce vent de changement a soufflé avec bonheur et fraîcheur, entre autres, sur ce pays béni, ceux qui ont dirigé depuis de longues années de mains de maîtres et, souvent aussi, de mains d'apprentis («Apprenez votre métier,ô coiffeurs, sur la tête des orphelins») il est vraiment temps qu'ils comprennent qu'on ne peut pas faire du nouveau avec de l'ancien ou du jeune avec du vieux. Je ne peux pas être plus clair. Maintenant, si vous tenez absolument à ce que je cite des noms, je peux le faire, mais je pense très sérieusement que je n'en ai pas besoin, car vous avez certainement reconnu tous ces vieillards mais, également, tous ces ringards – car, ce n'est pas toujours une question d'âge – qu'on n'a que trop vus, et que trop entendus. Vous avez sûrement, comme moi, re-vu et ré-entendu certains, encore ces tout derniers jours, nous rabâcher les mêmes sottises grosses comme leurs petites têtes, alors que nous sommes censés avoir dit adieu au passé. Qui n'a pas appris avec frayeur les propos d'un ex-ministre haut en couleurs, qui a disjoncté à Taza - la veille du suffrage ! - en s'attaquant publiquement à un des plus grands symboles des années de plomb, qu'on nous dit définitivement enterrées ?!? Si celui-là, par exemple, revient, je vous jure que je m'exile. Je ne vous cache pas que je les revois parfois dans mes rêves. Moi qui, depuis ma tendre enfance, ne rêvais que de fleurs, d'oiseaux et de papillons, et, plus tard, c'est un peu normal, de superbes créatures, depuis samedi dernier - premier jour de la nouvelle ère nouvellement constituée - j'ai commencé à faire des cauchemars. Oui, mes chers amis, dès que je pose ma tête pleine à craquer sur mon oreiller, je les vois défiler les uns après les autres : l'un sénile et édenté, criant à qui veut l'entendre qu'il veut faire du Maroc le plus vieux pays du monde, l'autre encore jeune et tout acnéique, tenant une longue canne sous forme de langue de bois, et s'égosillant à faire répéter à une foule en délire que l'année est belle et que lui est désormais éternel... Dès que je les reconnais, je me réveille et je ne peux plus me rendormir. Je me mets alors à réfléchir comment faire pour que tous ces anciens et nouveaux combattants et leurs pendants composés de profiteurs, de suiveurs, de re-tourneurs et bien d'autres «mimeurs», qui se reconnaîtront, comment faire, m'interrogé-je, pour qu'à l'aune d'une époque qu'on nous chante nouvelle - et qu'est-ce qu'on aimerait y croire ! - ils disparaissent une fois pour toutes de nos yeux et, surtout, on l'espère, qu'ils ne s'occupent plus jamais de nous et de nos affaires. Dites amen. En attendant, je vous dis bon week-end, vivement le changement et vivement vendredi prochain.