On s'y attendait un peu. La grande annonce de Salaheddine Mezouar à New York, révélée en exclusivité par Les Echos quotidien dans son édition de vendredi, a pris tout le monde ou presque de court. Dans le cadre d'une opération de charme de grande envergure aux Etats-Unis, le ministre de l'Economie ne s'est pas contenté de sonner la cloche du Nasdaq, il en a profité pour avancer publiquement les dates de l'organisation du référendum constitutionnel et surtout de la tenue des élections anticipées, respectivement pour le 1er juillet et le 7 octobre prochains. Rien que ça ! Pour le ministre des Finances, c'est un joli coup politique. Une chose est sûre : Mezouar ne pouvait pas prendre le risque de se substituer au ministère de l'Intérieur pour avancer un calendrier aussi attendu et stratégique s'il n'en avait pas le feu vert ou du moins s'il n'était pas certain que les dates avaient été officiellement fixées. Un détail technique de taille est à prendre également en considération : à New York, le ministre des Finances présidait une délégation officielle qui comprenait aussi des hommes d'affaires et des patrons de grosses structures publiques. En d'autres termes, tout porte à croire que cette annonce n'avait pas de motivation politicienne. Mais il en faut plus pour convaincre les formations politiques. Suite à cette annonce, les réactions ne se sont pas fait attendre. Alors ce calendrier est-il définitif ? Selon les représentants des partis politiques interrogés à ce sujet, «il ne l'est pas». «Rien n'a encore été décidé au niveau de la commission de suivi de la réforme constitutionnelle. Les dates avancées n'engagent que le RNI», explique dans ce sens le porte-parole du PPS, Karim Taj. «Aucune date n'est encore fixée pour la prochaine réunion du mécanisme politique de suivi», ajoute-t-il, tout en soulignant que «les dates avancées correspondent plus à l'agenda politique du chef du RNI». Même son de cloche auprès de certains partis de l'opposition parlementaire. Pour Mustapha Ramid du PJD, «aucune date n'a encore été fixée. Ce que Mezouar a avancé est encore au stade des discussions et rien n'a encore été décidé. Il faut savoir que plusieurs partis, dont le PJD et l'USFP, estiment qu'il sera très difficile d'organiser les élections en octobre prochain». Le désaccord concerne donc la date des futures élections, alors que la plupart des formations politiques ont déjà exprimé le souhait de voir le référendum organisé avant la fin du mois de juillet. L'effet surprise de l'annonce de Mezouar montre ainsi que les partis se préparent dès maintenant pour la prochaine bataille électorale. Certaines formations ont plus intérêt à ce que les dates des prochaines élections soient fixées le plus tôt possible. Selon des observateurs avisés, le RNI, qui a ajourné son Conseil national, se trouverait parmi ce groupe de formations politiques qui veulent tirer au maximum profit du futur calendrier politique. En tout cas, l'annonce de Salaheddine Mezouar est intervenue dans un contexte assez particulier, marqué plus par un souci de rassurer les responsables américains sur la marche irréversible du Maroc dans la voie des réformes. C'est en tout cas l'avis de Aziz Chahir, chercheur en sciences politiques, qui pense que la surenchère sur les dates des prochaines élections était prévisible dans le contexte actuel. «C'est la nouvelle Constitution qui devra déterminer les nouvelles règles de fonctionnement des instances élues, qu'elles soient parlementaires ou régionales. Il est en quelque sorte tout à fait normal que certains partis saisissent l'approche de l'annonce officielle de la date du futur référendum pour appuyer leurs positions», poursuit l'universitaire. C'est pour dire finalement que les partis veulent éviter à tout prix l'irruption de clivages politiques durant cette période, et se concentrer sur leur rôle d'encadrement des citoyens, surtout pendant l'étape qui coïncidera avec la vulgarisation et l'explication du contenu de la nouvelle Constitution. D'autant plus que la réforme constitutionnelle attendue est radicale et demandera le temps qu'il faut afin, d'abord, qu'elle soit bien assimilée par les citoyens qui vont se déplacer aux urnes lors du référendum.