Encore un rapport sur la justice et les droits de l'Homme qui risque de déranger ! Selon le dernier «index des règles de loi» que vient de publier l'Organisation pour la justice mondiale, le Maroc se classe à la 60e place parmi les 66 pays étudiés. Une place peu honorable, à première vue, bien que le Royaume ait obtenu «la moyenne à plusieurs niveaux», selon les critères pris en considération. Toutefois, en comparaison avec certains de ses homologues régionaux, le Maroc reste «généralement sous-performant par rapport à ses homologues régionaux», avancent les observateurs du Projet de justice mondiale. Si la comparaison peut paraître assez discutable au regard de la situation qui régnait il y a peu, notamment chez nos voisins, elle peut s'expliquer par certains critères qui entrent dans le cadre de l'établissement de ce classement. La spécificité du rapport se situe, en effet, au niveau des indicateurs mis en avant et qui tournent autour de certains droits dits fondamentaux comme l'accès à la justice, à la scolarisation, à l'information et à la primauté donnée aux règles de droit dans l'application de la justice. Peut mieux faire Selon le rapport, «le Maroc se comporte bien dans le domaine de l'ordre et de la sécurité, mais il est en retard dans toutes les autres catégories». L'organisation explique, d'ailleurs, qu'en dépit des «récents efforts de réforme», il subsiste encore certaines faiblesses dans les domaines de la gouvernance, de la corruption et de l'application de la réglementation. Des avancées donc, mais qui sont relativement moins consistantes face aux nombreuses lacunes décelées. Autre point saillant du rapport, le système de justice pénale qui, selon l'organisation, «fait défaut en ce qui concerne le respect de la légalité». Un autre aspect qui mérite d'être soulevé est relatif à la liberté d'expression et d'opinion, puisque «la transparence du gouvernement et la liberté d'opinion et d'expression» classent le pays à la 49e place sur les 66 Etats recensés. C'est donc sur la question des droits fondamentaux que le Maroc accuse un retard certain, selon l'Organisation. Il reste à savoir si les réformes engagées dans le cadre judiciaire et, plus récemment, constitutionnel permettront de combler ce retard. «La règle de droit est, en effet, essentielle au travail de toutes les parties de la société. Elle est la clé de la promotion de la politique, de la stabilité, des possibilités économiques, du progrès social et de l'équité fondamentale et l'équité», a déclaré William H. Neukom, président fondateur du projet «Justice mondiale». Sans la primauté du droit, ajoute-t-il, «les femmes et les enfants souffriront des atrocités, de la corruption, et les gouvernements détourneront les ressources publiques nécessaires pour les travaux publics, tout en étouffant la croissance économique». Le «World Justice Project» a ainsi présenté quelques propositions basées sur des principes universels de primauté de la règle de droit et qui résument, pour l'essentiel, les enjeux de la réforme de la justice en cours. Il s'agit notamment de faire en sorte que le gouvernement et ses fonctionnaires et agents soient responsables devant les lois qui doivent être «claires, rendues publiques, stables et équitables, afin de pouvoir assurer une protection efficace des droits fondamentaux, y compris la sécurité des personnes et des biens». Le processus par lequel les lois sont promulguées, administrées et appliquées doit également être plus «accessible, équitable et efficace». Enfin, l'application de la justice doit être assurée par des arbitres compétents, indépendants et éthiques, des avocats ou des représentants et des magistrats en nombre suffisant, disposant de ressources suffisantes, et elle doit «refléter la composition des communautés qu'elle dessert». Un rapport de plus donc, mais qui va dans le même sens que les préoccupations nationales. Et c'est là que réside l'intérêt de se soumettre à ces évaluations régulières : disposer d'avis indépendants permettant de corriger la donne.