Le colloque Fondafip, organisé à Paris le 19 février sur «la réforme des finances publiques au Maroc», a permis de faire le point sur l'évolution des différents chantiers en cours dans ce domaine, mais surtout, d'avoir l'avis des «techniciens» en charge d'appliquer ces nouveautés. Ainsi, dans son adresse, le trésorier général du royaume, Nourredine Bensouda, a mentionné la nécessité de «libérer l'action des gestionnaires en charge des politiques publiques, et de leur laisser les marges de manœuvre nécessaires pour atteindre leur résultat». En d'autres termes, il s'agit de renforcer les pouvoirs des administrateurs à la tête des différents établissements relevant des ministères chargés d'appliquer les décisions des responsables politiques. Cette orientation cadre avec le projet de loi organique en cours d'adoption. Comme l'a souligné Bensouda, il est en effet prévu de revoir tout le management budgétaire, depuis la programmation jusqu'à l'exécution, afin d'obliger les responsables aussi bien élus que non élus «à rendre compte de leur action aux citoyens». Quant au rythme des réformes, il doit «s'accélérer». Concernant la réforme de la fiscalité, le trésorier général du royaume pense que «le redressement des finances publiques ne pourrait pas se faire par l'augmentation des impôts existants et/ou la création de nouveaux impôts et taxes. Elle devrait davantage s'effectuer par la réforme budgétaire et la maîtrise des dépenses qui vont favoriser la baisse des impôts». Parlant de la réforme budgétaire, Bensouda rappelle qu'elle est intimement liée avec celle de la fiscalité et de la comptabilité publique. «Il s'agit de réformes systémiques» : Soit on abandonne l'idée que la dépense est rigide et qu'il est possible par conséquent de la réduire, soit l'accent est mis sur un meilleur management de la dépense publique, notamment à travers la maîtrise des marchés publics. Il y a lieu de noter que selon la TGR, ces marchés publics représentent environ 180 MMDH, l'équivalent de 20% du PIB. Enfin, s'agissant de la réforme de la comptabilité publique, l'utilité réside dans le fait que les comptes publics sont les seuls à renseigner de manière précise sur l'exécution réelle du budget et des politiques publiques. «D'où l'importance qui doit être accordée à la loi de règlement», insiste Bensouda. Sur ce dernier point, Abdelkrim Guiri, en charge de la coopération internationale à la TGR, a insisté, entre autres points, sur l'importance de respecter «particularités et contingences nationales», dans le processus de convergences avec les normes internationales. Point de vue Noureddine Bensouda, Trésorier général du royaume «Il faut veiller à la cohérence d'ensemble des réformes» Les réformes des finances publiques n'ont d'utilité pour le citoyen que si elles sont réellement mises en œuvre. Elles sont jugées à travers la force des décisions et la réalité des résultats. Aussi, il est important de souligner que l'impôt n'a de sens que par son recouvrement. Le budget n'a d'intérêt que par son exécution et ne peut être apprécié qu'à travers la loi de règlement. La finalité de la comptabilité publique est de rendre compte au Parlement et au citoyen. Par conséquent, la stratégie de réformes devrait rétablir la complétude des réformes des finances publiques. Les débats budgétaires au Parlement et ailleurs devraient se focaliser non seulement sur les recettes (douanes, impôts), mais davantage sur les politiques publiques à travers les dépenses de l'Etat, en relation avec la soutenabilité budgétaire qui, pour être analysée, doit elle-même s'appuyer sur des comptes publics fiables et consolidés. À ce titre, j'adhère pleinement aux propos tenus récemment par Didier Migaud, (président de la Cour des comptes en France, ndlr), lorsqu'il a souligné que «la maîtrise des comptes publics, c'est à la fois un enjeu de souveraineté, de compétitivité, mais aussi un enjeu de solidarité et d'équité entre les générations». Il est temps, de mon point de vue, d'accélérer le rythme des réformes des finances publiques et leur appropriation par tous les partenaires et de veiller à leur cohérence d'ensemble. La Cour des comptes doit-elle changer d'approche ? En dehors de la Trésorerie générale du royaume, la Cour des comptes a également donné son point de vue sur la réforme des finances publiques du royaume. Lahcen Kers, président de section chez l'institution dirigée par Driss Jettou s'est félicité de la consolidation des prérogatives de la Cour, grâce à la Constitution de 2011. Cependant, le magistrat constate que des «fragilités pèsent encore sur notre système de finances publiques», et nécessitent «d'accélérer la mise en œuvre des réformes». Cette évolution, a-t-il conclu, «impose à la Cour des comptes des modifications multiples dans son approche de contrôle». Cela lui permettrait ainsi, de «renforcer son positionnement en tant que force de proposition au service de l'Etat dans les meilleures conditions de coût, de qualité et d'optimisation des systèmes institutionnels existants».