Ne dit-on pas que «toutes les bonnes choses ont une fin» ? Dans ce cas précis, la clôture de la 14e édition du festival d'Essaouira aura eu le mérite d'être à la hauteur des nombreuses autres «bonnes choses» que nous a offert l'événement durant trois jours. Faire jouer quatre mâalems gnaoui sur scène en même temps est peut-être chose «déjà» faite pour le festival, mais la fusion de Hassan Boussou avec les mâalems Merchane, Kouyou et Guinéa, qui a clôturé le festival dans l'après-midi d'hier, aura sans conteste été un moment unique de musique, un temps fort que la culture gnaouie gardera en mémoire, tant pour sa portée artistique que générationnelle. Hassan Boussou, digne héritier du mâalem Hamida Boussou de Casablanca, représente en effet pour beaucoup la nouvelle génération de musiciens de Gnaoua qui mêlent savamment tradition et modernité. La nuit ne fait que commencer Il est là ! Ils étaient nombreux à le chuchoter ce samedi 25 juin à Essaouira. Seulement le «il» en question ne concernait pas qu'un seul artiste mais plusieurs, en l'occurrence les têtes d'affiches de cette 14e édition. Côté terre, le grand Salif Keita se produisait sur la scène de Moulay Hassan qui célébrait «la différence». Face à l'océan, le jeune mais non moins célèbre K'naan clamait son hymne à l'appartenance «Waving flag» sur la scène de la plage. Au même moment, le mâalem Hamid Kasri commençait sa traversée des deux mondes sur la terrasse du Bastion de Bab Marrakech, accompagné du duo Between worlds. Depuis le coucher du soleil, les festivaliers ne savaient plus où donner de la tête et alimentaient ainsi les va-et-vient d'un bout à l'autre de la ville. En fin de soirée, chacun rebrousse chemin et tente tant bien que mal de trouver un dernier lieu où se «recueillir», une lila gnaouia qui trainera les pattes jusqu'à l'aube, de préférence. Direction donc Dar Souiri, où les têtes tournoyantes dans le mouvement de transe n'ont pas cessé depuis minuit. Il est alors 3h du matin. Un Boussou fusionnel D'une édition à l'autre, le jeune mâalem impressionne le public d'Essaouira par son talent de musicien mais également de chanteur. «On sent qu'il y a beaucoup de travail derrière sa prestation», s'exclame un spectateur en sortant du concert de Hassan Boussou, donné vendredi sur la scène Moulay Hassan. Ce soir-là, l'artiste partage la vedette avec le groupe américano-haïtien, les Jazz-Racines Haïti. Née de l'idée du célèbre saxophoniste, Jacques Schwarz-Bart, cette formation qui mêle musique jazz et tradition vodou aura clairement scotché le public souiri avec une prestation sonore, musicale mais également chorégraphique à couper le souffle. Le temps de quelques morceaux, le mot «fusion» aura ainsi repris tout son sens. «La fusion est une création en soi», explique Schwarz-Bart. «Pour y parvenir, il faut que les artistes qui viennent ici les mains dans les poches soient à même de comprendre véritablement le sens de la musique gnaoua et en découvre ses particularités, et cela demande beaucoup d'années, comme pour n'importe quel style musical». Et si l'artiste d'origine haïtienne en parle ainsi, c'est qu'il l'a fait... ce chemin vers l'autre, faisant ainsi en sorte que la musique gnaoua n'ait pratiquement plus de secret pour lui. Résultat, un spectacle magistralement mené par Schwarz-Bart et qui, aujourd'hui encore, résonne dans les allées de la cité des Alizés. Une ouverture... sur le monde Percutante, telle a été l'ouverture de cette édition. C'est le moins que l'on puisse dire après le passage du groupe malien de Baba Sissoko, qui empoigne son tama sous le bras tout contre son cœur pour un concert qui pose d'emblée les premières pulsations d'un week-end gnaoui rythmé, ce que confirmera d'ailleurs, quelques heures plus tard, sur la même scène de Moulay Hassan, le fameux musicien indien Trilok Gurtu. Véritable performeur aux mains d'argent, l'artiste fait voyager ceux qui l'écoutent aux quatre coins du monde. Son talent incontestable témoigne de ses voyages et de ses inspirations qu'il n'aura pas besoin de détailler, tant la subtilité des genres est parfaitement distincte. Pour ceux qui ne le connaissaient pas, Trilok Gurtu est une véritable découverte.