Si pour Benkirane, le pouvoir d'achat reste toujours intact et que le gouvernement ne veut pas être alarmiste devant quelques indicateurs, les représentants de l'opposition fustigent la fuite en avant de l'Exécutif dans ce dossier et l'absence de toute démarche participative. La première séance mensuelle de la session d'automne réservée au chef de gouvernement a confirmé que la question de la protection du pouvoir d'achat est toujours prise en otage par les divergences de points de vue entre la majorité et l'opposition parlementaire. Si pour Benkirane le pouvoir d'achat reste toujours intact et que le gouvernement ne veut pas être alarmiste devant quelques indicateurs, les représentants de l'opposition fustigent la fuite en avant de l'Exécutif dans ce dossier et l'absence de toute démarche participative. «Le régime de la compensation est devenu un réel danger pour le modèle solidariste marocain et des difficultés pratiques pour le ciblage se dressent toujours», a indiqué le chef de gouvernement au cours de son exposé devant les députés, hier. «50MMDH ont été débloqués dans le cadre de la concrétisation des engagements issus du dialogue social durant la période 2012-2014 et 7,5MMDH seront affectés en 2015 aux promotions des fonctionnaires», a ajouté Benkirane, qui a listé les mesures prises pour le soutien des produits les plus consommés par les ménages, essentiellement le gaz butane, le blé tendre et l'électricité. Le chef de gouvernement a dû aussi répondre aux remarques émises par les membres de l'opposition avec la même virulence, devenue habituelle lors de ses divers passages au Parlement. Le bilan d'étape de la réforme de la caisse est resté, malgré tout, durant cette séance inévitablement voué à faire l'objet d'une lecture fortement partisane. Pour Rachid El Abdi, député du PAM : «Il y a plusieurs contradictions dans la stratégie du gouvernement qui a un impact direct sur l'épargne des ménages, laquelle a nettement baissé». Le débat sur la réforme qui a été déclenché par les 4 groupes de la majorité a montré que les principales actions en aval se sont centrées sur le contrôle des prix réglementés et la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre du dialogue social. «La réforme de la caisse ne doit plus faire l'objet de surenchères, mais elle doit s'opérer dans une logique de consensus», laisse entendre Ahmed Adrak, député du PJD. Les divergences d'interprétation de certains indicateurs, qui reflètent la dégradation du pouvoir d'achat de la classe moyenne se sont poursuivies durant cette séance. Le flou qui entoure toujours les critères d'indentification de la classe moyenne ainsi que la confusion au sein même du budget de l'Etat entre soutien au monde rural et aux couches vulnérables ont fini par rendre malaisé le ciblage qui devrait précéder la réforme globale de la Caisse de compensation. Les propositions émanant des partis au cours de cette séance se sont faites dans l'ensemble sans calendrier d'application et n'entreront donc pas dans le cadre de la loi de Finances 2015. C'est le cas notamment de l'USFP et de l'Istiqlal qui ont accusé le gouvernement de «cibler les revenus des ménages au lieu de protéger leur pouvoir d'achat». Il est à noter que la prise en considération des phénomènes d'exclusion et pas seulement de ceux de la pauvreté ainsi que la production de données statistiques au niveau régional et local restent parmi les questions les plus difficiles à résoudre. Le gouvernement compte sur le système d'information territoriale qui sera mis en place au cours de l'année 2015 en vue de mieux traiter les informations contenues dans les moyennes statistiques afin de prendre en compte les mesures relatives aux inégalités. Compensation dangereuse La décompensation se poursuivra selon le chef de gouvernement en renforçant le budget des secteurs de base et le soutien direct des familles vulnérables. Le problème du ciblage inquiète le gouvernement. Les données communiquées aux députés laissent dégager un montant des crédits de compensation qui s'élève à 31,1 MMDH, dont les charges du Fonds de soutien des prix de certains produits alimentaires qui seront fixées à 800 MDH. Pour sa part, le financement des arriérés au titre des années précédentes coûtera près de 7,5MMDH. Parallèlement, plusieurs mesures seront déployées pour atténuer l'impact du système d'indexation, notamment le soutien au secteur du transport et l'appui à l'ONEE en contrepartie de la subvention du fuel, suite au contrat-programme signé pour la période 2014-2017. S'agissant des prévisions relatives à la période allant de septembre à décembre 2014, la charge globale prévisionnelle est de l'ordre de 9,5 MMDH, dont 7,8 MMDH pour les produits pétroliers, et cela sur la base de la tendance actuelle des cours et de la consommation attendue. Les dispositions qu'il reste à parachever durant cette année 2014 sont principalement la décompensation du supercarburant, du fuel N2, du fuel destiné à la production de l'énergie électrique et la fixation de la subvention allouée au gasoil. «Toutefois, l'Etat a continué de prendre en charge une partie de la charge du gasoil et la totalité de la fluctuation du marché international du gaz butane, du gasoil destiné à la pêche côtière et du sucre pour une enveloppe dépassant les 31MMDH», a indiqué Benkirane. Plusieurs mesures d'accompagnement seront déployées, parallèlement à la réforme progressive du système. Le gouvernement cite dans cette optique la mise en place d'un dispositif conventionnel de soutien au secteur du transport qui sera modulé en fonction de la spécificité de chaque type d'acteur, le maintien des tarifs de l'électricité à des niveaux abordables, et enfin le recours aux instruments du marché financier pour «permettre le plafonnement de la hausse du prix du gasoil à un niveau socialement acceptable». Il est à noter que, pour le secteur agricole, la promotion du pompage solaire est programmée pour 2015, dans le cadre des projets d'économie d'eau d'irrigation. Le problème du ciblage persiste Le gouvernement compte disposer à partir de l'année 2015 d'une meilleure visibilité à propos de l'impact des programmes de soutien aux couches vulnérables et au pouvoir d'achat de la classe moyenne. Le plan d'action projeté, qui devra être fin prêt en avril 2015, tente enfin de mettre un terme aux difficultés méthodologiques liées à la rédaction des rapports relatifs à l'indice de développement humain (INDH) de 2012 et en même temps de renforcer la fiabilité des données fournies. Les résultats attendus, en décembre prochain, du 6e recensement général de la population et de l'habitat restent importants dans cette nouvelle optique grâce à la nouvelle base de données qui sera réalisée et dont les indicateurs seront mesurés par rapport aux objectifs du millénaire à l'horizon 2015. L'institutionnalisation de l'évaluation des politiques publiques devra également tenir compte des critères de développement humain retenus dans les divers rapports onusiens, qui s'intéressent au sujet.