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Pétrole, la menace syrienne
Publié dans Les ECO le 29 - 08 - 2013

Le relatif allègement du déficit commercial constaté ces derniers mois grâce au repli de la facture énergétique ne sera-t-il qu'une simple parenthèse qui présage l'explosion des charges de compensation et donc l'aggravation des déséquilibres de l'économie marocaine ? C'est la question qui a de fortes chances de compliquer les discussions pour la prochaine loi de finances, dont la lettre de cadrage se fait encore attendre. En cause, la persistance sinon l'amplification de la situation au Moyen-Orient et principalement en Syrie. La communauté internationale sous l'égide des USA, de la Grande-Bretagne ainsi que de la France ou la Turquie, entre autres, est en train de peaufiner les derniers préparatifs pour une intervention militaire dans ce pays, en réponse à l'utilisation «d'armes chimiques» dans le conflit qui perdure depuis plus de deux ans, et qui étend ses tentacules au niveau de l'ensemble de la région avec ses lots d'horreurs et de pertes en vies humaines. Selon les différentes sources politiques, dont les médias ne cessent de rapporter les faits, l'intervention militaire serait même imminente. Cependant, les répercussions se font déjà ressentir au niveau international notamment sur les cours du prix du baril du pétrole. Cette donne n'est pas sans impacter le Maroc, importateur de produits pétroliers. Selon la directrice de la Caisse de compensation, Salima Bennani, l'allègement du déficit commercial constaté ces derniers mois grâce à un repli de la facture énergétique a commencé à s'estomper depuis fin juillet dernier. Avec l'amplification des tensions géopolitiques, les menaces d'un retour de la flambée des cours du baril ne sont plus à écarter, «ce qui induira automatiquement une hausse des charges de compensation», selon Bennani.
Fin de l'embellie
Les perspectives de la persistance suivie de l'amplification et de l'extension des tensions géopolitiques à la suite de la crise au Moyen-Orient et essentiellement en Syrie, compliqueraient la donne pour le gouvernement. Il faut dire que les risques de flambée des cours de l'or noir interviennent au moment où le gouvernement s'apprête à mettre en œuvre le système d'indexation du prix des produits pétroliers pour justement contenir l'explosion des charges de compensation. Il s'agit là de la première mesure qui s'inscrit dans le cadre des engagements pris par le Maroc auprès du FMI, dans le cadre des mesures structurelles devant permettre d'assainir les équilibres macroéconomiques du pays. La mesure a été annoncée, en principe, pour septembre et devrait profiter de la relative stabilité qui a marqué les marchés internationaux des matières premières cette année. Sauf que le contexte actuel risque de changer les ambitions du gouvernement. D'ailleurs, à ce jour, aucune suite n'a été donnée par le gouvernement par rapport au système d'indexation, alors que la réforme globale du système de compensation se fait toujours attendre. À l'heure actuelle et en attendant même le début des opérations, la flambée des cours a repris sur les principaux marchés internationaux. Le prix du baril de pétrole s'enflamme. Après avoir entamé la semaine aux alentours de 110USD à New York, soit son plus haut niveau depuis février 2012, les experts s'attendent à ce qu'il dépasse la barre des 115 à 120 USD d'ici la fin de la semaine. En cas de confirmation de l'intervention, les prévisions des principaux analystes se hissent de 150 à 300 USD !!! Il faut relever que même si la Syrie n'est pas un grand pays producteur d'or noir, la propagation du conflit au Moyen-Orient, qui représente 35% de la production mondiale de brut et la vulnérabilité des oléoducs, notamment dans le détroit d'Ormuz, avec les menaces iraniennes, sont de nature à amplifier les incertitudes. Or ce sont justement ces incertitudes qui engendrent cette flambée, alors que la production mondiale est déjà en baisse, notamment à la suite de la situation en Lybie et en Egypte. Déjà et alors que le gouvernement doit baliser les hypothèses pour la loi de finances 2014, les scénarios ayant servi à l'élaboration de celle en cours d'exécution sont devenus caduques. Le baril a dépassé les 105 USD, pris comme base par le gouvernement. Ce qui constitue une première alerte pour l'Exécutif qui devrait déjà s'atteler à des ajustements pour faire face à un probable retour de la dégradation des déficits dits jumeaux. Le FMI y veille en tout cas.
L'indexation pas aussi risquée que redoutée !
Le retour au système d'indexation prévu en principe pour le mois de septembre risque d'accuser encore un retard. Il va sans dire qu'au vu des différents scénarios qui se profilent, le gouvernement ne pourrait que recourir à l'indexation partielle en fonction des hypothèses élaborées. Avec les risques de tensions sociales que cette décision pourrait engendrer et pour laquelle le gouvernement s'est déjà engagé avec le FMI, la prudence de l'Exécutif peut relativement se justifier. Cependant, le gouvernement risque encore de pâtir du report des décisions de cette envergure. Selon les explications données au départ par le gouvernement, l'entrée en vigueur du système d'indexation devrait être accompagnée, en parallèle, par la souscription à des assurances destinées à atténuer les fortes envolées. Les dispositifs en la matière sont légions et sont qualifiés «d'instruments» de couverture. Sauf que les mécanismes ne sont pas encore activés par ledit gouvernement, ce qui fait qu'en cas d'indexation, les répercussions pour les consommateurs risquent de s'avérer encore plus importantes que ce qui est redouté jusqu'à présent. Autrement dit, l'Exécutif pourrait jouer en même temps sur les deux mécanismes afin de contenir la situation.
Salima Bennani, directrice de la Caisse de compensation.
Les ECO : Les évènements au Moyen-Orient font planer des risques sur une éventuelle flambée des cours des matières premières, notamment le prix du baril sur les marchés internationaux. Quel en sera l'impact pour le Maroc ?
Salima Bennani : L'impact est assez clair. Les répercussions des tensions géopolitiques sur le cours du baril du pétrole induiront automatiquement une hausse des charges de compensation.
Certains experts tempèrent toutefois l'impact de ces répercussions pour les pays importateurs en fonction de certains paramètres comme la date de livraison ou la période de commande...
Ces mécanismes ne sont opérationnels que lorsque les instruments de couverture sont activés. Ce qui n'est pas encore le cas au Maroc.
Est-ce qu'une hausse notable du cours du baril ne risque pas de retarder la mise en œuvre du système d'indexation ?
Il s'agit d'une question qui relève des autorités compétentes au niveau du gouvernement, c'est-à-dire du ministère de l'Economie et des finances. La Caisse de compensation n'assure que la mise en œuvre technique des décisions prises au niveau du gouvernement.
Justement par rapport à la mise en œuvre de ce système. Est-ce qu'il sera effectif en septembre comme annoncé par le gouvernement ?
Pour le moment et à notre niveau, il n y a aucun élément nouveau par rapport à ce dossier. Nous attendons encore les instructions des autorités compétentes c'est à dire le ministère des Affaires générales et de la gouvernance. À ce jour aucune date ni scénario n'ont été définitivement déterminés.
De manière générale, comment envisagez-vous les prochains mois après le relatif allègement constaté depuis quelques mois sur les charges de compensation ?
Nous nous attendons à une hausse des charges pour les prochains mois. Il faut relever que depuis fin juillet, nous avons déjà commencé à enregistrer une hausse au niveau de la facture.
Benkirane entre le marteau et l'enclume
Le Maroc va-t-il enfin se résoudre à faire usage de la ligne de précaution et de liquidité (LPL) que lui a accordé le Fonds monétaire international (FMI) depuis août 2012 ? Pour certains analystes, poser la question, c'est déjà y répondre puisque cet instrument adossé à une ressource financière de 6,2 MMUSD est justement ouvert pour permettre au pays de se prémunir contre les chocs exogènes qui risquent d'affaiblir son économie. En dépit d'une dégradation de la situation macroéconomique en 2012 et de perspectives peu reluisantes pour l'année en cours, notamment concernant la réduction du déficit budgétaire, le FMI a maintenu le 31 juillet dernier, cette couverture pour le Maroc. L'institution n'a pas manqué de saluer au passage l'intention des autorités de continuer à considérer cet accord comme un accord de précaution. «L'accord au titre de la ligne de précaution et de liquidité (LPL) du FMI, que les autorités ont l'intention de continuer à considérer comme un accord de précaution, a fourni au Maroc une assurance contre les risques extérieurs, tout en soutenant la stratégie économique des autorités», a affirmé à ce sujet, Nemat Shafik, directrice générale adjointe du FMI, à l'issue des délibérations du Conseil d'administration de l'institution, qui a examiné le rapport sur la situation économique du Maroc. En clair, le fait que le Maroc n'ait pas à ce jour jugé nécessaire d'utiliser ces ressources a beaucoup pesé dans l'appréciation faite par le FMI de la situation économique du pays. Il est vrai que cette dernière n'était guère reluisante et à l'époque, beaucoup redoutaient un retrait de la LPL en raison notamment du retard accusé dans la mise en œuvre des réformes économiques structurelles auxquelles s'attendaient le FMI. Au rang de celles-ci, figuraient la réforme du système de subvention publique ainsi que celle de la fiscalité.
Assurance contre les chocs extérieurs
Il faut dire que jusque-là et même si le Maroc n'a pas fait usage de ces ressources, les primes ont été payées comme l'a reconnu, il y a quelques mois, l'ancien ministre de l'Economie et des finances, Nizar Baraka, ce qui du reste est normal conformément aux critères et conditions d'accès à ces ressources financières. La ligne de précaution et de liquidité a été créée justement par le FMI pour répondre avec plus de souplesse aux besoins de liquidité des pays membres dont l'économie est foncièrement solide, et qui ont fait leurs preuves en appliquant une politique économique avisée, mais qui restent exposés à certains facteurs de vulnérabilité. Ainsi lors de l'ouverture de la ligne au profit du Maroc, le 3 août 2012, il a été convenu que la LPL devrait permettre aux autorités de poursuivre la mise en œuvre de leur propre programme de réformes, dont l'objectif est de promouvoir une croissance économique vigoureuse et solidaire, «tout en offrant une assurance utile contre les chocs exogènes». Les autorités marocaines se sont, dans le même temps, engagés à considérer ce dispositif «à titre de précaution sans avoir l'intention d'effectuer de tirages, à moins que le royaume n'enregistre de véritables besoins concernant la balance des paiements imputables à une détérioration de la conjoncture extérieure». Il faut relever qu'à l'époque la bienveillance du FMI était en grande partie liée à la situation mise en œuvre par le Maroc concernant ses politiques économiques saines, ainsi qu'aux réformes structurelles mises en œuvre, lesquelles ont contribué à de solides résultats macroéconomiques, notamment sous la forme d'une croissance robuste, d'une inflation faible et d'un système bancaire résilient.«Cette évolution favorable, de même que la solidité des fondamentaux économiques et des dispositifs institutionnels ont aidé le pays à amortir l'impact de la crise mondiale et à répondre à des besoins sociaux pressants», relevait Christine Lagarde. La directrice générale du FMI a toutefois tenu à souligner que la montée des cours du pétrole a contribué à une accumulation de tensions sur les plans budgétaire et extérieur. «Le Maroc est exposé à des risques extérieurs liés aux incertitudes de la zone euro et à un éventuel renchérissement du pétrole», avait ajouté l'ancienne ministre française des Finances. De ce fait et pour permettre aux autorités marocaines de maintenir la cadence des réformes qui visent à atteindre la prise en compte de nouveaux défis, notamment socioéconomiques, l'accord de deux ans au titre de la LPL a été signé. Il devrait conférer au Maroc «une police d'assurance utile pour répondre aux besoins de financement immédiats dans l'éventualité où ces risques se matérialiseraient, en renforçant la confiance des marchés et en facilitant un meilleur accès aux marchés de capitaux privés. Les autorités entendent traiter cet accord à titre de précaution». En l'espèce et avec le contexte actuel, la matérialisation des risques n'est plus qu'une question de temps, voire de jours au vu de la situation sur le plan géopolitique et mondial, et les tendances à l'envolée des cours du baril du pétrole. Ce qui justifierait le recours à la LPL afin de contenir la situation en fonction des différents scénarios.
Dilemme gouvernemental
La police d'assurance dont bénéficie le Maroc a jusque-là fonctionné puisque le pays a continué à bénéficier de la confiance de ses partenaires, notamment les investisseurs et surtout les agences internationales de notations. Dans une récente note économique, dont nous avions fait écho, Alby Stéphane, analyste à la banque française d'affaires BNP Paribas, soulignait qu'en dépit de la persistance des tensions au niveau de la situation macroéconomique du pays, la stabilité de la balance des paiements était loin d'être menacée. Parmi les principales raisons, «le Maroc pourra également compter sur la ligne de précaution d'un montant de 6,2 MMUSD sur deux ans, accordée par le FMI en août 2012 en cas de résurgence des chocs». Autant dire qu'en utilisant la LPL, le gouvernement risque de se mettre dans une position fragile, c'est-à-dire presque à découvert puisque dans les meilleures des hypothèses et selon les prévisions les plus optimistes du HCP, les réserves de change ne permettront, d'ici la fin de l'année, de couvrir qu'environ 3 mois d'importations de biens et de services, soit le plancher minimum du «seuil de confort». Cette alternative constituerait alors une mauvaise option pour le gouvernement, au cas justement où il aurait à recourir une fois de plus au marché international pour alléger la pression sur les finances publiques, comme c'était le cas pour les deux derniers exercices budgétaires. Il s'agit là d'un vrai dilemme pour le gouvernement qui en plus de n'avoir pas plus de visibilité pour la mise en œuvre de la réforme du système de subvention, risque d'accuser un autre retard dans la mise en œuvre de l'indexation même partielle des produits pétroliers. Il n'est pas sûr que la bienveillance du FMI tienne encore longtemps...


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