3%, un pourcentage qui est revenu dans presque toutes les présentations. Que représente-t-il ? C'est le taux des échanges intra-maghrébins. Il s'agit du taux le plus bas au monde, a tenu à rappeler Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghreb (BAM). Sous d'autres cieux, ce taux est largement supérieur à ce niveau. Il estimé à 15% pour les pays du Mercosur, à 24% pour l'ASEN et plus de 60% Pour l'UE. Pourtant, les facteurs favorables à l'amélioration de ces échanges ne manquent pas. «La priorité, c'est l'ouverture», lâche Christine Lagarde, Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) dans un message adressé aux participants de la 3e édition du Forum des entrepreneurs maghrébins. «Davantage d'efforts doivent être consentis pour permettre d'aller vers cette ouverture et consentir l'intégration économique. Pour cela, il faut absolument aller vers la suppression des barrières douanières, qui sont deux fois plus élevées que la moyenne des barrières douanières dans le monde», ajoute-t-elle. Ainsi, les gothas économique et politique savent désormais par quoi commencer ! Le FMI déplore que le code commun des investissements étrangers n'ait pas vu le jour. Il rappelle également que l'UMA devait progresser aussi sur les barrières non tarifaires, les contraintes bureaucratiques, réglementaires. Cela permettra d'améliorer les échanges «qui existent mais d'une manière informelle», souligne l'institution internationale. Une réponse aux attentes du FMI peut émaner de l'Union maghrébine du commerce et de l'investissement (UMCI), dont le plan d'action qui sera présenté aujourd'hui aura pour ligne conductrice les entrepreneurs et le patronat, «puisque c'est à eux d'œuvrer pour faire vivre le rêve d'une région maghrébine vraiment intégrée», précise Sinne Backs Conan, PDG et fondatrice de Konsentio. Mais en attendant, le coût du non Maghreb continue à peser lourd sur les économies des cinq pays. «La suppression des barrières formelles et informelles permettrait de porter le commerce intra-régional entre 40 et 70%», explique David Laborde, chercheur à l'International Food Policy Research Institute (IFPRI). Ce dernier avance trois scénarios ou mécanismes sous-jacents d'intégration. Le premier serait de reprendre la dynamique pré-2007 et d'assurer l'intégration effective de tous les Etats membres. Le deuxième consiste à converger vers le degré d'intégration effective du Mercosur, pour enfin et dans un dernier scénario, atteindre la situation du Mercosur. Mais quel que soit le scénario pour lequel l'UMA optera, il est primodial qu'il passe par l'élimination des droits de douanes, la baisse des coûts de transport intra-régionaux, la baisse des coûts administratifs pour les entreprises et une hausse de l'investissement direct étranger régional. Pour résumer, ce sont là les prérequis de toute intégration économique régionale, aussi basique soit elle. Les effets seront considérables. L'étude menée par l'IFPRI évalue les effets sur le PIB de 3 à 9 milliards de dollars par an pour l'UMA, sans oublier les effets bénéfiques sur l'emploi, le commerce, l'investissement et le bien-être des ménages. Des entrepreneurs osent Malgré ce tableau noir dressé par des chiffres peu reluisants, ces 3% d'échanges qui existent aujourd'hui sont portés tout de même par des opérateurs économiques qui ont su outrepasser tous les blocages et tenter l'aventure de l'investissement dans un autre pays que le leur. C'est le cas par exemple de Mohammed Kabbaj, président directeur général de Soft Group. «J'ai décidé d'investir en Algérie il y a 10 ans. Il fallait attendre trois semaines pour avoir le visa. À cette époque, nous ne pouvions pas envoyer notre marchandise directement en Algérie. Il fallait passer par Marseille», explique-t-il. Et d'ajouter, «les choses sont aujourd'hui beaucoup plus faciles, puisque nous n'avons plus besoin de visa et nous livrons directement». Soft group compte actuellement cinq points de vents en Algérie et compte s'installer en Libye et en Tunisie en 2015. Ce n'est pas le seul exemple. Hicham Elloumi, président du groupe tunisien Chakira, a décidé d'investir au Maroc. «Ce n'est pas pour rechercher une meilleure compétitivité ou délocaliser ou fuir carrément la Tunisie, comme certains le disent. Nous sommes venus au Maroc à la recherche de croissance, tout simplement», avance-t-il. Cet entrepreneur voulait agrandir son marché et passer d'un palier de 11 millions de consommateurs à 90 millions avec l'objectif d'atteindre celui des 800 millions de consommateurs que compte la Méditerranée. En 2001, la société a exporté à partir de la Tunisie près d'un million d'euros. En 2013, et grâce à ses deux bases marocaines, le groupe tunisien a exporté l'équivalent de 200 millions d'euros, faisant de son entreprise le leader de la région et le numéro un dans le secteur du câble automobile. Tant qu'il y a «des entrepreneurs visionnaires» qui bravent les obstacles politiques, l'intégration économique maghrébine peut se concrétiser. Ce que pèse l'économie maghrébine Avec ses 91,8 millions d'habitants, les cinq pays membres de l'Union du Maghreb arabe (UMA) pèsent, selon les chiffres de l'année 2013, près de 444 milliards de dollars en termes de PIB. Tous les pays sauf la Libye ont enregistré des croissances intéressantes allant de 3% à 6,4%. C'est la Mauritanie, une économie de marché qui a à peine une quinzaine d'années et qui connaît actuellement de profondes transformations, qui enregistre la plus forte croissance, soit 6,4%. Elle est suivie par le Maroc avec une croissance estimée à 5,2% en 2013. La Tunisie et l'Algérie sont à des niveaux presque similaires avec des croissances respectives de 3% et 3,3%. À l'inverse, l'année 2013 n'a pas été reluisante pour l'économie libyenne qui souffre des effets de l'après-Khadhafi. Cette dernière s'est malheureusement délestée de 5,1%. Cependant, les perspectives pour 2014 semblent être plus réjouissantes dans le sens où il est prévu que le PIB libyen passe de 70,92 milliards de dollars à 94,33 milliards. Les prévisions sont également dans le vert pour les autres pays. La croissance aurait pu être encore plus importante si l'intégration économique était une réalité.