Infrastructures : fin de cycle ? Durant la dernière décennie, les infrastructures ont quasiment été l'unique secteur où la Chine investissait au Maroc de manière structurée. En effet, ils ont remporté plusieurs marchés dans le programme du développement du réseau autoroutier national. On peut citer des tronçons dans les liaisons Berrechid-Beni Mellal, Fès-Taza, Agadir-Imin Tanoute et dernière en date, la rocade de contournement de Rabat. Dans le cadre de ce dernier chantier, qui est en cours, c'est un groupement chinois (Covec-MBEC) qui réalisera le premier viaduc à haubans du royaume, ouvrage d'art remarquable par son architecture et ses innovations techniques. Seulement voilà, le créneau autoroutier semble commencer à échapper aux maîtres d'œuvres du géant asiatique. En effet, pour le dernier chantier autoroutier à avoir été attribué, reliant El Jadida et Safi, aucun tronçon n'a été attribué aux opérateurs chinois, «même si ces derniers avaient proposé une offre financière inférieure de 5 à 7% par rapport à leurs concurrents», nous révèle une source proche du dossier. Les autorités auraient, légitimement, activé l'option de préférence nationale pour soutenir nos opérateurs du BTP qui commençaient à souffrir du ralentissement économique. Les opérateurs chinois sont loin d'être dupes et ont pris conscience que les opportunités dans le domaine s'amenuisent inexorablement. Ils ont donc entrepris de diversifier leurs centres d'intérêt, en diversifiant les activités visées dans notre pays. Immobilier : nouveau cheval de bataille Aujourd'hui, le secteur immobilier retient toute l'attention des grandes entreprises chinoises qui visent le Maroc. En effet, des opérations de prospection massive sont en cours pour identifier d'urgence une large base foncière pour mettre en œuvre de grands projets immobiliers, «le plus vite possible». Dans ce registre, ils visent aussi bien de grands projets de complexes immobiliers multifonctionnels que le logement économique de masse. Pour la première catégorie, le géant chinois «Sinohydro» est d'ailleurs en train de prospecter pour l'acquisition d'un terrain d'une superficie comprise entre 15 et 20 hectares pour réaliser un complexe immobilier dans le grand Casablanca. Aussi, d'autres opérateurs du pays de Confucius sont en recherche active de foncier pour des projets de logements sociaux dans la périphérie de la capitale économique. Déjà, plusieurs sites d'intérêt prioritaire ont été identifiés dans cette zone: Mohammédia, Berrechid, Ben Ahmed, Had Soualem ou encore El Gara. Il faut dire que le segment économique marocain est particulièrement adapté aux caractéristiques et objectifs propres aux promoteurs chinois, en ce sens où ils peuvent miser sur une offre commerciale attractive pour garantir la rapidité d'écoulement des logements, tout en bénéficiant de foncier abordable et de matériaux de construction bon marché. La concurrence chinoise dans l'immobilier est donc à attendre au tournant. Industries : la réactivité, l'atout marocain Le cliché est devenu galvaudé, «la Chine est l'usine du monde». Cette image réductrice de la stratégie industrielle chinoise est de plus en plus obsolète. Il faut dire que, si en effet à une certaine époque les industriels chinois se contentaient d'exploiter l'avantage comparatif en main d'œuvre pour inonder le monde de produits, beaucoup d'entre eux ont évolué et intègrent bien d'autre paramètres économiques dans leurs business models et dans leurs stratégie concurrentielle internationale. Parmi ces paramètres, la réactivité est devenue une clé de voûte, puisque jusque là principale faiblesse, notamment vers les marchés européens. C'est là que l'attrait du Maroc comme destination industrielle pour les chinois prend toute son ampleur. Dans ce sens, plusieurs industriels de l'empire du milieu cherchent des opportunités d'investissement pour exploiter la position géographique du Maroc et son accès facilité vers l'Europe. Ainsi, ils considèrent sérieusement le Maroc comme base avancée dédiée au marché européen, à partir de laquelle ils pourraient honorer leurs commandes urgentes et leurs engagements sur les productions à flux tendu. Les principales industries concernées entrent dans la catégorie de l'assemblage, notamment d'équipements électroniques et électroménagers, mais pas seulement. Des opérateurs chinois de référence dans l'industrie lourde sont également séduits, mais hésitent encore, faute d'offre foncière industrielle adaptée, vu les grand besoins en superficie qui sont nécessaires à cette catégorie de production (voir article page 6). C'est d'ailleurs dans cette configuration que se trouve un géant du pneumatique de la région chinoise de Tsingtao, qui réalise 90% de son chiffre d'affaires en Europe et qui reste en attente d'un terrain industriel adéquat, notamment dans la région de Tanger, pour finaliser son implantation au Maroc. La composante logistique n'est pour sa part pas en reste et fait également l'objet de toute l'attention des investisseurs chinois. Banque et Finance : Bank of China en discussion avec AWB Dans l'offre chinoise d'investissement à l'international, réalisation et financement vont de pair. Du côté marocain, quelques banques nationales ont depuis plusieurs années compris l'intérêt de la présence en terre chinoise, notamment BMCE Bank, qui dispose d'un bureau de représentation à Pékin. Aujourd'hui, c'est au tour des géants bancaires chinois de s'intéresser à leur présence au Maroc. C'est ainsi que Les Inspirations ECO ont appris de source informée qu'effectivement Bank of China compte prendre pied au Maroc et aurait entamé une coopération étroite avec Attijariwafa Bank, à travers sa filiale française «Bank of ChinaParis Branch». Le principal objectif de cette coopération bancaire stratégique n'est autre que d'accompagner financièrement les investisseurs chinois, qui comptent opérer depuis le Maroc. Pour sa part, la banque de Othman Benjelloun accueillera pendant le dernier tiers de juin et sur trois jours, la Chambre de commerce et d'industrie conjointe Afrique-Chine (China Africa Joint Chamber of Commerce and Industry-CAJCCI), pour approfondir les opportunités communes entre les parties dans le continent noir. Energies renouvelables : le Maroc, destination stratégique Depuis l'annonce du plan énergétique 2020 et du Plan marocain de développement de l'énergie solaire, les Chinois ont été parmi les premiers à se positionner et à suivre les appels d'offres. Il faut dire que depuis plusieurs années, l'industrie chinoise des énergies renouvelables a développé une expertise reconnue au niveau international. Si l'Empire du milieu compte des fleurons dans les technologies éoliennes et photovoltaïques, il est même pionnier sur d'autres technologies novatrices telles que le recyclage thermique, sur lequel l'innovation chinoise est même en avance par rapport à l'ensemble de ses concurrents dans le domaine. Des contrats sont d'ores est déjà signés avec l'un des plus gros sidérurgistes nationaux et les travaux pour équiper ses hauts fourneaux ont même été entamés par l'entreprise chinoise, pour un investissement de 5 à 6 MDH, à amortir en seulement 3 ans. Les autres sidérurgistes sont en cours de négociation alors que les cimentiers pourraient également emboiter le pas, puisque cette technologie est rentable pour toutes les industries utilisant de hauts fourneaux à très haute température et de fait extrêmement gourmandes en énergie.