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Festival Gnaoua. Le culte de la musique spirituelle
Publié dans Les ECO le 25 - 06 - 2013

Les alizés soufflent cette année les 16 bougies du Festival Gnaoua et musiques du monde. Cet évènement a permis à la musique gnaouie de se faire connaître et de résonner dans le monde entier. Il réconcilie également les Marocains avec ces sonorités, sonorités qu'ils associent aux rituels de magie noire. Le pari n'était pas gagné d'avance, mais la passion de Neila Tazi, de Abdessalam Akilane et d'André Azoulay, l'a propulsé dans la cour des plus grands festivals du monde. Fusions et rencontres fusionnelles, coups de foudres musicaux, beaux spectacles et échanges riches en culture seront au rendez-vous du 20 au 23 juin. TV5 Monde a d'ailleurs diffusé une émission spéciale mettant à l'honneur le festival, rendez-vous international incontournable, qui a donné à ses téléspectateurs du monde entier un avant-goût de ce moment très attendu.
Trois artistes d'exception et venus d'horizons musicaux différents y sont présentés. Karim Ziad est batteur de renommée internationale ayant accompagné de grands noms de la scène maghrébine et du jazz. Il est aussi à l'origine de belles fusions entre les plus grands musiciens du monde et les mâalems gnaoua. Oum El Ghaït Benessahraoui a su imposer sa voix sensuelle, raffinée et ses origines sahraouies. Sa sobriété musicale et la profondeur de ses textes reflètent un héritage culturel où se rencontrent la soul, le jazz et les rythmes gnaoua. Mâalem Hassan Boussou est un des maîtres gnaoua les plus appréciés des Marocains et des visiteurs internationaux. Eduqué selon les préceptes de la tradition gnaouie, il est la preuve vivante du renouvellement de de cet art et de sa capacité à fusionner avec tous les genres musicaux. Ce rendez-vous sensuel, de qualité, a sûrement donné envie à beaucoup de se rendre à Essaouira pour savourer la suite du programme...Zoom sur une tradition, une musique, une programmation et un festival de transe musicale et culturelle.
Place aux festivités...
Pour tous les goûts et tous les genres ! Le festival Gnaoua et des musiques du monde grandit et fête sa 16e édition en proposant une grande diversité de concerts en plein air ou dans des lieux fermés. Ainsi, les grands spectacles publics et gratuits se tiennent sur la place Moulay Hassan, la scène Méditel et la terrasse du Borj de Bab Marrakech pour des concerts en plein air. Quant à Dar Souiri et la Zaouïa Sidna Bilal, ils reçoivent lilas et concerts intimistes. Les journées vont s'enchaîner au des rythmes de spectacles de rues et de forums. Fidèle à sa tradition, le Festival démarre la procession des mâalems gnaoui. Ce rituel, «Al Aâda» pour les initiés, est l'occasion de «bénir» le festival et de prier pour les grands maîtres gnaouas défunts ou malades qui ont transmis leur savoir. Le départ sera donné aujourd'hui, jeudi 20 juin, à Bab Doukkala. Avant de parler du programme musical, il ne faut pas oublier les forums proposés aux festivaliers pour apprendre, grandir, découvrir et surtout s'ouvrir à la pensée de l'autre. Cette année, le thème des rencontres est placé sous le thème de «Sociétés en mouvement, jeunesse du monde» et seront animées par des personnalités politiques (André Azoulay, Karim Ghellab, des écrivains, des chanteurs, des sportifs (Lilian Thuram), des sociologues (Rahma Bourkia) etc... A ne pas rater aussi, un forum de dialogue et d'échanges qui se tient chaque après-midi à partir de 17 heures au siège de l'Alliance franco-marocaine où les artistes gnaouas et les invités des musiques du monde dialoguent librement et dans une ambiance conviviale. Il s'agit de «l'Arbre à palabres», mis en place en 2006, et qui invite le public à s'exprimer autour des thématiques du forum. Les discussions sont modérées depuis deux ans par le tandem Maria Moukrim, journaliste, et la critique musicale, Emmanuelle Honorin.
Celle-ci est aussi programmatrice de scènes pluridisciplinaires telles que «Contradanza» et «Bal créole de la Bellevilloise» à Paris et afin de compléter ces journées enrichissantes de rencontres et de trouvailles artistiques, les soirées seront des plus riches et proposent une panoplie de choix pour contenter tout type de mélomanes. Le mélomane curieux se dirigera vers les grandes scènes où toutes les têtes d'affiches se donnent rendez-vous. En effet, entre la scène Méditel et la place Moulay Hassan, les festivaliers auront la possibilité de découvrir ou redécouvrir des artistes connus, moins connus et reconnus. Des fusions, un résultat de deux rencontres musicales, seront l'occasion d'assister à une création inédite que ce festival aura permis de réaliser. C'est ainsi que des noms comme Annadi Al Bahri des Emirats arabes unies, Will Calhoun l'un des piliers de Living Coulours et mister Maceo Parker qui n'est autre que l'architecte du groove et le saxophoniste le plus samplé de l'histoire de la musique, Richard Bona, Eska, Mokoomba, la belle nigérienne Nneka, Omar Sosa de Cuba, Karim Zyad, le batteur algérien et directeur artistique du festival, qui n'est plus à présenter. Autant de stars internationales mais de la musique puriste et loin de la musique commerciale qui vont faire du bien aux scènes «souiries». La scène marocaine sera omniprésent également avec des groupes comme Haoussa, Amayno, Paco Ghiwane ou Mazagan et des artistes comme Oum, Rachid Zeroual, Mohamed Baaya ou encore Majda El Yahyaoui.
Des maâlems viendront honorer la scène et les concerts intimistes, ainsi que des troupes de Issawa comme Maâlem Abdellah Akharraz, Maâlem Abdeslam Alikane & Tyour Gnaoua d'Essouira, Maâlem Abdelkader Amlil, Maâlem Ahmed Baalil, Maâlem Aziz Baqbou, Maâlem Mustapha Baqbou, Maâlem Saïd Boulhimas et Hamid El Kasri toujours fidèles au rendez-vous. La liste est encore longue et c'est dire combien les maîtres gnaouis sont mis en valeur puisqu'il s'agit bel et bien de leur festival. Ils seront pour la plupart à Dar Souiri, Borj Bab Marrakech et la nouvelle scène Bab El Marsa, scènes qui abritent des concerts acoustiques où les maâlems présentent le répertoire traditionnel. C'est le rendez-vous incontournable des passionnés de la tagnaouite ainsi que des curieux qui souhaitent découvrir le rituel ancestral des gnaouas. Un programme qui fait honneur au week-end de la fête de la musique...
«Tagnaouite» ou l'Afrique dans le cœur du Marocain
Si à l'époque, être gnaoui s'avérait être une insulte ou une sorte de rébellion contre la société, il est aujourd'hui original, authentique et artistique de maîtriser l'art de cette musique et de cette culture. «Ce n'est pas seulement une musique ou une culture, c'est une musique culturelle», a pointé du doigt le maâlem Meknassi. Puisque «tagnaouite» ne se résume pas à ses instruments ou à ses chants , il s'agit d'un ensemble de rituels que l'on doit acquérir, des traditions, des règles, une histoire et surtout une passion pour cette musique qui fera de chaque battement de percussions un battement du cœur. Le «Tagnaouite» se ressent et se vit, c'est aussi simple que cela. Il est presque impossible de tricher avec cela. «Les origines du mot gnaoua sont multiples, c'est une référence au nom berbère «agnaou» qui signifie couleur noire, aux familles du Ghana, au Gangâ ou encore à des groupes folkloriques dont les noms sont proches de cette sonorité, explique Abdeslam Alikane, maâlem d'Essaouira et directeur artistique du festival, qui revient sur une passion et un art de vivre. Il explique comment ses coutumes qui sont venues d'Afrique et que l'on retrouve dans les différents dialectes chantés par les gnaouas d'ailleurs, se sont imprégnées du Maroc et des traditions marocaines en s'exprimant autrement : moins brutales, avec des références à des couleurs, des prénoms arabes et des femmes surtout comme Aicha ou Malika, comme à la religion qui adoucit les mœurs. «Au départ, les rituels gnaouis des esclaves noirs ou provenant d'Afrique subsaharienne étaient d'une violence inouïe, ils se mutilaient, buvaient de l'eau chaude et recouraient à plusieurs actes assez poussés. En arrivant au Maroc, tout ceci s'est réduit, laissant place à une culture de guérison aussi bien des maladies physiques que psychologiques», explique le maâlem. En effet, les rituels des gnaouas sont connus pour guérir les maux. Une femme stérile fera appel à un maître gnaoui pour l'aider. Un enfant qui a du mal à dormir, boira de l'eau d'un maître gnaoui pour guérir. Un schizophrène ou un dépressif troqueront leurs médicaments et anti-dépresseurs contre une nuit gnaoui pour faire sortir le diable qui est en lui. Réalités ou supercherie, il n'est pas question de juger puisqu'un grand nombre de Marocains trouvent du réconfort à croire en cela. «Pendant longtemps, le tagnouite a été cantonné à cela, à des croyances. Aujourd'hui avec le festival, tout a changé. Non seulement le statut du maâlem a évolué, puisqu'il est passé de sa zaouïa ou de sa maison cachée, à la scène mais surtout, on s'est focalisé sur la beauté de cette musique et non pas sur ce qu'elle pourrait apporter», explique le directeur artistique, qui n'hésite pas à défendre les bienfaits du festival, en réponse à tous ces réfractaires qui soutiennent que celui-ci a tué les traditions des gnaouas. Il est vrai que les maâlems aujourd'hui sont reconnus mondialement, et sont invités à s'ouvrir au monde et à fusionner avec les musiques de la planète, rencontrent de grands noms de la musique, ont vu leurs cachets se multiplier par 10 et surtout ont la possibilité d'écouter leur musique sur les ondes et la télévision. En quoi le tagnaouite serait-il agonisant ? «Certains aiment que les choses restent statiques et ne changent pas, mais l'essence même du tagnouite est dans sa capacité d'ouverture et d'évolution. Hamid Kasri avait même dit : «Quand nous intégrons des instruments occidentaux à notre musique, ça l'enrichit davantage. Notre authenticité ne sera jamais atteinte.
Nous jouons de la fusion sur les scènes d'Essaouira, mais nous tenons nos veillées gnaouies «lilas» dans l'esprit pur de notre culture. Nous gardons les mêmes aspects du gnaouisme, même si on s'ouvre sur de nouveaux horizons». C'est l'histoire qui fait que les choses changent forcément. Plusieurs grands maâlems et «mkademas» ont vu leurs enfants changer de métier et ne pas poursuivre l'héritage familial. Une «mkadema» très connue à Essaouira d'ailleurs a eu une fille qui a décidé de devenir pharmacienne. Elle a fait don de tout le matériel de sa mère à une zaouïa», raconte Abdeslam Alikane. «Le festival a permis de forger le métier, de le rendre professionnel puisqu'aujourd'hui les maîtres gnaouis sont plus pointilleux, travaillent plus leurs instruments, leur jeu de scène, leurs vêtements. C'est devenu un métier alors qu'avant le maâlem était pauvre, mendiant ou caché chez lui», continue Abdeslam qui se souvient d'une photo de lui, portant le gambri déjà, à 11 ans. 40 ans de métier plus tard, il est fier d'être maâlem et de participer à la programmation de ce festival qu'il avait rêvé il y a plus de 16 ans, au Luxembourg. «Le festival des musiques sacrées de Fès existait déjà et je rêvais d'un évènement qui rassemblerait tous les maâlems du monde. J'en ai parlé à l'agence A3 communication, aux autorités, et avec l'aide précieuse et la confiance de Monsieur Azoulay, le rêve est devenu réalité». Une réalité belle et bien palpable puisque cette édition met en avant plusieurs maâlems du Maroc entier qui auront l'occasion de présenter l'étendue de leur art et de leurs coutumes devant un public international mais également local. «Il faut souligner que le festival a permis aux Marocains de faire connaissance avec la musique gnaoua. Je me souviens que quand j'ai commencé ma carrière, on s'intéressait plus à nous à l'étranger que chez nous», raconte le maâlem. C'est ainsi que le festival gnaoua et des musiques du monde a contribué à fédérer. N'en déplaise à certains, l'évènement aura permis et permet encore de confronter cette musique ancestrale et qui raconte une histoire, aux musiques du monde, parfois même modernes. Un voyage dans le temps et dans l'espace que promet ce rendez-vous incontournable 100% gnaoui, à partir d'aujourd'hui, jusqu'au 23 juin prochain pour faire du vent des alizés, un vent libre universel.
Interview
Neila Tazi, Directrice-productrice du Festival gnaoua et des musiques du monde
Le fabuleux destin du festival gnaoua
Les ECO : Le Festival Gnaoua est aujourd'hui un rendez-vous incontournable. Vous attendiez-vous à un tel succès dès la première année ?
Neila Tazi : En 1998, nous avons lancé un événement très modeste sans imaginer une seule seconde qu'il prendrait une telle dimension. Le succès a été au rendez-vous dès la première édition, la ligne artistique a, d'emblée, connu un immense succès, le concept du festival a eu un écho populaire exceptionnel, mais je dois vous avouer qu'on n'a jamais pu se dire «c'est bon, c'est gagné !». Même si le festival jouit d'une réelle notoriété, il est important de garder à l'esprit que tout le projet repose sur le soutien et la confiance des sponsors et que nous sommes en quête permanente d'idées nouvelles pour nous améliorer.
Quel est le secret de sa longétivité ?
Le Festival gnaoua et musiques du monde est unique en son genre. Il valorise à la fois une culture ancestrale et moderne, une culture qui nous plonge dans un univers authentique et ouvert à toutes les autres cultures. Le succès de ce festival repose sur sa programmation très originale et sur une volonté indéfectible de préserver son esprit convivial, celui du premier jour, sans jamais céder à l'ivresse du succès et à la tentation commerciale. Le succès repose aussi sur le travail exceptionnel d'une équipe engagée et sur la confiance des autorités et des sponsors. Le succès repose enfin et surtout sur une formidable alchimie entre la ville, les souiris et leur hospitalité, les visiteurs, les artistes, une volonté commune de partager un moment rare.
Comment a évolué le festival ?
Du fait d'avoir été pionniers et indépendants, nous avons connu plusieurs phases qui étaient conditionnées par l'évolution de l'éco-système dans lequel un événement tel que celui-ci se prépare. Je fais référence au climat général sur le plan politique, économique, social et culturel. L'offre du festival s'est diversifiée, ces événements trouvent plus ou moins leur place dans le monde politique et économique. Je suis maintenant convaincue que le Festival gnaoua est fermement enraciné et va pouvoir entrer dans une phase très intéressante, une ère nouvelle où le contenu sera passionnant à élaborer parce que nous aurons plus de visibilité sur le plan financier. Nous avons passé ces 15 dernières années à courir derrière les budgets, jusqu'à la dernière minute pour arriver à boucler les éditions. Je pense que nous avons suffisamment gagné la confiance des sponsors pour les convaincre d'accompagner notre vision à long terme, de manière à planifier nos programmes longtemps à l'avance. Une bonne planification permet de porter tout le projet vers le haut.
Quelles difficultés avez-vous rencontré au début ?
La plus grande difficulté a été de faire admettre notre statut d'entrepreneur culturel et d'être considéré comme un investisseur comme tous les autres. Les difficultés venaient surtout des mentalités, de la méconnaissance de la façon d'appréhender ce type de projet et du degré de professionnalisme qu'ils exigent si on veut les porter à une échelle internationale. Les festivals ont trop longtemps été assimilés à des moussems, et il a fallu beaucoup de dialogue et de travail pour faire admettre que ce sont des projets complexes à monter et à pérenniser. Les difficultés ont été financières comme pour la quasi-majorité des projets culturels.
Le festival va-t-il au-delà de la manifestation musicale ?
Le festival est avant tout un projet culturel fondateur, un projet que nous nourrissons tout au long de l'année avec un objectif précis, qui est de valoriser et de préserver le patrimoine des gnaoua. Il y a quatre ans, nous avons créé l'association Yerma gnaoua pour la préservation et la promotion de l'art gnaoui, pour renforcer leur statut social et professionnel. Il est certain qu'une des raisons du succès populaire du festival repose sur la reconnaissance de cette minorité longtemps marginalisée, des gens qui n'avaient aucun statut et qui sont devenus une fierté pour le Maroc. Même s'il reste encore beaucoup à faire, l'évolution de la condition du maâlem gnaoui est une source de fierté et d'espoir pour toutes les personnes qui aspirent à plus de reconnaissance et de justice sociale.
Comment travaillez-vous sur la programmation de l'évènement ?
Nous avons deux directeurs artistiques et un conseiller. Nous nous réunissons régulièrement, tout au long de l'année, pour débattre des fusions les plus intéressantes à programmer, de la façon d'innover et de s'ouvrir sur de nouvelles formes de cultures, des équilibres à trouver entre les gardiens du temple gnaoui et les jeunes à encourager. C'est une programmation assez compliquée qui demande des heures de réunions et de recherches, mais elle est au cœur de tout.
Youssou N'dour vient d'annuler sa participation. Comment gérez-vous des situations de dernière minute comme celle-ci ?
Ce sont des situations que vivent fréquemment les organisateurs de festivals, et c'est un peu notre hantise je dirai, surtout lorsque ceci arrive à la dernière minute et qu'il est impossible de programmer un autre artiste. Dans le cas de Youssou N'dour, nous avons cherché très vite à remplacer l'artiste et comme vous pouvez l'imaginer nos réseaux sont nombreux. Maceo Parker sera donc sur la scène Moulay El Hassan samedi soir et apparemment le public est ravi d'apprendre cette nouvelle !
Quel est le budget et combien de personnes attire-t-il ?
Le festival attire des centaines de milliers de visiteurs chaque année, un public fidèle, et chaque année plus de touristes et de jeunes viennent découvrir la beauté de la musique gnaoui et de la culture marocaine. Le budget du festival est cette année de 12 MDH, ce qui n'est pas beaucoup au regard de la taille de l'événement et de son impact sur le plan économique pour la ville et sur le plan médiatique pour le Maroc. Le coût cumulé de ces quinze dernières éditions a été de 70 MDH, pour les 15 réunis, et les retombées médiatiques ont été évaluées à 500 MDH. Ces chiffres parlent d'eux mêmes, le festival rapporte tellement plus qu'il ne coûte, mais ce qu'il produit de meilleur et qui n'a pas de prix, c'est l'harmonie des cœurs et des esprits.
Peut-on dire que le Festival gnaoua est un évènement de renommée internationale ?
Evidemment ! Il suffit de voir le nombre de touristes qui s'y rendent chaque année pour en prendre conscience. Voyez également la liste de nos partenaires médias étrangers : Euronews, France 24, TV5, RFI, les Inrockuptibles, France Culture, Jeune Afrique. La liste de la presse internationale qui couvre chaque édition aussi est impressionnante. Songlines l'a classé parmi les 25 meilleurs festivals de musiques dans le monde, une année, le prestigieux New York Times lui a consacré 3 pages, le quotidien The Guardian l'a sélectionné parmi les 12 plus beaux événements de l'année, et tout récemment National Geographic l'a annoncé comme l'événement incontournable en juin 2013.


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