Le projet de Constitution a-t-il voulu tacitement constitutionnaliser le dialogue social en mettant les trois partenaires que sont l'Etat, les syndicats et le patronat sur un même pied d'égalité en matière de représentation des citoyens ? La réponse peut aisément être positive, et ce pour plusieurs raisons. Il y a d'abord cette nouvelle perspective ouverte à la CGEM qui peut désormais siéger au sein de la deuxième Chambre, en tant que porte-parole des intérêts de ses adhérents, tout comme les syndicats et les Chambres professionnelles. L'arbitrage royal, qui a été favorable au maintien de la deuxième Chambre, semblait donc justifié par ce souci de trouver un autre lieu d'échanges entre les partenaires sociaux impliqués dans le dialogue social. Ensuite, il y aurait la vocation régionale que la confédération s'est efforcée d'ancrer depuis des années déjà et qui font maintenant des unions régionales de la confédération des interlocuteurs fiables, que ce soit envers l'Etat ou les branches syndicales locales. Cela signifierait aussi que l'esprit de la nouvelle vocation constitutionnelle de la CGEM doit être politique sans pour autant opérer un changement dans l'objet de l'association dont le souci premier restera sans doute le maintien de la paix sociale au sein du secteur privé. Réglages Le droit du travail doit être toujours à l'abri du rapport de force qui pourrait naître de la nouvelle situation. Le patronat se dit prêt à opérer les réglages nécessaires pour permettre aux employeurs de mieux remplir leur fonction de «technocrates» au sein de la deuxième Chambre, contrairement probablement aux syndicats qui n'arrivent pas encore à se débarrasser de leurs traditionnelles affinités politiques avec les partis. Les syndicats auront en face d'eux une association professionnelle qui a désormais une statut constitutionnel. La nouvelle Constitution semble inaugurer une nouvelle ère pour les deux parties. Non seulement les centrales les plus représentatives ont pu maintenir leur présence au sein de la deuxième chambre, mais la Constitution a reconduit les missions qu'elles avaient en matière d'encadrement des citoyens et des salariés. Les syndicats se concentrent sur leurs objectifs L'article 8 du projet qui sera soumis au référendum stipule en effet que «les organisations syndicales des salariés, les chambres professionnelles et les organisations professionnelles des employeurs contribuent à la défense et à la promotion des droits et des intérêts socioéconomiques des catégories qu'elles représentent». L'action syndicale a donc été mise sur un même pied d'égalité que celle des organisations patronales qui font leur entrée pour la première fois au sein des organisations à vocation constitutionnelle. L'innovation est de taille, du moment que les deux parties sont les principaux protagonistes du dialogue social arbitré par le gouvernement. Les syndicats, qui étaient chargés au sein de l'ancien texte de l'encadrement des citoyens, se trouvent actuellement allégés de cette charge afin qu'ils puissent se recentrer sur leur objet principal : la défense des intérêts de leurs affiliés. La nouvelle formule impose pourtant deux conditions pour que cette reconnaissance soit pleinement effective et ne déroge pas à l'esprit de la réforme enclenchée. D'abord, au niveau des modes de gestion, «les structures et le fonctionnement de ces organisations doivent être conformes aux principes démocratiques», insiste le deuxième alinéa de l'article 8 du projet. Les deux parties sont par la suite tenues de promouvoir la convention collective comme moyen contractuel, en vue de prévenir et résoudre les conflits sociaux. Le rôle de l'Etat sera celui d'accompagnateur puisque «les pouvoirs publics œuvrent à la promotion de la négociation collective et à l'encouragement de la conclusion de conventions collectives de travail dans les conditions prévues par la loi». L'Etat va donc activer le conseil de la convention collective qui piétine depuis sa création. En 2010, 4 conventions collectives ont été conclues durant toute l'année, montrant par là la grande frilosité des entreprises à recourir à ce procédé. Les nouvelles dispositions font également référence au projet de loi sur les syndicats, qui n'est pas encore voté. C'est ce nouveau cadre juridique qui est censé clarifier les critères d'octroi du soutien financier de l'Etat, ainsi que les modalités de contrôle de leur financement. Le projet de la Constitution n'a pas abordé ce genre de détails à propos des associations des employeurs. Seule la CGEM semble être concernée par la nouvelle formulation proposée par l'article 8. Cette dernière demeure régie par le dahir de 2002 sur les associations et ses adhérents et ne peut en aucun cas déroger aux statuts et au règlement intérieur.