Par un heureux ou malencontreux hasard – cela dépend sous quel angle on se place – cette chronique paraît en ce grand jour que tout le monde ici dit historique, chose d'ailleurs que je ne saurais ou ne pourrais ne pas croire. Mais de ce fait – si je pensais autrement, j'aurais dit «de cette fête» – de ce fait donc, je ne voudrais en aucun cas jouer les trouble-fête, non pas que j'aurais une quelconque crainte – de quoi aurais-je peur à la veille de lendemains qu'on nous promet encore meilleurs ? – mais, juste par respect pour celles et ceux qui vont voter, et je sais, comme vous toutes et vous tous, qu'ils vont être innombrablement nombreuses et nombreux, et, comme dirait l'autre, c'est tant mieux. En effet, je suis trop respectueux des règles démocratiques telles qu'elles sont universellement admises, mais pas toujours acquises, pour oser les perturber avec mes tortures sémantiques habituelles. En plus, tout mot à l'endroit et à l'envers pourrait être interprété comme une volonté insidieuse de ma part de vouloir vous influencer, le jour du vote, dans un sens ou dans un autre, voire, ce qui serait bien pire, dans l'autre vilain «autre». Par conséquent, je vais vous laisser accomplir – ou pas accomplir, puisque c'est vous qui voyez – votre devoir national à votre aise et à votre guise. Pour ma part, je ferai ce qui me paraîtra le plus adéquat, quoique, entre nous, je ne sais pas encore quoi. Toujours est-il que, comme sûrement tout un chacun, je me projette déjà dans l'avenir radieux qu'on nous a tant vanté ces derniers jours, et je brûle d'envie de sauter vendredi pour me retrouver déjà samedi, 1e jour de la nouvelle et superbe ère promise à tous ceux et toutes celles qui auront voté pour. Le comble de la chance, ou du paradoxe, c'est que vont aussi en profiter celles et ceux qui, les maladroits, auront voté contre, et, mieux encore, ces affreux radicaux et ces affreuses radicales qui, au péril de leur destin, auront boudé le festin et seront restés chez eux à se morfondre à force de tout rejeter et, parfois, de tout confondre. Cela étant dit, et comme je le dis souvent, chacun fait ce qu'il veut, et si quelqu'un préfère l'enfer au paradis, c'est le problème de personne, c'est juste le sien. Donc, si vous êtes d'accord, et pour les raisons un peu confuses que je viens de vous développer, je ne vais pas vous parler aujourd'hui ni de nouvelle Constitution, ni de nouvelles réformes, ni de lendemains qui chantent. Je vous promets cependant d'y revenir, si j'en ai envie, dès le prochain vendredi, même s'il y a de fortes chances que je sois en train de bronzer quelque part, car, vraiment, il n'y a pas que les jolis articles de la Constitution dans la vie. Alors, parlons d'autre chose ! Essayons de voir ce qui passe dans l'actualité, et jetons un coup d'œil chez notre vénérable agence officielle tout récemment honorée d'un tout nouveau directeur général que je salue et que je re-félicite au passage. Je vais vous lire, un peu au hasard, quelques titres de dépêches : «La nouvelle Constitution consacre la séparation des pouvoirs et un renforcement des prérogatives du Parlement (APS)», «Projet de Constitution : l'article 28 rend ‘caduques' toutes les restrictions à la liberté de la presse (SNPM)», «La nouvelle Constitution met le Maroc sur les rails du changement démocratique (responsable USFP)», «Une armature de droits et de libertés qui confère à la Constitution une dimension novatrice», «Des acteurs religieux, associatifs et professionnels appellent à voter ‘Oui'au référendum constitutionnel»... Et, enfin, deux petites touches internationales : «Le Royaume-Uni se félicite des réformes constitutionnelles menées au Maroc» et, la dernière et la meilleure, «Un journaliste espagnol critique l'acharnement des médias espagnols contre le Maroc et sa réforme constitutionnelle». Je vous assure que tout ce que vous venez de lire est vraiment vrai, et que c'est presque tout ce que j'ai trouvé chez eux. Alors, pour ne pas vous décevoir, je suis allé ailleurs, et j'ai découvert une info qui va sûrement vous faire plaisir : «Les premières sections en 2 x 3 voies de l'autoroute Casablanca-Rabat seront ouvertes à la circulation à partir de demain». Ouf ! Il était temps. Franchement, personnellement, c'est seulement après avoir lu ça que je me suis convaincu que nous sommes réellement sur le bon chemin. À moins qu'ils ne se mettent, encore, à le re-goudronner. En attendant de voir de visu ces fameux lendemains radieux, je vous souhaite un bon week-end citoyen, et vous dis, quand même, vivement le changement et vivement vendredi prochain.